Ecole Internationale de Commerce et Développement 3A CHANGEMENT SOCIAL Fiche de
Ecole Internationale de Commerce et Développement 3A CHANGEMENT SOCIAL Fiche de lecture Nicolas Hassine Eradiquer La Misère : Fiche de lecture 1 « Une bonne connaissance locale des fragilités est indispensable pour réduire la pauvreté, et prévenir de façon structurelle les impacts des risques majeurs. Les notes de François Enten et d’Anne-Laure Maïola indiquent des défaillances dans cette connaissance locale, causées par le turnover trop important des volontaires des ONG humanitaires et par l’intermédiation politisée d’une bureaucratie nationale. » Telle est l’observation faîte par les coordonateurs de l’ouvrage de 2007 Gouvernance de l’Urgence dans le Développement1. La démarche d’ATD Quart Monde, telle qu’elle est reflétée dans le livre Eradiquer La Misère, se positionne dans cette conduite. Les volontaires permanents d’ATD Quart Monde militent sur le temps long, ils et elles accompagnent les plus pauvres, en s’intéressant à eux, leurs parcours, leurs famille, leurs histoires, leurs valeurs. Si l’objectif est d’apporter un gage de confiance et le soutien nécessaire pour participer modestement à l’amélioration des conditions de vie des plus pauvres, cette démarche permet également la production de savoir sur les mécanismes de la misère. A la lecture de ce livre, j'ai pu comparer ma vision de l'engagement, ce que je crois être productif et durable en terme de solidarité avec ce que font d'autres, les volontaires permanents d'ATD Quart Monde en l'occurrence. Après avoir pris conscience de la possibilité, et donc de la nécessité d'éradiquer la misère, que j'assimilai à tort à l'extrême pauvreté, j'ai éprouvé une certaine satisfaction à constater que la justesse de l'engagement de longue durée, fait en toute modestie, c'est-à-dire sans prendre les bénéficiaires de haut, du point de vue de ceux « qui ont », mais bien au contraire en vivant au plus près d’eux, avec des conditions matérielles sommaire, en prenant le temps, en réfléchissant en permanence aux moyens de produire du changement, de l'amélioration, sans arriver avec des projets et des budgets, mais avec le respect, l'écoute, qui favorisent la confiance et permettent d'avancer. Le parcours de vie, tragique, de Mercedita et sa famille aux Philippines à cependant mis une limite au bienfait de ce type d’engagement. Si cette femme à 1 Stéphane CALLENS, Hubert GÉRARDIN, Jean BROT, Gouvernance de l’urgence dans le développement, Paris, De Boeck Université – Mondes en développement, mars 2007, p. 10. Eradiquer La Misère : Fiche de lecture 2 pu durant près d’une décennie être accompagnée par des volontaires permanentes d’ATD Quart-Monde, elle n’a cependant jamais pu réellement sortir de la misère et du cercle vicieux qui la ramène inlassablement à la rue. Si les volontaires permanents mettent un point d’honneur à ne pas trop donner d’argent, afin que les bénéficiaires ne soient pas dépendants financièrement de l’ONG, cela permet aux personnes dans la misère de s’en sortir, difficilement, par elles-mêmes, avec un soutien moral et une sorte d’encouragement dans les projets, encouragement qui prend sa forme dans de petits dons, des visites régulières, de l’accompagnement… Il n’est pas possible d’aider tout le monde, en termes de ressources temporelles et financières, les actions des volontaires permanents sont donc limitées. L’action la plus juste est peut être, effectivement, d’aider les gens à son propre niveau, en apportant confiance, respect, petite aide financière, conseils et chaleur humaine ; ceci est possible à grande échelle et permet d’améliorer les conditions de vie, sans les révolutionner. Un récit comme celui de la vie de Mercedita permet de prendre ceci en considération. Il en est de même pour le récit de vide de Farid. Après être passé par la rue, la toxicomanie, après avoir été confronté à l’exclusion, de par sa sœur même, Farid à, avec sa compagne, retrouvé la garde de son fils, trouvé un emploi en CDI et un hébergement. Ce revirement de situation, Farid le dit lui-même, est en grande partie dû au fait que la considération qu’il portait à son égard s’est amélioré, notamment grâce aux activités proposées par les volontaires permanents, activités valorisantes et permettant aux bénéficiaires de « s’accomplir ». Xavier Godinot l’explique dans le livre, la reconnaissance que l’on apporte aux plus pauvres permet de leur ôter cette cécité sociale qui leur empêche de se comparer, qui ôte la vision de classe, qui castre toute volonté de rébellion face à sa situation. Outre des témoignages, cet ouvrage nous donne des réflexions, des solutions pour éradiquer la misère. Tout d’abord, si par définition les plus pauvres n’ont rien, ils conservent, ou acquièrent, par capitalisation, la force de l’action collective. Ainsi, une somme de rien peut faire beaucoup et, tant via des formes de solidarité que par les luttes, il s’agit d’un moyen d’action puissant. Ensuite, bien sur le sentiment d’injustice et la colère peuvent produire des mobilisations Eradiquer La Misère : Fiche de lecture 3 collectives, il s’agit d’une autre solution apportée par ce livre. Il s’agit d’une solution que j’apprécie particulièrement puisque si elle permet originellement de communiquer en faveur de la cause, de montrer à la démocratie que la misère est incompatible avec les idéaux démocratiques, elle est surtout utile afin de replacer l’individu en tant que citoyen ayant des droits et devant se battre pour que ces derniers soient respectés, pour que sa dignité soit respectée. En effet, la grande force de ce livre, et de l’engagement du mouvement ATD Quart Monde en général, est qu’ils acceptent que ce soient les plus pauvres qui peuvent trouver en eux même les moyens de se défendre. A travers cette critique de l’engagement caritatif « d’assistance », l’on comprend que si il s’agit d’une possibilité, il s’agit également d’une nécessité, tant l’honneur, l’estime de soi, peuvent être entravés par une aide trop pesante, comme peuvent le faire des ONG ou des associations, qui agissent de bonne foi. Farid l’explique de façon juste, dans le récit qui lui est consacré, « j’aime pas quand on me donne, j’aime quand il faut aller chercher la chose ». La réflexion sur l’importance de la famille, des liens familiaux, constitue un autre élément important de ce livre. Si Paul à pu sortir de la rue, c’est grâce à la place que sa famille lui à faite au sein de son village. L’ensemble des témoignages corroborent dans ce sens, même pour Farid, puisque c’est d’une certaine façon en Céline, sa compagne, qu’il trouve la force de se battre, pour lui, pour elle et pour leur enfant. La famille, source de l’identité, est également un élément de transmission de valeur, utiles tout au long de notre vie, et le fait de maintenir des liens étroits avec sa famille lorsque l’on est en situation de grande pauvreté permet de conserver l’essentiel. Si ce livre reflète un aspect militant indéniable, basé sur des valeurs fortes et progressistes, je ne peux, afin d’être critique, que déplorer le manque d’ambition du mouvement porté par ATD Quart Monde. Afin de généraliser ce type de solidarité, pour en faire bénéficier une plus large partie des plus pauvres, il est nécessaire de « recruter » d’avantage de militants, de volontaires permanents, d’hommes et de femmes qui par leur intégrité et via leur démarche respectueuse, produisent à leur rythme du changement social. uploads/Litterature/ eradiquer-la-misere.pdf
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- Publié le Apv 28, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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