1 2 Mise en scène : Jean Pierre Brière Assistante à la mise en scène : Marie Cr

1 2 Mise en scène : Jean Pierre Brière Assistante à la mise en scène : Marie Crouail Comédiens : Le client : Bruno Debrandt Le dealer : Jean Pierre Brière Le troisième homme : Jean François Michel (Cie chorégraphique Willy Max) Animaux : Uxy et Bambou Maitres-chiens : Céline et Jean Louis Audrain Scénographie : Pascale Mandonnet Constructeurs : Hélène Messent et Hervé Sonnet Conception son : Didier Préaudat Régie son : Cécile Torrente Conception et conduite lumières : Eric Guilbaud Costumes : Pascale Barré Régie générale/Conduite lumière : Thierry Debroas Captation video : Quentin Brière Bordier. Crédit photos : Philippe Dereuder et Jérôme Libermann 3 Critique presse à la création : La fragilité et l'incandescence Par François Vicaire in Théâtre en Normandie « Dans la solitude des champs de coton » est l'histoire d'une rencontre entre deux êtres, entre deux natures, entre deux intimités qui se cherchent et finiront par se trouver dans la violence de l'affrontement corporel après avoir exploré toutes les pistes des découvertes réciproques qui peuvent se présenter. Koltès met en scène le jeu de l'offre et de la demande, quelles qu'elles soit, dans un langage flamboyant et âpre qui déroule toutes les subtilités du rapport de force s'établissant entre un dealer et son client. Il y a entre ces deux personnalités qui se mesurent une véritable recherche de l'autre qui va bien plus loin que les péripéties d'une transaction furtive. Il y a là une manière de parade qui oscille entre une violence revendiquée et une tendresse qui se refuse. Toute la pièce tient en quelque sorte dans cette conception développée par le dealer : deux hommes qui se croisent n'ont pas d'autre choix que de se frapper « avec la violence de l'ennemi ou la douceur de la fraternité ». Dans sa mise en scène Jean-Pierre Brière fait parfaitement la part de cette dualité en accentuant l'ambiguïté que chacun des protagonistes assument. Dans un univers très chichement éclairé, il fait évoluer ses personnages dans le no man's land d'un lieu paradoxalement réchauffé par la présence de chiens qui sont les spectateurs épisodiques et blasés de cette histoire d'hommes qui se conduisent pratiquement comme des bêtes. Koltès dans ses indications de mise en scène demandait que le dealer soit joué de préférence par un comédien noir pour marquer plus encore le décalage entre les deux hommes. Jean-Pierre Brière n'y souscrit pas vraiment puisque c'est lui qui tient – et avec beaucoup de présence et de force – le rôle. Mais il ne s'écarte pas tout à fait des intentions de l'auteur en donnant à un troisième personnage qui est, lui, de couleur, l'emploi d'une sorte de contre- chant – ou de contre-champ, au choix – à une action dont il est le témoin muet mais terriblement présent. Jean-François Michel y déploie une belle animalité qui trouve toute sa force dans la sauvagerie brutale d'une danse qui, comme c'est souvent le cas chez Koltès, associe la sensualité à la violence. Enfin, Bruno Debrandt donne à son personnage du client une densité qui tient dans les révoltes fragiles d'un écorché-vif. Il y met une flamme rageuse qui vient se heurter sur l'apparente impassibilité de son interlocuteur. Dans ce duel dévastateur, aucun des belligérants ne sort vainqueur. Placé face à face, le fort s'alimente aux faiblesses de son adversaire et le faible s'alimente à la force du sien. La mise en scène de Jean-Pierre Brière respecte cette tragique dualité en lui donnant un ton qui pourrait parfois paraître, surtout dans la mise en route du spectacle, quelque peu convenu s'il n'y avait au fur et à mesure que l'action se densifie de beaux éclats de souffrances partagées qui surgissent et que les comédiens portent à leur incandescence. 