Luttons contre notre cher déterminisme social ! Pour que chacun devienne maître

Luttons contre notre cher déterminisme social ! Pour que chacun devienne maître de son destin Etude — Juin 2019  I Avant propos En fin d’année 2018, l’Institut Sapiens a été sollicité par l’Institut Télémaque pour mener une étude sur le déterminisme social. L’association, acteur pionnier de l’égalité des chances dans l’éducation, accompagne des jeunes motivés issus de milieu modeste afin de leur assurer toutes les chances de réussite qu’ils méritent grâce à un double tutorat école-entreprise. Partant du constat que peu d’études ont jusqu’ici cherché à estimer l’ampleur du coût occa­ sionné par le déterminisme social, l’Institut Télémaque a sollicité l’expertise de l’Institut Sapiens. Cette étude propose d’identifier les causes de ce phénomène. Si elle se nourrit en partie des connaissances que les sociologues ont acquises sur le sujet, son originalité repose sur l’attention particulière prêtée à la perception individuelle du déterminisme social. “A l’Institut Télémaque, notre expertise du terrain nous enseigne que pour comprendre les causes profondes du déterminisme, il faut entrer dans son quotidien. Nous rencontrons beau­ coup de jeunes talentueux qui s’autocensurent et qui se disent trop souvent : ce métier, cette filière, ces études…, ce n’est pas pour moi. Tous ces potentiels inexploités sont autant de talents qui ne s’expriment pas à leur juste valeur, autant de talents qui sont cachés et qui méritent d’être révélés. Avec l’Institut Télémaque et d’autres associations, et en lien avec les pouvoirs publics, les entre­ prises et les établissements scolaires, nous agissons jour après jour contre les principaux freins à la réussite de ces jeunes, nous leur ouvrons le champ des possibles. Nous essayons d’œuvrer pour que chacun puisse trouver sa voie et que leur destin ne soit pas déterminé par leur origine sociale. Mais il faut aller plus loin ! Des solutions existent, d’autres sont à co-construire tous ensemble ! Nous espérons que cette étude permettra une prise de conscience collective encore plus forte et permettra à tous les acteurs concernés d’unir leurs forces en mettant en place des solutions concrètes à grande échelle au service d’une cause : la réussite de notre jeunesse.” Ericka Cogne Directrice Générale de l’Institut Télémaque Table des matières 1 Table des matières A propos des auteurs.......................................................................................................2 A propos de l’Institut Sapiens......................................................................................3 Synthèse de l’étude..........................................................................................................4 Résultats du sondage IFOP : le regard des Français sur l’ascenseur social en France............................................................................................................................9 Introduction.....................................................................................................................11 Partie I - Des jeunes pris dans l’engrenage de leur origine sociale.............15 1) Le paradoxe de l’école française..................................................................15 2) Des jeunes désarmés pour affronter la vie active..................................20 Partie II - Les causes du déterminisme..........................................................30 Partie III - Les solutions....................................................................................46 Conclusion...........................................................................................................55 Annexes...............................................................................................................58  2 À propos des auteurs Olivier Babeau Président fondateur de l’Institut Sapiens Ancien élève de l’ENS de Cachan, diplômé de l’ESCP, agrégé d’économie et docteur en sciences de gestion, Olivier Babeau est professeur à l’université de Bordeaux. Il est notamment l’auteur de l’Horreur politique (Les belles lettres 2017) et de l’éloge de l’hypocrisie (Editions du Cerf 2018). Il intervient très régulièrement dans les médias pour décryp­ ter l’actualité économique et politique. En décembre 2017, il fonde avec Laurent Alexandre et Dominique Calmels, l’Insti­ tut Sapiens, la première think tech française. Guillaume Moukala Same Chargé d’études à l’Institut Sapiens Étudiant à Sciences Po Grenoble et titulaire d’une licence d’économie de l’Université Grenoble-Alpes, il a rejoint l’Ins­ titut Sapiens en janvier 2019 en qualité de chargé d’études. Il publie régulièrement dans les journaux français pour défendre les libertés individuelles et l’économie de marché.  