LEONARDO CASTELLANI Le Verbe dans le sang Introduction, textes choisis, traduct

LEONARDO CASTELLANI Le Verbe dans le sang Introduction, textes choisis, traduction et notice biographique par Erick Audouard A ma femme Emmanuelle et à mon fils Joachim. A Guido Mizrahi, l’ami de toujours. Au reste fidèle. INDEX CASTELLANI, CURE MAUDIT, par Erick Audouard SUR CETTE TRADUCTION I. Elus et Réprouvés Le Désespoir Païen Saint Gilbert du Bon Sens La croix de Léon Bloy Avec Claudel en coup de vent Wells, faux prophète Hopkins chez les Jésuites Inquisitions et fantômes théologiques La Geôle d’Oscar Wilde Pape Satan, pape Satan allepe, petite histoire du diable Anatole philosophe Du dégonflage de baudruches Perception du démoniaque De l’humour espagnol en particulier et de l’humour de Dieu en général II. L’homme est un chercheur de chaînes A l’école de Rousseau Vous avez dit révolution ? La Démocasserie Libérale Culture ou culturopathie L’Ultime Hérésie Professionnels Charles Quint et l’imprimeur Morale et Moraline Les deux morales de Nietzsche Le Scientifique et le Salut Credo de l’Incroyant Semi-lettrés Telar de Chardon, une dernière fois Le Culte de la Liberté Le Nouveau Socrate Un apôtre en vogue La Grande Leçon Notes sur Kirkegord III. Nouvelles de l’Apocalypse Vision religieuse de la crise La dernière parabole Le Drame du Christ La grande menace La Provocation Le Martyr et le Tyran NOTICE BIOGRAPHIQUE REMERCIEMENTS Castellani, curé maudit I. Maudit curé « Vous comptez passer à la postérité avec cette œuvre ? – Non, au restaurant du coin ». Leonardo Castellani Au seuil de cette présentation, il nous faut écouter le silence qui couvre le nom de Leonardo Castellani. Ignoré dans son pays, cet écrivain argentin – philosophe, poète, romancier, nouvelliste, journaliste, théologien, et prêtre catholique – demeure inconnu en France comme partout ailleurs. Mort à Buenos Aires il y a trente-cinq ans, auteur d’une œuvre considérable qui avait, durant près de six décennies, embrassé tous les genres et toutes les disciplines, il développa une pensée d’une rare originalité dont le privilège non moins rare fut d’être récompensée par un déluge de persécutions, avant que ne soit déposée sur sa tête une triple couronne de dédain, de misère et d’oubli. La destinée d’un homme lui ressemble ; la sienne est à faire peur. Ne lui cherchez aucun prestige, il est immaculé. Ici, quelque chose a tourné court, et il serait ridicule de cacher au lecteur le néant où se trouve relégué le génie malheureux auquel nous voudrions l’intéresser. Compte tenu du volume et de la grandeur de l’œuvre en question, c’est un cas d’espèce. 50 livres, autant de fictions que de méditations, depuis les FABLES PAYSANNES de sa jeunesse et les récits mystico-policiers des MORTS DU PERE METRI jusqu’aux sommets philosophiques du DE KIRKEGORD A THOMAS D’AQUIN, depuis la satire romanesque du NOUVEAU GOUVERNEMENT DE SANCHO jusqu’à l’exégèse de L’APOKALYPSIS DE SAINT JEAN, en passant par SA MAJESTE DULCINEE, mixte halluciné des deux, un millier d’articles dans la presse, des dizaines de préfaces et d’introductions, des études, des leçons, des conférences, des homélies, une foison de travaux sur l’art poétique, la psychologie, l’éducation, la politique, la métaphysique, l’eschatologie, etc. : à la trappe. Leonardo Castellani n’existe pas, tout simplement. Par quel mystère un écrivain aux investigations si variées ne se trouve mentionné nulle part à son rang ? Pourquoi une figure aussi singulière n’a-t-elle jamais reçu l’attention qu’elle mérite, ne serait-ce qu’à titre de curiosité intellectuelle ? Dans un monde qui vole au secours du succès, pareille disgrâce frise l’indécence. Lorsque les fléaux s’acharnent sur un individu, c’est le vieux réflexe des foules de se demander s’il ne l’aurait pas un peu cherché. Il doit y avoir une bonne raison, se dit-on, pour que la Providence abandonne aussi cruellement quelqu’un après l’avoir doué d’immenses vertus ; ces vertus mêmes sont funestes qui attirent le mauvais sort, et par crainte de la contagion, on détourne les yeux ou on les ferme. Nous garderons les nôtres ouverts. La responsabilité que porte Castellani dans son infortune fait partie de l’énigme que nous avons essayé d’aborder, sans espoir de la déchiffrer toute entière, mais en espérant que d’autres, émus comme nous l’avons été, ressentent à leur tour l’admiration – et peut-être mieux, l’affection – qu’il est digne d’inspirer. Notre époque a fait plus que l’oublier : elle s’est offert le luxe d’oublier qu’elle l’a oublié. Comment est-ce possible? Une première explication vient du milieu qui lui permit de s’exprimer. Ses ouvrages furent édités grâce à l’existence en Argentine d’un petit groupe de nationalistes catholiques qui survécut tant bien que mal entre 1935 et 1965 environ, jusqu’à succomber de ses divisions