MFLT 81 B - Cours C. Grenouillet – Nathalie Sarraute (2009) - 1 - Nathalie Sarr
MFLT 81 B - Cours C. Grenouillet – Nathalie Sarraute (2009) - 1 - Nathalie Sarraute, le Nouveau Roman et l’autobiographie Plan du cours : 1. Le Nouveau Roman et ses refus..............................................................................1 a. L’impossibilité de la représentation.....................................................................1 b. La nécessité d’inventer des formes nouvelles......................................................2 c. Personnage/sujet .................................................................................................2 d. Une impossible cohérence...................................................................................3 e. Sous-conversation et tropismes ...........................................................................3 2. Nathalie Sarraute face à l’autobiographie................................................................4 a. Les « nouvelles autobiographies ».......................................................................5 b. Les souvenirs d’enfance......................................................................................6 c. Le refus de se dresser une « statue »....................................................................7 3. Enfance : étude du paratexte...................................................................................8 a. Un élément du péritexte : le titre .........................................................................8 b. L’épitexte : Sarraute face à l’autobiographie dans les entretiens..........................9 4. Enfance : composition, structure, nouveauté du texte............................................10 a. Un texte morcelé...............................................................................................10 b. Un texte construit, monté..................................................................................11 c. Le choix du présent...........................................................................................12 Conclusion ...................................................................................................................13 Engagée dans l’aventure du Nouveau Roman dont elle était la doyenne (22 ans de plus qu’Alain Robbe-Grillet : désormais ARG), Nathalie Sarraute s’est fait connaître d’abord comme romancière, comme critique, puis comme dramaturge. Elle est un écrivain consacré, auteur de 7 « romans » lorsqu’elle publie Enfance en 1983. Née à Ivanovo-Voznessensk en 1900 (décédée en 1999), Nathalie Sarraute porte le nom de son mari, Raymond Sarraute, épousé en 1925, dont elle a eu trois filles (dont Claude Sarraute). Après des études de droit et d’anglais, elle devient avocate. Ses premiers livres sont : Tropismes (1939 puis rééd. chez Minuit en 1957 : ensemble de courts textes), Portrait d’un Inconnu (1948 – roman préfacé par Sartre ; ce livre obtient une certaine consécration mais pas de succès public), Martereau son deuxième roman marqué par la désintégration du personnage (1953), Le Planétarium (1959). L’Ère du soupçon en 1956 est un ensemble d’essais sur le roman. On l’associe souvent à Alain Robbe-Grillet et aux autres romanciers qui constituait « l’hydre à sept têtes » du Nouveau Roman dans les années 50-60. Mais sa voie est toute personnelle comme le montrent ses livres Les Fruits d’or (1963), « Disent les imbéciles » (1976)… jusqu’à Ici (formes brèves, 1995) et Ouvrez. 1. Le Nouveau Roman et ses refus Le front de refus que le Nouveau Roman opposait à la représentation traditionnelle et à l’illusion réaliste consistait en une attaque en règle contre la représentation traditionnelle, la constitution de personnages traditionnels. a. L’impossibilité de la représentation MFLT 81 B - Cours C. Grenouillet – Nathalie Sarraute (2009) - 2 - Peut-on représenter le réel, le monde au moyen de l’écriture. Deux options se dessinent : celle qui répond oui (Sarraute ; mais le « réel » qu’elle veut représenter est surtout psychologique) ; celle qui dit non (ARG). Une idée forte du Nouveau Roman (selon ARG), c’est que le réel est irreprésentable (« toute réalité est indescriptible », déclare ARG dans Le Miroir qui revient), l’univers est instable et inépuisable. En son sein, l’homme est désorienté : il n’y a plus d’idéologie rassurante pour l’interpréter, ni marxisme, ni religion. La tradition réaliste tend à faire du monde quelque chose de familier en utilisant des recettes « périmées ». Or, ce monde est étrange. ARG s’élève contre l’usage de la métaphore anthropomorphe et rassurante (dire d’un village qu’il est « blotti » au cœur du vallon par exemple). Il faut éviter la « clarté mortelle du connu » déclare Nathalie Sarraute dans « Ce que je cherche à faire » (Nouveau roman : hier, aujourd'hui). La narration traditionnelle est désagrégée ; l’écrivain se met à écrire non pour « raconter une histoire », mais pour savoir pourquoi il écrit. Chaque fois, devant un texte que je suis en train de commencer, c’est comme si je n’en avais jamais écrit avant. Il y a quelque chose que je n’ai pas encore montré, et il faut le saisir et il faut essayer de le faire passer dans du langage. Et la difficulté est exactement la même. (Nathalie Sarraute, French Studies, juillet 1985). b. La nécessité