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Tous droits réservés © Cinémas, 2007 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 25 juin 2021 21:21 Cinémas Revue d'études cinématographiques Journal of Film Studies Éléments de sociologie du film Towards a Sociology of the Film Jean-Pierre Esquenazi La théorie du cinéma, enfin en crise Volume 17, numéro 2-3, printemps 2007 URI : https://id.erudit.org/iderudit/016753ar DOI : https://doi.org/10.7202/016753ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Cinémas ISSN 1181-6945 (imprimé) 1705-6500 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Esquenazi, J.-P. (2007). Éléments de sociologie du film. Cinémas, 17(2-3), 117–141. https://doi.org/10.7202/016753ar Résumé de l'article Dans le présent article, l’auteur cherche à approfondir la « sociologie du cinéma » amorcée par Pierre Sorlin en posant les jalons d’une sociologie du film capable d’intégrer les apports de l’analyse de film. En s’appuyant sur les acquis des travaux d’histoire du cinéma, sur la réflexion patiente des historiens d’art et, aussi, sur deux études de cas portant sur l’oeuvre de Hitchcock et celle de Godard, il trace les contours théoriques d’une sociologie du film. Elle commence avec une définition originale du film, considéré comme un processus qui traverse des états différents tout au long de son histoire. Cette définition suppose un ensemble de concepts que l’auteur s’attache à présenter, avec l’espoir d’en réduire le nombre et de les adapter aux différentes pratiques de recherches. On appelle institution cinématographique le lieu où les films sont fabriqués suivant des directives caractéristiques : les directives définissent les genres et les formats des projets de film entrepris. Les cinéastes, pour réaliser ces directives, utilisent des modèles énonciatifs qui relèvent de leur compétence. Ainsi, chaque film peut être mesuré par rapport aux habitudes et conventions que ces modèles impliquent. En ce sens, il constitue une image ou une paraphrase de son institution : il en figure la logique propre. L’interprétation du film achevé procède de l’une ou l’autre logique du lieu où il est présenté. On appelle institutions d’interprétation de tels lieux. Un film y est interprété suivant le savoir culturel des publics qui, à partir de leur conception du monde et à partir du contexte de fabrication du film, lui appliquent les modèles interprétatifs qu’ils jugent appropriés. Ce qu’on appelle « le sens » d’un film est donc exactement le résultat d’un processus interprétatif particulier, et la sociologie du film doit nécessairement tenir compte du fait qu’un film possède en général plusieurs significations, chacune d’elles résultant de la rencontre entre le film et un public spécifique. Éléments de sociologie du film Jean-Pierre Esquenazi RÉSUMÉ Dans le présent article, l’auteur cherche à approfondir la «sociologie du cinéma» amorcée par Pierre Sorlin en posant les jalons d’une sociologie du film capable d’intégrer les apports de l’analyse de film. En s’appuyant sur les acquis des travaux d’histoire du cinéma, sur la réflexion patiente des historiens d’art et, aussi, sur deux études de cas portant sur l’œuvre de Hitchcock et celle de Godard, il trace les contours théoriques d’une sociologie du film. Elle commence avec une définition originale du film, considéré comme un processus qui traverse des états différents tout au long de son histoire. Cette définition suppose un ensemble de concepts que l’auteur s’attache à présenter, avec l’espoir d’en réduire le nombre et de les adapter aux différentes pratiques de recherches. On appelle institution cinématogra - phique le lieu où les films sont fabriqués suivant des directives caractéristiques : les directives définissent les genres et les formats des projets de film entrepris. Les cinéastes, pour réaliser ces directives, utilisent des modèles énonciatifs qui relèvent de leur compétence. Ainsi, chaque film peut être mesuré par rapport aux habitudes et conventions que ces modèles impliquent. En ce sens, il constitue une image ou une paraphrase de son institu - tion : il en figure la logique propre. L’interprétation du film achevé procède de l’une ou l’autre logique du lieu où il est présenté. On appelle institutions d’interprétation de tels lieux. Un film y est interprété suivant le savoir culturel des publics qui, à partir de leur conception du monde et à partir du contexte de fabrication du film, lui appliquent les modèles interprétatifs qu’ils jugent appropriés. Ce qu’on appelle «le sens » d’un film est donc exac tement le résultat d’un processus interprétatif particulier, et la sociologie du film doit nécessairement tenir compte du fait qu’un film possède en général plusieurs significations, chacune d’elles résultant de la