ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Tura

ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Turath, University of Mostaganem, Algeria N° 9, September 2009 L’aventure de la langue française en Algérie The adventure of the French language in Algeria Dr Hadj Dahmane Université de Haute Alsace, France hadj.dahmane@gmail.com Publié le : 15/9/2009 09 2009 Pour citer l'article :  Dr Hadj Dahmane : L’aventure de la langue française en Algérie, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, N° 9, Septembre 2009, pp. 65-75. http://annales.univ-mosta.dz *** Revue Annales du patrimoine, N° 9, 2009, pp. 65 - 75 ISSN 1112-5020 Publié le : 15/9/2009 hadj.dahmane@gmail.com © Université de Mostaganem, Algérie 2009 L’aventure de la langue française en Algérie Dr Hadj Dahmane Université de Haute Alsace, France Résumé : Dès le début de l'invasion, les autorités coloniales œuvraient à l'effacement de la langue arabe en Algérie au profit de la langue française. Lors de son passage à Alger, en 1895, le poète égyptien Ahmed Shawqi, s'étonnait de l'usage très étendu de la langue française ; "je me suis aperçu que même le cireur de chaussure dédaignait de parler arabe. Quand je lui adressais la parole dans cette langue il ne me répondait qu'en français". C'est dire que quelques années après l'occupation la langue française a réussi à s'implanter en Algérie. Nous verrons dans cet article quelle attitude, les algériens ont opté vis-à-vis de la langue de Molière et dans quel but ils ont décidé de la maîtriser. Mots-clés : langue, francophonie, enseignement, Français, Arabe. o The adventure of the French language in Algeria Dr Hadj Dahmane University of Haute Alsace, France Abstract: From the start of the invasion, the colonial authorities were working to erase the Arabic language in Algeria in favor of the French language. During his stay in Algiers in 1895, the Egyptian poet Ahmed Shawqi was astonished at the very extensive use of the French language; "I noticed that even the shoe-shiner scorned to speak Arabic. When I spoke to him in that language, he only answered me in French". This means that a few years after the occupation, the French language has succeeded in establishing itself in Algeria. We will see in this article what attitude, the Algerians opted for the language of Molière and for what purpose they decided to master it. Keywords: language, Francophonie, teaching, French, Arabic. o 1 - Les débuts de la langue française en Algérie : Les autorités coloniales œuvraient, depuis le début de l’invasion, à l’effacement de la langue arabe au profit de la Dr Hadj Dahmane - 66 - Revue Annales du patrimoine langue française conformément à l’adage "telle est la langue du roi, telle est celle du pays". Lors de son passage à Alger, en 1895, le poète égyptien Ahmed Chawqi, s’étonnait de l’usage très étendu de la langue française ; "je me suis aperçu que (même) le cireur de chaussures... dédaignait de parler arabe. Quand je lui adressais la parole dans cette langue il ne me répondait qu’en français"(1). C’est dire que quelques années après l’occupation la langue française a réussi à s’implanter en Algérie. Nous verrons plus tard quelle attitude, les algériens ont opté vis-à-vis de la langue française et dans quel but ils ont décidé de la maîtriser. A présent, essayons de comprendre comment le français a été instauré et enseigné par les autorités coloniales en Algérie. Bien entendu, il ne s’agit pas de retracer l’histoire de l’école coloniale, pas plus que l’histoire de la mise en place de cette école. Il s’agit plutôt d’examiner les rapports entre les objectifs politiques de la colonisation et les principes pédagogiques. L’objectif est d’étudier l’impact de l’idéologie dominante sur l’enseignement et de voir si cet impact n’est pas également discernable au niveau du choix des outils pédagogiques. L’enseignement d’une langue implique en effet un certain nombre d’exigences. 2 - Pourquoi fallait-il imposer le français aux algériens ? L’année 1893 est la date de la première parution du BEIA(2) qui constitue un lien entre tous les enseignants. Il est à signaler que l’enseignement pour les indigènes a suscité un grand et long débat entre partisans de l’instruction de l’indigène et ceux qui ne l’étaient pas, comme en témoignent les archives et les textes publiés dans le BEIA. Ainsi, par exemple, on peut y lire : "Nous ne voulons faire ni des fonctionnaires, ni des ouvriers d’arts, mais nous croyons que l’indigène sans instruction est un instrument déplorable de production"(3) Ajoutons que la colonisation a tout intérêt à voir le fellah devenir meilleur cultivateur. "N’est-ce pas l’indigène qui fournit abondamment au colon une main d’œuvre à L'aventure de la langue française en Algérie - 67 - N° 9, Septembre 2009 