Le renouvellement de la poésie avec les poètes de la Pleïade Introduction On pe
Le renouvellement de la poésie avec les poètes de la Pleïade Introduction On peut parler proprement dit d’école dans la mesure où les poètes répondent à un projet et un idéal communs qui s’exprime dans ce qu’on peut considérer comme leur manifeste : Deffense et illustration de la langue françoise, 1549 Jean Du Bellay. L’équipe s’est modifiée au fil des ans : la dernière liste présente Ronsard, Du Bellay, Baïf, Pontus de Tyard, Jodelle, Belleau et Dorat. Elle est née du regroupement et de la confrontation d’élèves formés dans deux écoles : le collège de Coqueret dont les condisciples sont Ronsard, Du Bellay et Baïf et le collège de Boncourt où se côtoient Belleau, Jodelle et La Péruse (remplacé à sa mort par Belleau). L’histoire et l’aventure des poètes de la Pleïade a été en quelque sorte reconstruite a posteriori, notamment par les romantiques du XIXème, mais rarement dans l’histoire de la poésie on a eu une impression à ce point forte d’avoir une tâche à accomplir et d’avoir des ambitions, des idéaux, des goûts communs à mettre au service d’un même projet. Du Bellay Les Regrets Je me feray sçavant en la philosophie, En la mathématique, et medecine aussi : Je me feray legiste, et d’un plus hault souci Apprendray les secrets de la theologie : Du lut et du pinceau j’esbateray ma vie, De l’escrime et du bal : je discourois ainsi, Et me vantois en moy d’apprendre tout cecy, Quand je changeay la France au séjour d’Italie. O beaux discours humains ! Je suis venu si loing, Pour m’enrichir d’ennuy, de vieillesse, et de soing, Et perdre en voyageant le meilleur de mon aage. Ainsi le marinier souvent pour tout tresor Rapporte des harengs en lieu de lingots d’or, Ayant fait, comme moy, un malheureux voyage. L’idéal de la Pleïade + L’idéal des poètes de la Pleïade se construit sur la mise au placard de ce qui les a précédé : • ils mettent entre parenthèses les aspects séduisants de la production antérieure (poésie médiévale, marotique…) pour prôner la nécessité de purifier et renouveler la production poétique • la création antérieure fait figure de création anecdotique à laquelle ils opposent l’idée d’une création poétique qui trouvera sa cohésion dans une inspiration commune, son souffle dans un idéal commun. • Tous les prédécesseurs font figure à leurs yeux de mauvais versificateurs, sinon certains : Marot, Heroët, Scève, Saint-Gelais en qui ils voient des précurseurs mus par une inspiration individuelle originale. + L’idéal de la Pleïade est synthétisé et passé tel à la postérité grâce à l’ouvrage de Du Bellay qui se veut être un nouvel art poétique et s’inscrire ainsi en faux par rapport à l’Art poétique de Sébillet, paru en 1548. • idéal militant qui trouve sa raison d’être dans l’histoire : défendre la langue, lui donner ses lettres de noblesse. . Les italiens et après eux les français sont hantés par le mythe de la Rome rayonnante qui a ensuite connu la décadence, la décadence de sa langue qui s’incarne dans le latin médiéval, langue d’église et langue du savoir. Du Bellay Les Regrets Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son aage ! Quand revoiray-je, helas, de mon petit village Fumer la cheminée : et en quelle saison Revoiray-je le clos de ma pauvre maison, Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ? Plus me plaist le séjour qu’ont basty mes ayeux, Que des palais Romains le front audacieux : Plus que le marbre dur me plaist l’ardoise fine, Plus mon Loyre Gaulois, que le Tybre Latin, Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin, Et plus que l’air marin la douceur Angevine. Du Bellay Les Antiquités de Rome Nouveau venu, qui cherches Rome dans Rome Et rien de Rome en Rome n’apperçois, Ces vieux palais, ces vieux arcz que tu vois, Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme. Voy quel orgueil, quelle ruine : et comme Celle qui mist le monde sous ses loix, Pour donter tout, se donta quelquefois, Et devint proye au temps, qui tout consomme. Rome de Rome est le seul monument, Et Rome Rome a vaincu seulement. Le Tybre seul, qui vers la mer s’enfuit, Reste de Rome. O mondaine inconstance ! Ce qui est ferme, est par le temps destruit, Et ce qui fuit, au temps fait resistance. . Apparaît donc un mouvement de soutien à la langue naissante afin de la doter des ors comparables à ceux de la feu langue latine. Parallèlement aux italiens, les français en la personne de la Pleïade veulent promouvoir la langue française. Ils s’inscrivent ainsi