Margot 2de04 Pattier Mardi 22 mars 2022 Dissertation Suite à la censure de son
Margot 2de04 Pattier Mardi 22 mars 2022 Dissertation Suite à la censure de son œuvre Le Roi s’amuse, qui est jugée trop immorale pour la Comédie Française et pour le Roi, Victor Hugo écrit en 1832 la pièce Lucrèce Borgia, qui connaît un grand succès auprès du public de la Porte-Saint-Martin. Dans cette pièce, il se libère des règles du théâtre classique, en écrivant un drame romantique. Il y dépeint une Italie sordide et cruelle, dans laquelle il place un personnage mythique, et aussi très mystérieux : Lucrèce Borgia, fille d’un pape, et mère d’un enfant conçu avec son frère. Nous pouvons nous demander si la Lucrèce Borgia de la pièce est un personnage immoral, au sens où elle violerait les principes de la morale, et qui serait totalement dénuée de scrupules et de remords. Tout d’abord, nous constaterons que Lucrèce Borgia se présente effectivement comme un être dépravé. Nous montrerons ensuite qu’elle s’efforce néanmoins de tendre vers plus de moralité. Enfin, nous verrons comment Hugo parvient à humaniser et à sublimer ce personnage ambivalent. Tout d’abord, Lucrèce Borgia peut être considérée comme un personnage immoral, à l’image de tout un pays perverti. En effet, dans la première scène de la deuxième partie de l’acte II, Rustighello déclare : « Il y a deux choses qu’il n’est pas aisé de trouver sous le ciel : c’est un Italien sans poignard, et une Italienne sans amant ». Il dresse ainsi le décor d’une Italie sombre, pleine de machinations et de dépravations. Or on sait que Lucrèce a eu plusieurs amants, et qu’elle possède des désirs de vengeance, dont certains qu’elle assouvira pendant la pièce. Lucrèce peut donc apparaître comme le symbole de l’Italie obscure qui est dépeinte par Hugo. Ce rapprochement se retrouve aussi dans la tirade de Lucrèce, dans laquelle elle parle d’une Italie « fatale et cruelle », où pas un seul « cœur pur » ne réside, et où elle se décrit elle-même comme « infâme et sanglante ». Lucrèce peut donc apparaître comme l’incarnation de cette Italie pleine de perversions. De plus, la famille à laquelle appartient Lucrèce se présente comme une famille corrompue, aux mœurs totalement dissolues. Dans la scène d’exposition, Jeppo interroge ses amis sur leur survie « dans cette pauvre Italie, avec les guerres, les pestes et les Borgia qu’il y a »: on comprend que la famille maudite de Lucrèce est devenue presque mythique, et que le seul nom de « Borgia » fait frémir. La famille est décrite également comme diabolique, comme une « famille de démons », et le nom même de Lucrèce semble comme tabou : « Ne prononcez pas devant nous le nom de cette femme monstrueuse » s’exclame dans Jeppo dans cette même scène. Le père Borgia est pourtant Pape de Rome, et les principes religieux sont donc bafoués à travers lui. De même, presque tous les membres de cette famille ont commis des crimes, tels que l’adultère, le meurtre ou l’inceste. Toujours dans la première scène, on raconte l’histoire de la mort de Jean Borgia, assassiné par son frère, par jalousie. Les deux frères étaient tous les deux amoureux de la même femme, leur sœur. Cet homme a également assassiné ses neveux, ses cousins, ce qui témoigne que rien ne semble sacré dans cette famille. Lucrèce Borgia apparaît donc immorale, du fait du milieu où elle vit et qu’elle représente, de la famille criminelle à laquelle elle appartient, mais également en raison de ses propres actions. En effet, elle a eu des relations incestueuses avec son père et ses frères, dont Jean avec qui elle a eu un enfant, Gennaro. Lucrèce est aussi infidèle envers ses maris successifs, comme on le comprend dans les différentes scènes où Don Alphonse, son mari actuel, l’évoque et cherche à se venger. L’inceste comme l’adultère sont déjà considérés comme de graves péchés dans la culture chrétienne, mais dans la scène 6 de la première partie de l’acte I, les amis de Gennaro évoquent également les différents crimes que Lucrèce a commis au cours de sa vie : empoisonnements, assassinats, meurtres. Dans le dernier acte, elle empoisonne aussi ces derniers pour se venger, elle se fait justice elle-même, plutôt que d’attendre la justice humaine ou divine. Si dans l’imaginaire populaire, Lucrèce Borgia représente la monstruosité féminine, elle est néanmoins présentée dans la pièce avec certaines qualités morales. En effet, Lucrèce cherche à se racheter de ses péchés, à se repentir, comme on le voit dans la scène 3 de la première partie de l’acte I. Elle ordonne à son