v - • •-.:. P-00579243 Agrégé de Langue et Littérature Arabes L E MILIEU BASRIE

v - • •-.:. P-00579243 Agrégé de Langue et Littérature Arabes L E MILIEU BASRIEN ET LA FORMATION DE GAIjlZ v _ THÈSE PRINCIPALE POUR LE DOCTORAT ES LETTRES PRÉSENTÉE À LA FACULTÉ DES LETTRES DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS ^ **»%> G ; '•a 5 P A R I S LIBRAIRIE D'AMÉRIQUE ET D'ORIENT ADRIEN-MAISONNEUVE 11, Rue Saint-Sulplce (VIe) 1 9 5 3 L E MILIEU BASRIEN ET LA FORMATION DE GÂHIZ CHARLES PELLAT Agrégé de Langue et Littérature Arabug LE MILIEU BASRIEN ET LA V _ FORMATION DE GAHJIZ THÈSE PRINCIPALE POUR LE DOCTORAT ES LETTRES PRÉSENTÉE À l,A FACULTÉ DES LETTRES DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS P A R I S LIBRAIRIE D'AMÉRIQUE ET D'ORIENT ADRIEN-MAISONNEUVE 11, Rue Saint-Sulpice (VIe) 1 9 5 3 AVERTISSEMENT Une longue fréquentation des œuvres actuellement publiées et de quelques épîtres encore manuscrites de ôâljiz n'a point manqué de provoquer en nous une sympathie croissante pour cet écrivain sî fécond et, en apparence tout au moins, si original. Nous avons certes la conviction que la fécondité de Gâ J)iz n'est point un fait isolé dans la littérature arabe ; sans même avoir besoin de citer l'exemple d'un Ibn Ijazm al-Andalusî ou d'un Suyfatï, îl suffit de parcourir le Fihrist d'Ibn an-Nadïm pour constater que dès le 11e = vm e siècle, c'est-à-dire dès que les moyens matériels furent mis à leur disposition et que s'atténua le préjugé d'après lequel la trans- mission orale était seule licite, bon nombre de lettrés consignèrent par écrit une masse importante de connaissances que leurs prédéces- seurs avaient seulement conservées dans leur mémoire. Cette pro- duction, en grande partie détruite au cours des multiples boulever- sements qui ont appauvri le patrimoine littéraire des Arabes, n'a partiellement survécu que grâce à des circonstances exceptionnelles ou aux emprunts effectués, selon un procédé fréquent, par les écri- vains postérieurs. Encore ces auteurs dont Ibn an-Nadïm a pu consulter les ouvrages — authentiques ou apocryphes, peu importe —, ont-ils eu le soin et peut-être la fierté, de confier à l'écriture le fruit de leurs études et le produit de leur réflexion, de leurs observations ou de leur imagination. Mais combien d'autres personnages aussi instruits, aussi spirituels sans doute, se sont bornés à parler et à transmettre oralement leur savoir à un auditoire qui n'était pas toujours disposé à en recueillir pieusement tous les détails ! 1 1 serait déjà difficile, même en apportant à ce travail la plus grande attention et en faisant la part des attri- butions frauduleuses, de reconstruire partiellement l'œuvre orale d'un seul de ces maîtres des Ier et ne siècles qui ont joué un rôle si . prépondérant dans l'évolution de la culture arabe ; mais il semble impossible de dresser la liste de tous les hommes d'esprit dont les ouvrages d'adab, en particulier, nous ont conservé quelques bribes de conversation, quelques paroles rendues souvent obscures par l'absence de contexte, mais où percent néanmoins des qualités pro- fondes d'observation, d'éloquence ou simplement d'humour. Tous ces bavardages, ces discussions, ces dissertations dont Abu gayyân at-Taubïdï nous donnera plus tard un aperçu dans ses Muqâbasât, toute cette littérature « parlée », sans être populaire, mériterait de prendre place dans l'histoire littéraire des Arabes : malheureusement les vestiges que nous en possédons présentent rarement des garanties suffisantes d'authenticité pour qu'on puisse en faire état sans périL Force nous est donc de nous en tenir à ce que nous possédons et d'essayer de dégager l'originalité de Gàljiz en le comparant aux écrivains dont l'œuvre « écrite » nous est parvenue. T1II I.fi MILIEU BASRIEN ET ÛÂrjIZ Et l'on doit dire tout net que pas un auteur contemporain ou postérieur ne lui ressemble ; toutes les analyses que l'on peut tenter pour découvrir des analogies sont vouées à un échec certain car les divergences apparaissent avec un tel éclat qu'elles rejettent immédia- tement dans l'ombre les plus frappantes similitudes (1). Le seul mérite que d'autres écrivains pourraient à la rigueur lui disputer est celui d'avoir créé la prose littéraire arabe à un moment où la poésie, abandonnant sa position prépondérante, s'efface progressi- vement devant un mode d'expression qui n'est certes pas absolument nouveau, mais convient mieux, semble-t-il, à quelques lettrés d'ori- gine étrangère comme Ibn al-Muqaffa' ou Sahl ibn Hârûn ; on ne saurait trop insister en effet sur l'influence persane dans le renver- sement des positions respectives de la poésie et de la prose, mais, eette