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17/02/2018 obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html 1/121 Aʐʖʑʋʐʇ Hʑʗʆʃʔ ʆʇ ʎʃ Mʑʖʖʇ 1716 Réflexions sur la critique 2013 http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/la-motte_critique/. Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2013, license cc. ATILF Frantext, N833 Ont participé à cette édition électronique : Frédéric Glorieux (encodage TEI) et Vincent Jolivet (encodage TEI). Partie 1 Il y a deux sortes de public qui s’interessent aux disputes des gens de lettres. Le prémier n’y cherche que le plaisir malin de voir des auteurs se dégrader les uns les autres ; s’attaquer et se défendre par des railleries ingénieuses ; et relever avec un mépris réciproque jusqu’aux moindres défauts de leurs ouvrages. C’est un spectacle agréable pour l’amour propre des uns, que l’avilissement des autres : et comme l’envie des honneurs et des richesses fait qu’on se réjoüit quelquefois de la chute des grands, quelque éloigné qu’on soit de leur succéder ; l’envie de l’estime des hommes fait aussi qu’on aime à voir les auteurs estimez déchoir d’une réputation qui incommode jusqu’à ceux qui sont le moins à portée d’y prétendre. 17/02/2018 obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html 2/121 L’autre espece de public, qui par son petit nombre à peine en mérite le nom, ne cherche dans les contestations littéraires que l’éclaircissement de la vérité. Il est bien aise de voir s’élever sur les mêmes matieres des sentimens différents ; parce qu’alors les auteurs interessez à défendre leur opinion, rassemblent avec tout l’art dont ils sont capables, les diverses raisons qui l’appuyent, les exposent dans leur plus grand jour, découvrent et font sentir le foible de leurs adversaires ; et qu’enfin par ces discussions éxactes, ils mettent le lecteur en état de juger sainement des choses. Ce ne sont point les tours ingénieux, ni le sel piquant de l’ironie qui charment ces sortes de lecteurs. Ils ne font attention qu’à la solidité des raisonnements : ils les pesent à part ; et dépoüillez de tous les ornements étrangers à la cause, et contents d’avoir évité l’erreur, ils ne connoissent point la joye maligne d’en voir convaincre les autres. à ces deux sortes de public répondent aussi deux genres d’auteurs. La plûpart ne se proposent en disputant que le frivole honneur de vaincre, à quelque prix que ce puisse être. Dès qu’ils ont avancé une opinion, il ne leur est plus possible de convenir qu’elle soit fausse ; ils se croiroient même deshonorez d’en rien rabattre, et moitié illusion, moitié mauvaise foy, ils font armes de tout pour la défendre. Plus les raisons contraires les frappent, plus elles les irritent ; ils tournent toute la sagacité de leur esprit à imaginer des détours pour échaper à la vérité qui les presse ; et rafermissant le mieux qu’ils peuvent leurs préjugez ébranlez, ils payent de subtilitez, de hauteurs, et d’injures même, quand ils ne sçauroient payer de raison. Plûtôt que de ne pas triompher, ils se forgent des chiméres ; et les attaquent. Ils imputent à leur adversaire ce qu’il n’a pas dit, s’obstinent à donner à toutes ses propositions des sens détachez, sans vouloir, ou peut-être, sans pouvoir comprendre qu’elles se modifient les unes les autres, et qu’il en résulte un sens général qui fait précisément la question. Quelquefois même, pour derniere ressource, ne pouvant décréditer les raisons, ils essayent de décréditer l’auteur qui les allegue, en luy reprochant d’autres fautes indifférentes au fait présent : ce qui n’est, à parler juste, que se venger lâchement de son propre tort. 17/02/2018 obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html 3/121 Quelques auteurs au contraire, n’ont d’autre vûë dans la dispute, que d’entendre et de faire entendre la raison ; le vray leur est aussi bon de la main des autres que de la leur ; ils étudient dans ce qu’on leur oppose ce qu’il peut y avoir de raisonnable ; aussi contents quelquefois, en avoüant qu’ils se sont trompez, que le peuvent être ceux qui les réduisent à en convenir. Ce caractere me paroît si estimable, que je me le proposerai toûjours pour modelle dans la dispute où je suis obligé d’entrer. J’éxaminerai les objections de me Dacier, comme si je me les étois faites à moi-même ? Je comparerai ses raisons et les miennes, comme si elles étoient également mes propres idées, et qu’il s’agît de me déterminer entr’elles, par la seule force de l’évidence. C’est un engagement que je prends exprès à la face de l’academie, pour m’animer à rendre ma réponse plus digne de ce