internes. Les gens qui formaient ce groupe aux contours très flous rêvaient de Monarchie et de Restauration, fustigeaient le Capitalisme et le Communisme, se lamentaient d’avoir perdu la guerre culturelle, dénonçaient le prédateur anglo-saxon, accusaient l’oligarchie juive et franc-maçonne de corrompre la société, aspiraient de toutes leurs forces à préserver leur pays du nihilisme et de la décadence. Castellani ne fut pas leur chef, mais leur héros. Il ne partageait pas toutes leurs opinions, mais c’est par eux qu’il était lu. Il était leur boussole et souvent leur coup de fouet. Résolument antimoderne, il écrivit beaucoup contre. Non seulement contre le libéralisme, auquel il s’attaqua toute sa vie, mais contre les dérives de son propre camp. Chantre du patriotisme argentin, il fut aussi son plus grand critique ; champion de la Tradition, il fut aussi son observateur le plus sévère. Acerbe, inclassable, déroutant, même pour ses proches, la hiérarchie jésuite dont il raillait l’hypocrisie le suspendit. Il accepta la réclusion et l’exil, finit par s’évader, fut expulsé de son Ordre, mendia un procès qui n’arriva jamais et continua jusqu’au bout à souffrir pour l’Eglise et par l’Eglise. Ces vicissitudes ont forgé sa légende. Elles lui valurent des sympathies bien au-delà de son propre univers, mais la postérité n’a retenu que ses liaisons avec un mouvement qui flirtait avec des idées dangereuses. Pour ce jésuite rebelle et franc-tireur, les jeux étaient faits. Ses obsessions alimentaient une flamme qui s’est éteinte ; après la tragédie de la Seconde Guerre Mondiale, les hommes se sont désintéressés des questions qu’elles éclairaient avec ferveur. Ils ont choisi d’autres voies, et Castellani s’est retrouvé derrière un rideau de fer – du plus mauvais côté de l’Histoire. Il s’y retrouva de son vivant. Il s’y trouve encore. Le monde actuel est un créateur d’enfers non moins impitoyables que ceux du monde ancien ; dans ce Tribunal des Limbes, antichambre obscure de la Correctionnelle, quelques personnages antipathiques voisinent le fantôme de simples suspects dont le seul crime est d’avoir nourri des illusions, d’avoir aimé ce qui était démodé ou, plus sommairement encore, de n’avoir pas été au bon endroit au bon moment. Les raisons de les rétablir ne sont pas toutes valables ; il y en a d’honorables pour Castellani. Que ce soit dans l’écriture ou dans la vie, la couardise n’était pas son fort. En 1976, alors que la junte militaire venait de s’emparer du pouvoir, le général Videla l’invita à déjeuner en compagnie de deux écrivains célèbres, Jorge Luis Borges et Ernesto Sabato. Vieux et malade, il n’accepta l’invitation que pour réclamer la libération des prisonniers politiques. Il fut le seul. Ce jour-là, face au Tyran, l’Esthète et l’Arriviste ont préféré parler chiffons, c’est-à-dire Culture. Toutefois, il se pourrait que son œuvre souffre de travers autrement plus graves que d’une insoumission aux autorités établies. Outre ses partis pris, ses jugements tranchés, son art de se compromettre à fond, elle est transdisciplinaire comme on ne l’est plus et comme il était déjà interdit de l’être à son époque. Elle abat effrontément les parois que nous avons dressées entre les divers champs de l’esprit – philosophie, lettres, arts, science, morale, religion – et les rassemble dans un même rapport de l’homme à sa condition concrète, dans l’unité du Sens retrouvé. Ce Sens qu’elle défendait a perdu tout crédit ; les angoisses et l’espérance qui la travaillent peuvent paraître aujourd’hui naïves ou désuètes, voire ressortir de superstitions dont la Littérature se flatte d’être à jamais purifiée. Certains iront jusqu’à trouver cette impérieuse défense du Sens d’une absurdité insupportable. Ou ils en souriront, la trouveront pittoresque, récuseront les prétentions à la connaissance de son auteur ; ils le jugeront sur la forme, en essayant de pousser le fond sous le tapis. Allant plus loin, se posera pour eux le problème de l’incompatibilité entre vision artistique et vision religieuse. L’écrivain qui prétend les accorder ne peut être qu’une chimère, un hybride improbable, sorte de chauve-souris littéraire voletant dans une zone indéterminée, à l’angle mort des matricules, ni tout à fait artiste, ni tout à fait homme de foi. D’autres renâcleront au spectacle d’une si mauvaise volonté à souscrire au nouvel esprit du temps. Ils se demanderont à quoi sert d’avoir une vue perçante, si c’est pour prendre en sens inverse tous les courants révolutionnaires qu’on anticipe. Ils mettront au nombre de ses défauts la tendance à rire de ce que nous prenons au sérieux et à prendre au sérieux ce que nous traitons par-dessus la jambe. Ils désapprouveront uploads/Litterature/ leonardo-castellani-le-verbe-dans-le-sang-pdf.pdf

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