bon marché et indispensable, mais malheureusement inhabile"(4). Les partisans de cet enseignement insistent sur le fait que la langue française est aussi "civilisatrice". C’est par elle, selon eux, que les populations indigènes accèdent peu à peu à la "civilisation". Cependant, d’autres refusaient l’enseignement du français aux indigènes car, selon eux, la langue française est la langue de la liberté et de l’égalité : "Supposer les populations de nos colonies ayant enfin appris le français et par le canal de notre langue,... toutes les idées françaises. Qu’est-ce donc que ces idées ? N’est-ce pas que l’homme doit être libre, que les individus sont égaux entre eux, qu’il n’y a pas de gouvernement légitime en dehors de la volonté de la majorité, que les nationalités ont un droit imprescriptible à l’existence ? N’est-ce pas là ce qu’est l’originalité et l’honneur des idées dont notre langue est le véhicule ?... La langue française, en la leur révélant, bien loin de nous en faire aimer, comme on l’imagine un peu candidement, leur fournira les plus fortes raisons de nous haïr... Notre langue n’est pas un instrument à mettre entre les mains de populations que l’on veut gouverner sans leur consentement"(5). 3 - Quel français enseigner ? On peut remarquer, sans exagération aucune, que les deux tendances sont issues de préjugés. Quoiqu’il en soit, le véritable problème était de savoir quel français enseigner aux indigènes. On devine que le problème qui s’est posait alors était celui du niveau de la langue à enseigner. Le débat semblait concerner le niveau de français qu’il convenait d’enseigner aux indigènes ? On constate que les débats privilégiaient ce qu’on appelle en matière de pédagogie et de didactique une "langue simple". Mais que faut-il entendre par langue simple ? Une langue qui n’est pas définie en termes de degrés de complexité syntaxique mais plutôt en termes de registre ? Par langue simple fallait-il entendre la langue de la conversation courante, par opposition à la langue Dr Hadj Dahmane - 68 - Revue Annales du patrimoine littéraire ou scientifique ? Aussi la formule suivante donnée par le programme spécial de 1890 résume-t-elle parfaitement l’objectif de cet enseignement : "rien d’abstrait, rien de compliqué, rien de savant"(6). L’accent est mis sans conteste sur la priorité de l’oral Il s’agit donc d’une pédagogie active : l’enseignant doit faire parler les élèves et évite de trop parler. La grammaire, à son tour, ne semblait pas occuper une place importante : "le français ne doit pas être enseigné par la grammaire mais plutôt par les exercices. La mise en question de la dictée est jugée peu efficace pédagogiquement"(7). Quelque soit la méthode qui fut retenue, la langue française a pu reléguer la langue arabe au second plan pour faire de cette dernière une langue étrangère. Nous verrons plus loin comment les écrivains algériens de langue française, ont su contourner ce problème et utiliser la langue française, non pas comme une langue dominante, mais comme une langue qui domine "tout en restant langue étrangère". Malgré cette volonté intéressée d’instruire les indigènes, les inégalités restaient flagrantes et la règle de dominant/dominé était de rigueur. Ainsi, on peut lire : "les Français sont aujourd’hui en Algérie dans des conditions semblables à celles où se trouvèrent les Francs de Gaulle : une race victorieuse impose son joug à une race vaincue. Il y a donc des maîtres et des sujets, des privilégiés et des non privilégiés, il ne peut y avoir d’égalité"(8). Nous constatons que l’opposition systématique est toujours présente : supérieur/inférieur, dominant/dominé. Et l’agression culturelle contre le colonisé se fait à partir de cette attitude. "Que la France bénéficie d’une civilisation supérieure et qu’elle rend service aux peuples qu’elle juge moins évolués en la leur faisant partager. D’où la conception assimilatrice de la colonisation qui aboutit en fait à réserver les avantages métropolitains aux colons et à détruire la civilisation des L'aventure de la langue française en Algérie - 69 - N° 9, Septembre 2009 colonisés. Le phénomène d’acculturation me paraît fondamental. Les coups portés à la civilisation musulmane qui constitue un bloc, ont été sans doute ressentis plus profondément que l’exploitation économique"(9). En effet, si l’économie est la cause déterminante de l’occupation coloniale, la colonisation culturelle tout aussi spoliatrice marque durablement les actes quotidiens du colonisé. L’atteinte linguistique, en Algérie, semble fondamentale d’autant plus que la politique linguistique de l’administration coloniale était intimement liée à uploads/Litterature/ dr-hadj-dahmane-l-x27-aventure-de-la-langue-francaise-en-algerie.pdf

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