public judicieux, pour qui seul on devroit écrire. Le livre de me Dacier annoncé depuis long-temps, parut quelques jours après que j’eus récité cette espece de préface dans l’academie ; je le lûs avec attention pour y chercher mes erreurs ; et comme j’avois promis de pardonner les injures à qui me détromperoit, je m’accoûtumai aisément à celles dont il est plein, dans l’espérance qu’on rempliroit la condition ; mais après avoir achevé tout le livre, je trouvay qu’il n’y avoit que la moitié de l’ouvrage fait. J’ay déja eu les injures, il ne reste plus qu’à me détromper. Dans l’engagement où je suis de répondre, j’ay songé comme me D à faire un livre qui pût être utile indépendamment de nôtre dispute. Elle a choisi les causes de la corruption du goût, qui sont plûtôt chez elle le prétexte, que le dessein de l’ouvrage. Pour moi, je me suis laissé conduire à ma matiere ; il m’a paru qu’elle me donnoit lieu à des reflexions judicieuses sur la critique. Je tâcherai donc d’en faire le fonds de ma réponse ; de semer par tout des principes de raisonnement, dont les endroits que j’ay à refuter ne seront que l’application ; et je prendray garde sur tout à ne dire contre Me D que ce qu’entraîne la nécessité de ma défense. Je luy ay rendu dans mes odes un hommage public que je confirme encore avec plaisir. Le compliment que je luy ay fait étoit fondé sur une 17/02/2018 obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html 4/121 estime très-réelle ; l’érudition estimable dans les hommes, l’est encore plus dans une femme, par sa rareté. Il faut avoüer que Me D l’a portée à un haut point ; elle en a servi utilement son siecle par un grand nombre de traductions fidelles ; et puisque je ne sçay point le grec, je suis du nombre de ceux qui luy ont là-dessus le plus d’obligation. Je ne rabats donc rien des sentiments qui luy sont dûs ; mais enfin, comme les meilleurs amis disputent tous les jours sans s’aliéner ; j’espere que Me D ne trouvera pas mauvais que je me défende ; et qu’elle souffrira même que j’aye raison en bien des choses. Nous n’avons en vûë l’un et l’autre que la vérité, et l’avantage du public. de l’ode intitulée : l’ombre d’Homere. Cette ode renferme l’idée générale de mon discours et de mon poëme. Il est naturel de commencer par la justifier, d’autant plus que Me D en prend occasion de me reprocher un vice odieux, ce qui m’interesse bien plus qu’une simple erreur. Je suis coupable à son compte d’envie et de malignité , et elle m’en fait honte par l’autorité de Plutarque ; comme si nous n’avions pas elle et moy des maîtres de vertu infiniment plus respectables, et que je ne pusse apprendre toute l’injustice d’un orgueil jaloux et malin, que de la bouche des philosophes payens. Voyons cependant ce qui peut avoir donné lieu à cette accusation. J’évoque l’ombre d’Homere, avec tout le respect que luy doit un poëte, pour apprendre de luy-même comment je dois l’imiter pour plaire à mon siécle. Il me donne des leçons, dont la prémiere est de ne point l’adorer ; il m’avertit ensuite d’éviter certains défauts de son ouvrage ; et enfin je me crois en état d’éxécuter mon entreprise, comme Homere l’eût fait lui-même, s’il eût été à ma place. Il y a là sans doute, pour Me D quelque apparence de présomption : un poëte de deux jours interroger Homere consacré par une réputation de trois mille ans, le forcer à m’avoüer ses foiblesses ; et me flatter de les corriger ! Cela est violent ; et je ne suis point surpris que le zele d’une interprete d’Homere s’en soit d’abord scandalisé. Ajoûtez qu’elle a vû à la tête de mon 17/02/2018 obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/html/la-motte_critique.html 5/121 livre une estampe où Homere lui-même conduit par Mercure, me met sa lyre entre les mains. La profanation est encore plus sensible ; car, sans vouloir citer Horace, la representation des choses frape bien plus que le simple récit. Sur cette apparence Me D s’est hâtée de conclure que j’étois coupable de cet orgüeil plein d’envie et de malignité, qu’elle déteste sur la parole d’un fort honnête ancien. Mais si elle avoit observé la prémiere regle de la critique, et qu’elle eût suspendu son jugement pour approfondir le véritable sens de l’ode en question, elle ne m’auroit pas cité si legerement devant Plutarque. Je vais dépoüiller mon ode de tous les ornements poëtiques, en reduire éxactement le sens dans un langage sérieux et litteral ; après quoy j’ose appeller à Me D même du uploads/Litterature/ de-la-motte-antoine-houdar-reflexions-sur-la-critique-1715-6-pdf 1 .pdf

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