homme de main, Gubetta, de faire libérer tous les hommes qu’elle avaient fait enfermer pour les tuer, ou d’arrêter de conspirer envers les personnes qu’elle projetait de faire exécuter. Or le pardon et la miséricorde sont deux qualités importantes, surtout dans la religion catholique. Elle s’interroge également sur son avenir, et souhaite cesser de vivre comme une criminelle. Lucrèce ressent une forme de culpabilité, qui lui confère cette envie de changement. Ce sentiment est exprimé dans un dialogue avec son homme de main, qui veut qu’elle conserve son côté maléfique. Cependant dans cette scène, Lucrèce se tient près de son fils, Gennaro, qui semble être l’ange qui s’oppose au démon Gubetta. En outre, le côté maternel de Lucrèce lui procure une sorte de luminosité sainte ; Victor Hugo lui-même déclare dans son prologue : « La maternité purifiant la difformité morale, voilà Lucrèce Borgia ». Si la femme qu’est Lucrèce est un monstre, la mère en elle est presque pure. Elle souhaite à tout prix sauver son fils, et est même prête à se métamorphoser totalement si Gennaro lui pardonne ses crimes et l’accepte. Gennaro échappe une fois à la mort grâce à sa mère, et pourrait en réchapper une seconde fois si il n’était pas aussi fidèle à son ami, qui meurt. Dans la pensée de Gennaro, Lucrèce est imaginé comme l’idéale de la mère, comme une dame à délivrer. Cette idée confère à Lucrèce une forme d’aura, qui l’éloigne de l’immoralité. La mort de Lucrèce de la main de son fils à la fin de la pièce peut également apparaître comme une rédemption, puisque le dernier mot de Lucrèce est « mère », accomplissant son destin . Le meurtre et l’immoralité semblent d’ailleurs être une malédiction chez les Borgia : même Gennaro, qui a été élevé loin des crimes de sa famille, finit par être rattrapé par la fatalité, et assassine sa mère. On parle du poison des Borgia, dont Lucrèce est experte : elle a appris à les manier depuis son enfance. Ce cercle tragique rappelle la famille des Atrides, où le meurtre, le parricide, l’infanticide et l’inceste coulent dans les veines de ces derniers. Lucrèce subit ce destin tragique : ses mariages sont toujours arrangés, et même si elle tue ses maris, elle sera encore mariée avec un autre homme qu’elle n’aime pas. Elle est une femme dans un monde exclusivement masculin, elle doit donc commettre des faits graves pour s’imposer. Et malgré cela, on continue de « jouer » avec elle, comme un chat jouerait avec une souris, comme on le voit notamment dans le deuxième acte, où son mari la place devant un dilemme cornélien. C’est la fatalité qui a fait de Lucrèce ce qu’elle est, ses choix étant souvent les conséquences de ce que d’autres lui ont imposé. Lucrèce est donc un personnage ambivalent, que Victor Hugo parvient toutefois à sortir du manichéisme pour lui donner une dimension humaine. Comme on a pu le voir précédemment, Lucrèce Borgia commet des péchés, dont certains vont même à l’encontre des Dix Commandements, et cependant, elle possède un certain respect pour la religion. En effet, dans le dernier acte, lorsqu’elle empoisonne les amis de Gennaro, elle leur prépare une sorte de cérémonie mortuaire : ils ont chacun un prêtre pour se confesser avant de mourir et un cercueil pour leur mort. Elle cherche également le pardon, et elle accorde la miséricorde à certains de ses anciens ennemis. Elle se remet en question, ainsi que ses actes, ce qui casse l’image du monstre sans foi ni loi qui se dégage d’elle au premier contact. On peut ajouter que de prime abord Lucrèce se présente comme une mère indigne, qui abandonne son fils, mais qui, en réalité, le fait avant tout pour le sauver. Elle l’a éloigné d’elle afin que son oncle ne le retrouve pas et ne le tue, par jalousie, et pour assouvir sa suprématie dans la famille. Lucrèce l’a placé chez un pêcheur, qui semble avoir des valeurs pures et simples, et permet ainsi à Gennaro de se libérer de son héritage maléfique. Quand elle lui annonce qu’il descend d’une famille noble et quand elle lui écrit ses lettres, elle se garde de lui révéler son véritable nom. Cette omission de vérité est également une manière de le protéger, de son ascendance, et de lui-même. Lucrèce sacrifie donc son propre bonheur pour celui de son fils. Cela peut passer pour une forme de compassion, un sentiment exclusivement humain. uploads/Litterature/ dissertation-odt.pdf
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- Publié le Jan 30, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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