rencontre entre le film et un public spéci - fique. For English abstract, see end of article. Il y a presque trente ans paraissait l’ouvrage de Pierre Sorlin (1977) intitulé Sociologie du cinéma. Ce livre remarquable n’a pourtant pas fait école. En France, les chercheurs n’étaient alors pas vraiment intéressés par le cinéma: ils étaient trop passionnés par les films et leurs particularités pour « penser» ce dernier. De fait, le domaine de la sociologie du cinéma y est demeuré quasi inexploré jusqu’à aujourd’hui, mais la tendance commence à s’inverser. Notons, toutefois, qu’une affirmation comme la suivante: Il existe un milieu du cinéma, un ensemble partiellement homogène dont les orientations, les tendances, la position dans le champ comptent davantage que les idées de quelques personnes, même si ces personnes assument une responsabilité considérable dans les films dont elles s’occupent (p. 95) semble avoir orienté malgré tout certaines recherches histo - riques, comme celle de Noël Burch et de Geneviève Sellier (1996) ou celles de Jean-Pierre Bertin-Maghit (1980 et 1989). À l’inverse, la sociologie du cinéma, ou plus généralement l’étude du cinéma par les disciplines des sciences sociales, a connu un rayonnement important en Angleterre et aux États-Unis. Une particularité significative de l’ouvrage de Pierre Sorlin est de ne pas vouloir abandonner l’analyse de film aux seuls sémiologues. C’était audacieux dans le contexte de la sociologie, qui n’aime guère avoir affaire trop directement aux artefacts sémiotiques comme les œuvres filmiques. C’était par contre tout à fait logique dans le cadre du développement des études ciné - matographiques françaises, profondément marquées par ce qu’on a appelé «l’analyse du film». Ma propre réflexion repose sur l’hypothèse suivante: les films sont des points de repère essentiels de la recherche socio - historique. Ils ne doivent donc pas être appréhendés isolément, mais plutôt comme des points d’articulation ou de liaison entre des communautés humaines souvent fort différentes. Deux tentatives d’analyse limitées m’ont jusqu’ici permis de mettre en évidence la complexité de cette entreprise. Dans la première (Esquenazi 2002), j’ai essayé d’expliquer comment les contra - dic tions prévalant au sein d’un milieu de production pouvaient 118 CiNéMAS, vol. 17, n os 2-3 imprégner un film — Vertigo, tourné par Hitchcock en 1957 — au point d’en constituer la trame, tout en résumant les pratiques usuelles de ce milieu et en annonçant des pratiques futures. Dans la seconde (Esquenazi 2004), j’ai voulu démontrer, d’une part, comment une série de films — la production de Godard entre 1959 et 1968 — pouvait dépeindre la situation culturelle ambiante au moment de sa production (c’est-à-dire la situation culturelle française du temps) et, d’autre part, comment ces films constituaient à la fois des œuvres et des tentatives d’auto - légitimation de la part de leur auteur. Je tire de ces expériences certaines leçons théoriques, une sorte de modèle d’étude socio - logique du film dont je vais maintenant tenter de décrire les principales caractéristiques. En cours de route, je proposerai mes résultats sous forme de préceptes encadrés et de quelques schémas, tout en ayant recours à un certain nombre d’exemples, tirés pour la plupart de mes travaux antérieurs : bien que je déplore la facilité de ce procédé, chacun de ces exemples me semble suffisamment représentatif pour permettre la géné - ralisation du modèle d’étude et son application à d’autres films. Réflexion liminaire sur le concept de film Force est de constater que la notion à laquelle renvoie le terme « film » varie selon les chercheurs. Siegfried Kracauer (1973) fait du Cabinet du docteur Caligari le réceptacle des angoisses allemandes, tandis que Bellour considère La mort aux trousses comme un texte aux innombrables ramifications : le film de Murnau est défini comme le reflet d’une société ; celui de Hitchcock, comme une unité de discours. Aussi distinctes soient-elles, les définitions de ces deux auteurs n’en demeurent pas moins crédibles et convaincantes au sein de leur démons - tration respective. Nos pratiques habituelles nous ont d’ailleurs habitués à de tels passages d’une compréhension à l’autre d’un même film. Dire du Mépris qu’il est « un film avec Brigitte Bardot » ou affirmer qu’il est « un film de Jean-Luc Godard » supposent des définitions de l’objet certainement distinctes, et non moins fréquentes. L’enquête montre que cette incertitude touche également les uploads/Litterature/ elements-de-sociologie-du-film-towards-a-sociology-of-the-film.pdf
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- Publié le Mar 06, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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