d’inventer des formes nouvelles Le fait de raconter des histoires sur un mode traditionnel (réaliste) relève d’une esthétique dépassée, réactionnaire qui conforte la paresse des lecteurs. Les formes précédentes (issues du XIXe siècle) étant « périmées » (comme le dit ARG dans Pour un nouveau roman), relevant d’une vision du monde dépassée, il fallait inventer du neuf. C’est par cette volonté que se trouvèrent réunis les auteurs du Nouveau Roman. Pour Butor, ARG, comme pour Sarraute ou pour Pinget, le roman s’institue comme « recherche » (cf. article de Butor) laquelle est souvent associée à la quête de l’alchimiste (chez Pinget, ARG). c. Personnage/sujet L’idée qu’un sujet (un individu) est un substrat fiable de la perception du réel, de l’analyse, de la remémoration est à l’origine de l’idée de « personne » et de celle, en littérature, de personnage. Or, le nouveau roman considère que le sujet est informe (on parlé de la crise du sujet). Comme le dit ARG dans son autobiographie : le moi est parcellaire, éclaté et ne présente aucune unité… ARG vient d’évoquer son grand-père : Voici donc tout ce qu’il reste de quelqu'un, au bout de si peu de temps, et de moi-même aussi bientôt sans aucun doute : des pièces dépareillées, des morceaux de gestes figés et d’objets sans suite, des questions dans le vide, des instantanés qu’on énumère en désordre sans parvenir à mettre véritablement (logiquement) bout à bout. C’est ça la mort. Construire un récit, ce serait alors – de façon plus ou moins consciente – prétendre lutter contre elle. Tout le système romanesque du siècle dernier, avec son pesant appareil de continuité, de chronologie linéaire, de causalité, de non- contradiction, c’était en effet comme une ultime tentative pour oublier l’état désintégré où nous a MFLT 81 B - Cours C. Grenouillet – Nathalie Sarraute (2009) - 3 - laissés Dieu en se retirant de notre âme, et pour sauver au moins les apparences en remplaçant l’incompréhensible éclatement des noyaux épars, des trous noirs et des impasses par une constellations rassurante, claire, univoque, et tissée à mailles si serrées qu’on n’y devinerait plus la mort qui hurle entre les points, au milieu des fils cassés renoués à la hâte. ARG, Le Miroir qui revient, Minuit, 1984, p. 27 dans cet extrait, ARG montre que le sujet n’a aucune cohérence (le moi est fait de morceaux, de pièces dépareillées etc.) ; il explique le roman du siècle dernier comme une tentative pour pallier ce sentiment du sujet d’être désintégré. Il assigne au roman réaliste une origine : la « mort de Dieu » (Dieu garantissait le sujet). On voit que la psychanalyse est passée par là : elle, montre la complexité, l’opacité du sujet. La réduction du « personnage » à des types (« l’avare », « le père exemplaire »), comme chez Balzac se révèle impossible (Grandet : « l’avare » ; Goriot : « Christ de la paternité »…). C’est pourquoi dans le nouveau roman le personnage tend à disparaître : souvent évanescent, il est une sorte de fantôme dans Portrait d’un inconnu (Nathalie Sarraute) ; parfois il est désigné par une simple lettre (O dans La Bataille de Phrasale ou dans Le Palace de Claude Simon). L’Ère du soupçon a fait le procès du personnage romanesque ; Robbe-Grillet le considère comme une notion “périmée” (Pour un Nouveau Roman). Avec le nouveau roman, le personnage romanesque cesse d’avoir un état civil, un passé, une famille, ou un métier. d. Une impossible cohérence L’idée qu’on peut identifier (dans la vie) et reconstruire (dans la littérature) une causalité (enchaînement de cause à effet, logique des actions), déterminante dans le roman du XIXe et dans l’autobiographie est elle aussi une idée périmée. Or Philippe Lejeune voit dans l’entreprise autobiographique une « exigence de signification » et de cohérence. e. Sous-conversation et tropismes Dans l’œuvre de Nathalie Sarraute, le personnage n’est plus que support d’état d’âme ; ce qui intéresse la romancière, c’est d’explorer le non-dit, la “sous-conversation” constitutive des drames de l’existence (c'est-à-dire le flot de pensées ou de sensations souterraines qui accompagne, précède ou est provoquée par la conversation ou le contact avec autrui – elle a co-inventé ce mot avec Sartre). Le personnage est réduit à des ils et des elles dans Tropismes. Puis Sarraute a réintroduit des personnages dans son œuvre ; dans Le Planétarium, ils portent même des prénoms et noms (Alain Guimiez, Germaine Lemaire etc.) Dans Les Fruits d’or (1963) ou dans « Disent les imbéciles » (1976), les paroles prononcées ne sont pas référées à des individus particuliers (-> anonymat). Dans « Conversation et sous-conversation » (L’Ère du soupçon), Nathalie Sarraute identifie « ce qui se dissimule derrière le monologue intérieur » (p. 97) – monologue qui a intéressé des écrivains comme Marcel Proust – : « un foisonnement innombrable de sensations, d’images, de sentiments, de souvenirs, d’impulsions, de petits actes larvés qu’aucun langage intérieur n’exprime, qui se bousculent aux portes de la conscience, s’assemblent en groupes compacts et surgissent tout à coup, se défont aussitôt, se combinent autrement et réapparaissent sous une nouvelle forme, tandis que continue à uploads/Litterature/ cours-sarraute1.pdf
Documents similaires










-
25
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2725MB