1 La dissertation littéraire en classe de première Sujet sur La Princesse de Cl

1 La dissertation littéraire en classe de première Sujet sur La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette D’après votre lecture de La Princesse de Clèves et des autres textes du parcours associé, les passions sont-­‐elles condamnables ? Vous répondrez à cette question dans un développement structuré. Votre travail s’appuiera sur l’œuvre de Mme de Lafayette, ainsi que sur les textes que vous avez étudiés en classe dans le cadre du parcours associé à cette œuvre. Pourquoi ce sujet ? Parce les passions (et nous verrons qu’il y en a de diverses natures !) sont au cœur du roman de Mme de Lafayette. Elles sont à la source de toutes sortes de dérèglements, sur lesquels l’auteur porte manifestement un regard critique. Ce sujet permet également d’articuler au sein d’une réflexion les trois notions du parcours associé (individu, morale, société). La passion est en effet le plus souvent une expérience individuelle, qui peut conduire le sujet à entrer en conflit avec le devoir, avec certaines valeurs, notamment morales et spirituelles, qui peuvent être relayées ou non par la société. Introduction A travers leurs œuvres, les écrivains poursuivent volontiers une réflexion sur les passions humaines, notamment lorsque ces passions entrent en conflit avec les valeurs de la morale et de la religion, qui ont souvent un rôle structurant dans la société. Au XVIIe siècle notamment, les moralistes et les auteurs qui se rattachent à ce courant conduisent une analyse sans concession des passions. Ainsi, quel regard Mme de Lafayette, qui publie anonymement La Princesse de Clèves en 1678, porte-­‐t-­‐elle sur les passions ? Les passions font-­‐elles dans ce roman l’objet d’une condamnation explicite ? On peut rappeler pour commencer l’étymologie du terme qui constitue le cœur du sujet : le mot passion vient du latin passio, formé sur le participe passé du verbe déponent patior qui signifie souffrir, supporter, endurer. Avec une majuscule, ce terme s’utilise également pour faire référence au supplice qui accompagne la mort du Christ. 2 Originellement, la passion est ainsi associée à la souffrance, à un tourment sur lequel il n’est pas de prise possible. Mais le mot s’utilise aussi pour faire référence à un amour exalté et souvent exclusif pour une personne, une occupation ou une chose. Cette exaltation peut contribuer à développer les énergies du sujet qui l’éprouve, et le conduire à se découvrir lui-­‐même et à s’affirmer. Dans cette perspective, la passion peut être perçue positivement. La passion est donc une notion ambivalente, profondément liée à l’individualité du sujet, et l’on comprend aisément qu’elle se situe au cœur de nombreuses œuvres littéraires, notamment romanesques. La Princesse de Clèves se focalise ainsi sur l’analyse d’une passion brûlante entre deux personnages d’exception (par leur rang, leur beauté, leurs qualités intrinsèques…), qui doivent cependant dissimuler les sentiments qu’ils éprouvent à tous ceux qui les entourent. Si cette passion amoureuse occupe le premier plan de cette œuvre, d’autres types de passions sont également représentées (passion jalouse, passion du pouvoir, passion de la grandeur, de la gloire : comme le rappelle Jean-­‐Michel Delacomptée dans son essai justement titré Passions, La Princesse de Clèves est « le roman de tous les amours », « des amours vécus chaque fois sur un mode intense », exalté. Le pluriel du sujet qui nous est proposé se justifie ainsi pleinement. A travers ce roman, Mme de Lafayette poursuit une analyse critique de toutes ces passions, et notamment des tourments qui assaillent le personnage éponyme, partagé entre l’amour violent qu’elle éprouve pour le duc et son attachement à un certain nombre de valeurs, au premier rang desquelles la vertu. Cependant, est-­‐il possible de disqualifier totalement les passions, dans la mesure où celles-­‐ci sont intimement liées à l’appréhension de l’intériorité du sujet, qui constitue à partir de Mme de Lafayette un des objectifs du romancier ? Un romancier peut-­‐il assumer une condamnation complète des passions ? Nous montrerons que La Princesse de Clèves est indéniablement marquée par une conception négative des passions, qui fait écho à celle que développent d’autres œuvres à la même époque. Cependant, la passion ne saurait être totalement disqualifiée ni condamnée dans ce roman, dans la mesure où elle s’accompagne d’une découverte, voire d’une affirmation de soi. De sorte que finalement, l’œuvre nous invite à une réflexion ouverte sur la passion, bien éloignée des jugements moraux trop tranchés. I. Une conception négative des passions 3 Mme de Lafayette, comme d’autres auteurs de son époque, présente les passions de manière très critique, en soulignant l’incapacité de la raison à les contrôler. Les passions sont par ailleurs associées à la souffrance, voire à la mort dans son roman. Seule la solitude de la retraite et de la méditation permettent ainsi d’échapper aux ravages causés par ces pulsions destructrices. 