dans la continuité d’un mouvement qui les a précédé : Jean Lemaire de Belges Concorde des deux langages (le français et le toscan) 1511, Geoffroy Tory dans le Champ fleury 1529. . De fait, en 1539 – c’est tout récent – l’édit de Villers-Cotterêts impose l’utilisation de la langue française, langue nationale, pour tous les actes administratifs. Mais dans les faits, la langue française subit la rude concurrence d’une part des langues régionales, et d’autre part des langues étrangères espagnol, italien. • L’idéal d’une langue littéraire. Il s’agit de défendre la dignité de la langue et la création littéraire. . C’est bien évidemment la redécouverte du De Oratore de Cicéron, de L’Institution oratoire de Quintilien et la profusion d’essais d’art rhétorique ex. Pierre Fabri (ou Le Fèvre) Le Grand et vrai art de pleine rhétorique.1521 La réflexion théorique sur la poésie, comme pour la rhétorique en général, s’inspire de la définition de la parole oratoire efficace. On distingue cinq parties : l’invention, l’élocution, la disposition, la mémoire, la prononciation. . Mais, en 1520 on découvre également en Italie l’Art poétique d’Horace, traduit en français par Peletier en 1541. Parallèlement, Marsile Ficin divulgue une pensée d’inspiration platonicienne qui permet de développer notamment la théorie de la fureur qui exalte la notion d’inspiration. Du Bellay Les Regrets Las où est maintenant ce mespris de Fortune ? Où est ce cœur vainqueur de toute adversité, Cest honneste désir de l’immortalité, Et ceste honneste flamme au peuple non commune ? Où sont ces doulx plaisirs, qu’au soir soubs la nuict brune Les Muses me donnoient, alors qu’en liberté Dessus le verd tapy d’un rivage esquarté Je les menois danser aux rayons de la Lune ? Maintenant la Fortune est maistresse de moy, Et mon coeur qui souloit estre maistre de soy, Est de serf de mille maux et regrets qui m’ennuyent. De la postérité je n’ay plus de souci, Ceste divine ardeur, je ne l’ay plus aussi, Et les Muses de moy, comme estranges, s’enfuyent. S’ensuit la parution du traité de Thomas Sébillet Art poétique en 1548 qui marque nettement l’évolution en cours dont l’aboutissement va être le traité de Du Bellay l’année suivante. Les théories de la Pleïade + L’imitation Ces jeunes poètes pensent à se former par l’imitation, imitation originale, tel est le sujet du premier livre de Deffense et illustration… • La traduction en soi est vue comme dangereuse parce que chaque langue a son génie propre. Ils préconisent donc l’imitation, soit le fait de se nourrir (d’où le concept dans l’histoire littéraire d’ »innutrition ») des textes anciens pour élaborer ensuite des écrits qui s’en nourrissent mais pour aboutir à une création personnelle. Ils prennent en cela pour modèles les latins qui se sont nourris des modèles grecs pour élaborer leur propre littérature (Tite-Live, Tacite // Thucydide, Ovide // Pindare). • Premier modèle, c’est le modèle italien, le modèle de Pétrarque . Ainsi à l’imitation de Pétrarque ils commettent tous plus ou moins des « canzionere » cf les canzionere de Pétrarque, poésie lyrique contant l’aventure amoureuse de Pétrarque avec Laure. = Du Bellay L’Olive 1549 = Pontus de Tyard Les Erreurs amoureuses 1549-1550 = Ronsard Les Amours 1552 = Baïf Les Amours de Méline. Voici ce qu’en dit Du Bellay une fois qu’il a pris du recul : Du Bellay 1553 J’ai oublié l’art de pétrarquiser, Je veux d’amour franchement deviser, Sans vous flatter et sans me déguiser : Ceux qui font tant de plaintes N’ont pas el quart d’une vrai amitié, Et n’ont pas tant de peine la moitié, Comme leurs yeux, pour vous faire pitié, Jettent de larmes feintes. Ce n’est que feu de leurs froides chaleurs, Ce n’est qu’horreur de leurs feintes douleurs, Ce n’est encor de leurs soupirs et pleurs Que vent, pluie et orages, Et bref, ce n’est, à ouïr leurs chansons, De leurs amours que flammes et glaçons, Flèches, liens et mille autres façons De semblables outrages. De vos beautés, ce n’est que tout fin or, Perles, cristal, marbre et ivoire encor, Et tout l’honneur de l’Indique trésor, Fleurs, lis œillets, et roses : De vos douceurs, ce n’est que sucre et miel, De vos rigueurs, n’est qu’aloès et fiel, De vos esprits, c’est tout ce que le ciel Tient de grâces uploads/Litterature/ dossier-le-renouvellement-de-la-poesie-avec-les-poetes-de-la-pleiade.pdf
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- Publié le Jan 30, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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