particularité mise à part, Gâljiz apparaît comme un véritable novateur capable de manier la langue arabe avec une incomparable habileté ; sur ce point, ses amis et ses adversaires s'accordent unani- mement et c'est aux critiques du cru que nous devons en premier Heu nous référer, même si leurs observations nous paraissent quelque peu sommaires. Un écrivain peu suspect de partialité, Mas ' Q d î, son- geant à la fécondité de notre auteur, le met en parallèle avec un de ses contemporains et lui découvre une qualité que seul un Arabe peut pleinement goûter : « II est vrai, écrit-il (2), que Abu l-ljasan al- Madâ'inï (3) a écrit lui aussi un grand nombre d'ouvrages, mais cet auteur se borne à rapporter ce qu'il a recueilli, tandis que les écrits de 6ât)iz, malgré leurs tendances hérétiques (4) bien connues, char- ment l'esprit du lecteur et lui apportent les preuves les plus évidentes. Ces écrits sont bien coordonnés (5), rédigés avec un art parfait, admi- rablement construits et ornés de tous les attraits du style ; l'auteur, lorsqu'il craint de provoquer l'ennui ou la lassitude, passe du sévère au plaisant et quitte le ton grave de la science pour celui de la narra- tion enjouée. » Les orientalistes accoutumés à une méthode rigide ne sauraient souscrire pleinement au jugement de Mas'ûdî, mais il demeure que cet historien, qui connaissait bien l'œuvre de Gâtjiz, met l'accent sur on aspect particulier de son génie que les critiques se plaisent à célé- brer en lui : l'agrément et la force d'un style varié, souvent assez libre, qui, abandonnant l'érudition plus ou moins méticuleuse des contemporains, passe sans transition du sérieux au plaisant pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. D'une manière générale, c'est une impression d'ennui que l'on retire de la lecture des ouvrages arabes, quel que soit leur sujet et si alléchant que paraisse leur titre : tantôt le clinquant des mots dissimule très mal l'indigence de la pensée, tantôt la pensée, quoique riche, s'enveloppe d'une forme inélégante et détestable, mais très 1. Sa'Id al-AJgânï, l'éditeur de la Risâla jl mufâdalat as-Saljâba d 'I b n I-j a z m compare les deux écrivains (pp. 49, 72-75, 81) et appelle Ibn IJazm (p. 49) «le Gâljiz fie l'Espagne musulmane » ; la comparaison ne peut se soutenir qu'en ce qui touche à il fécondité et à l'étendue des connaissances des deux auteurs (dans ce domaine Ibn Ijazm est d'ailleurs supérieur à Gâh,iz) ; le critère zôhirï du premier l'oppose immé- diatement à Gâljiz. 2. M a s ' 0 d 1, Prairies, VIII, 34 ; la traduction est celle de Barbier de Meynard. 3. Mort entre 225 et 231 = 840-45 ; sur cet écrivain, v. infra, p. 14t. 4. Inijirât : bien qu'il s'écarte [de l'orthodoxie] ; nous dirions maintenant • dévia- tionniste ». 5. Cette assertion fait pousser un cri d'horreur à C. A. NALLINO, Leiieratura, 12. AVERTISSEMENT IX souvent aussi l'auteur fait étalage d'érudition et accumule les cita- tions sans marquer son travail d'une empreinte personnelle. On doit dire, pour être juste, que ôâljiz est loin de toujours échap- per à ces défauts ; cependant il parvient, dans la plupart de ses ouvra- ges, à tenir le lecteur en haleine, si bien que, dans l'ensemble, son œuvre se lit avec plaisir, malgré les redites — qu'il voudrait éviter —, malgré l'absence totale de plan logique et d'enchaînement des idées, malgré les digressions sans nombre et sans fin qui donnent à son style toute sa saveur, quand on l'aborde avec un préjugé favorable. Ce style, simple en soi, mais rendu difficile par la recherche du mot propre et par de multiples allusions à des faits qui nous échappent, recouvre une pensée sans cesse renouvelée qui puise sa sève dans la religion, dans les sciences dites arabes, bien plus encore dans le milieu basrien si riche et si varié. Une curiosité étonnamment éveillée pro- cure à Gâhiz une vision personnelle du monde et le conduit au bord du scepticisme ; c'est cette particularité qui a poussé un orientaliste allemand, donc peu suspect de parti-pris national,à le comparer à Voltaire (1) : le parallèle ne résiste pas à l'examen et il convient, de toute évidence, de se garder de ces rapprochements hâtifs et le plus souvent stériles. Leur simple possibilité ne manque cependant pas d'intérêt et s'il fallait à tout prix découvrir à Gâhiz un correspondant occidental, c'est peut-être parmi les humanistes qu'il faudrait le rechercher (2). En admettant en effet qu'on puisse attribuer l'épithète d'huma- niste à un écrivain arabe, c'est bien Gâhiz qui paraît y avoir uploads/Litterature/ le-milieu-ba-rien-et-la-formation-de-a-i-by-pellat-charles.pdf

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