1) Une puissance irrésistible, qui échappe au contrôle de la raison Dans La Princesse de Clèves, Mme de Lafayette souligne que la passion est une force irrésistible, qui conduit les personnages les plus vertueux à perdre le contrôle d’eux-­‐ mêmes. Ainsi, Mme de Clèves, en dépit de l’éducation qu’elle a reçue et de la force morale qui la caractérise, peine à conserver la maîtrise de ses sentiments, de ses paroles, de son corps et de ses actes lorsqu’elle se trouve en présence du duc de Nemours. Des indices de son amour lui échappent malgré elle, comme en témoigne la scène où elle réécrit la lettre perdue de Mme de Thémines en compagnie du duc, dans la troisième partie du roman. La narratrice note alors que durant ces quelques heures « elle ne sentait plus que le plaisir de voir monsieur de Nemours ». Mais aussitôt après le départ du duc, lorsqu’elle se retrouve seule, elle revient « comme d’un songe » (p. 155-­‐156, édition « Le Livre de poche »), comparaison qui souligne clairement la part d’illusion que comportait le plaisir initial. Dès cet instant, les remords reviennent en force, et Mme de Clèves ne peut que constater son impuissance complète à dominer ses sentiments : « Je suis vaincue et surmontée par une inclination qui m’entraîne malgré moi : toutes mes résolutions sont inutiles (…). » (157) Le recours au style direct, dans ce soliloque, permet de mettre en évidence les conséquences de l’aliénation amoureuse. Quelques années plus tôt, dans ses Maximes (1665), La Rochefoucauld poursuivait également un réquisitoire sévère contre les passions. Recourant à la brièveté et à l’efficacité caractéristiques de l’aphorisme, il note par exemple dès la première page de son ouvrage que « la passion fait souvent un fou du plus habile homme » (maxime 5). Rappelons que Mme de Lafayette et La Rochefoucauld, qui entretiennent des liens d’amitié étroits, sont tous deux marqués par l’influence d’un mouvement spirituel très important au XVIIe siècle, le jansénisme, qui présente l’homme comme une créature pleine de faiblesses, qu’une raison défaillante rend particulièrement vulnérable aux atteintes de la passion. Mme de Lafayette est notamment une fervente lectrice des 4 Pensées de Pascal (dans l’édition de Port-­‐Royal qui paraît en 1670), qui associe passion et aveuglement. 2) Une cause de souffrances et de destruction La passion est également condamnable dans la mesure où elle est cause de souffrances infinies. Ainsi, à l’exception de quelques brefs moments de répit, passés en compagnie du duc, la princesse apparaît sans cesse en proie aux tourments dans le roman de Mme de Lafayette. Un paroxysme de souffrance est atteint lorsqu’elle découvre la lettre de Mme de Thémines, qu’elle pense adressée au duc. Après avoir relu plusieurs fois cette lettre « sans savoir néanmoins ce qu’elle avait lu » tant elle est troublée, la princesse se laisse gagner par un profond désespoir, notamment parce qu’elle vient de laisser paraître des marques de sa passion à un homme qu’elle juge désormais infidèle, et donc indigne d’être aimé. « Jamais affliction n’a été si piquante et si vive » (p. 132), note sobrement la narratrice. Bien que Nemours parvienne ensuite à se disculper (il n’est pas le destinataire de la lettre !), cet épisode reste profondément ancré dans la mémoire de la princesse, et justifie en partie son refus d’épouser le duc à la fin du roman. Et que dire du désespoir du prince de Clèves, qui se laisse littéralement mourir de chagrin après avoir découvert la passion de son épouse pour un autre homme que lui ! La passion est ainsi associée aux tourments de la jalousie, et à une souffrance qui peut être proprement mortelle. En guise d’ouverture à d’autres textes qui pourraient figurer dans le parcours associé, on peut songer à l’analyse très pessimiste que Proust accomplit de la jalousie amoureuse, notamment dans Un amour de Swann. Bien que Swann n’éprouve pas un amour sincère pour Odette, il est néanmoins rongé par la jalousie, dès le début de la relation qu’il entretient avec la jeune femme, au point que ce sentiment prend rapidement le pas sur le reste, et devient chez le personnage une véritable obsession, un cancer « qui n’est plus opérable »… Tout cela pour une femme qui n’était « même pas son genre », comme le comprend uploads/Litterature/ dissertation-sur-les-passions-dans-lpc.pdf

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