4 On rencontre parfois des lieux qui sont, je ne dis pas des reproductions du monde, mais des sortes de métaphores de la vie, ou d’un aspect de la vie, ou de quelque chose qui me parait grave et évident, comme chez Conrad par exemple les rivières qui remonte dans la jungle. Bernard Marie Koltès cité par Christophe Pellet, en exergue de « La forêt où nous pleurons » de Frédérique Vossier / Edition Quartet Ça commencerait comme au plus profond d’un songe, puissamment présent et étrangement lointain, une sensation dépaysante de paysage orphelin. Un endroit connu qui se dérobe à la reconnaissance, par trop de nuit ou pas assez, où trainent ça et là carcasses d’hommes et d’animaux déambulant sans hostilité. Un lieu laissé pour solde de tout compte, où virevoltent en nuées grotesques paperasses et archives, … « au milieu de tout ce dont on n’a pas voulu là-haut, au milieu d’un tas de souvenirs pourrissants… », et dont le ciel serait absent. Un homme noir est là, qui ne dit rien autre que sa négritude, une femme maigre peut être aussi, qui ne dit rien autre que sa maigreur. On pourrait penser un moment être entre les pages incandescentes d’un roman de Faulkner, à un autre se dire tiens je suis au cœur des ténèbres et c’est Conrad qui jette en vrac ses brouillons par les fenêtres. On finit par deviner d’autres silhouettes, une, puis deux, homme ou animal qui sait, fouillant le sol, tête en terre, groin peut-être. Massif. Ca prendra la parole, une parole, la leur sans doute, pour ne plus la lâcher. Parleront jusqu’à plus soif de désir, de commerce, de ruisseau d’étable, de petites fiancées, de pantalons et de vestes qui tombent en pluie d’automne. Et ça commencerait là : un homme en rencontre un autre. Bon. Le premier parle et arrête le second qui n’en revient pas. Ca crée un lieu, ça crée un temps. Ca crée une transaction. Et parce qu’il y a transaction il y aura des transacteurs et ces transacteurs joueront la transaction. C’est simple. Dans « Dans la solitude des champs de coton », un homme dit à un autre que s’il est maintenant, précisément là, à cette heure et en ce lieu, c’est qu’il désire quelque chose qu’il n’a pas et que cette chose, lui, il peut la lui fournir. Il ne se nomme pas, ne nomme pas le lieu, ne nomme pas le désir ni l’objet du désir. Il ne nomme pas celui à qui il s’adresse, ne dit rien de lui-même. Si ce n’est qu’il se place dans un temps où l’ordinaire est à la sauvagerie. Jean Pierre Brière 5 Dans l’œuvre de Koltès, pourquoi Dans la solitude des champs de coton ? Ce texte fait partie des textes qui vous choisissent plus que vous ne le choisissez. Je ne voudrais pas qu’il soit prétentieux de dire ça, mais c’est pourtant ainsi que se présentent les choses. Il vient au bout du compte, au milieu d’un faisceau de convergences préalables provenant de ma passion de la lecture, du cinéma. Ce fut le cas par exemple pour « Ambulance » que j’ai monté en 1998, et qui tombait sous le sens après mes lectures de L’Odyssée et d’Ulysse de Joyce. J’avais vu le film « Naked » de Mike Leigh, je pensais alors en demander les droits pour une adaptation à la scène. J’allais à Londres pour ça, rencontrer Mike Leigh et j’ai finalement rencontré Grégory Motton que je ne connaissais pas, pour finalement monter une de ses pièces : « Ambulance ». Quant à Koltès, j’y suis venu en remontant les contre-allées. Joseph Conrad tout d’abord, « Au cœur des ténébres » et le traitement au cinéma « avec « Apocalypse now », et plus loin encore, des fulgurances de lecture de Julien Gracq, notamment « Un balcon en foret », quelques scènes du cinéma de Tarkovski dont l’énigmatique somptuosité continue à susciter en moi d’indécryptables résonnances. Dans la solitude des champs de coton s’imposait -comment dire ?-, comme une nécessité intime, question récurrente chez moi de la corrélation du théâtre, de l’architecture et de la pensée. Dire de notre époque le dévoiement du désir d’être par le désir de posséder, d’accumuler, d’opposer l’un à l’autre jusqu’à la négation, aux portes de l’anéantissement. Jusqu’à la folie d’un système de pensée sans distinction, sans attache, une machine célibataire qui ne tire jouissance que d’elle-même et se mord la queue comme un chien se dévorerait les pattes. J’ai mis en chantier, de 2009 à 2010, des approches préambulaires réalisées dans les locaux désaffectés de l’hôpital psychiatrique à Evreux. Ca s’appelait Plan K. Pour l’anecdote, c’est ma fille qui m’a mis la puce à l’oreille, sur ce que pouvait vouloir dire ce : Plan K, lorsqu’elle m’a demandé si j’avais pensé au nom du personnage principal – qui s’appelle Kaplan-, interprété par Gary Grant, dans le film : La mort aux trousses. Où l’on voit un homme descendu d’un bus en pleine plaine rase, « costumecravatesouliersvernisbrushingchicrasédeprès » fuyant à en perdre haleine une menace crachotante et vrombissante qui lui tombe du ciel. Ce Plan K m’a permis de mettre à l’épreuve les intuitions préliminaires à la création de la pièce. Notamment le discours de la normalité - la uploads/Litterature/ dans-la-solitude-des-champs-de-coton 1 .pdf

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