3 À propos de l’Institut Sapiens L’Institut Sapiens est la première « think tech » française. Organisme indépendant à but non lucratif, sa vocation est de peser sur le débat économique et social français contemporain par la diffusion de ses idées et d’innover par ses méthodes, son ancrage territorial et la diversité des intervenants qu’il mobilise, afin de mieux penser les enjeux vertigineux du siècle. Impulsé par Olivier Babeau, Laurent Alexandre et Dominique Calmels, en partenariat avec la chaire Capital Humain de l’univer- sité de Bordeaux, Sapiens a vocation à définir le rôle de l’humain dans une société bouleversée par le numérique. Son axe prin- cipal de tra­ vail est l’étude et la promotion des nouvelles formes d’écosystèmes favorables au développement économique et au bien-être social. Sapiens fédère un large réseau d’experts issus de tous horizons, universitaires, avocats, chefs d’entreprise, entrepreneurs, hauts fonc­ tionnaires, autour d’adhérents intéressés par le débat tou- chant aux grands enjeux actuels. Plus d’informations sur http://institutsapiens.fr Synthèse de l’étude 4 Synthèse de l’étude Alors qu’en matière d’écart de revenus la France fait partie des bons élèves de l’OCDE, en matière de mobilité sociale, elle se place en avant dernière position. La redistribution fiscale, bien qu’elle soit efficace, ne permet pas de lutter contre la véritable injustice qui mine notre société : les inégalités de destin. On ne peut se contenter de mettre le problème des inégalités sous le tapis en corrigeant simplement ses effets. Il faut s’attaquer à ses causes profondes : le déterminisme social. Qu’est ce que le déterminisme social ? Le « déterminisme social » renvoie à l’idée selon laquelle la position sociale d’un individu à l’âge adulte serait en partie déterminée à sa naissance par l’origine socio-économique de ses parents. Ainsi, les individus ne seraient pas réellement maîtres de leur existence mais emprunteraient inconsciemment le chemin qui mène à la position à laquelle leur origine socio-économique les prédestine. Concrètement, en France le déterminisme social engendre d’abord des inégalités scolaires : d’après l’OCDE (2016), le milieu socio-éco­ nomique explique 20% de la performance en mathématiques des élèves de 15 ans. Cela conduit ensuite à des inégalités de diplôme. Synthèse de l’étude 5 Les enfants de cadres et professions intermédiaires ont par exemple 2,5 fois plus de chance que les enfants d’ouvriers ou d’employés d’ob­ tenir un diplôme supérieur à bac +2. Ces inégalités de diplômes se traduisent ensuite en inégalités de revenu puisque l’écart moyen de niveau de vie entre un enfant de cadre et un enfant d’ouvrier non qualifié s’élève à 1000 euros par mois, d’après une étude de France Stratégie. Finalement, le déterminisme social engendre des inégalités de destin. Comme l’a révélé l’OCDE (2018), en France, « il faudrait 6 générations pour que les descendants de familles modestes atteignent le revenu moyen », plaçant notre pays en avant dernière po­ sition juste devant la Hongrie. Toutefois, l’individu n’est pas déterminé dans le sens où il serait entiè­ rement privé de libre arbitre, mais il est explicable dans le sens où ses choix sont influencés par son environnement, qu’il en soit conscient ou non. Dès lors, on peut plaider pour les qualités opératoires d’une approche déterministe, et notamment pour sa capacité paradoxale à « défataliser les faits sociaux »1. Nous cherchons donc à mettre en lumière les enchaînements de causes et d’effets à l’œuvre afin d’éla­ borer des solutions adaptées. Pourquoi lutter contre le déterminisme ? Il s’agit d’abord d’un devoir moral. Sans mobilité sociale, quelle se­ rait la légitimité de nos sociétés démocratiques et libérales où le destin d’un individu serait déterminé à la naissance par son ori­ gine sociale ? L’égalité devant la loi doit pouvoir se traduire par une réelle égalité des chances et non aboutir à une société de castes in­ formelles. C’est également un enjeu économique. Ces inégalités sont contre-productives et présentent un coût pour notre société. Tous les potentiels inexploités sont autant de Mozart empêchés, de talents réprimés qui auraient pu contribuer à enrichir la société. L’équipe de l’Institut Sapiens a estimé dans cette étude que le déterminisme social coûte 10,1 milliards d’euros par an aux finances publiques et engendre un manque à gagner de 44 milliards d’euros. C’est enfin un enjeu du siècle qui vient. Le sujet du déterminisme social est d’au­ tant plus d’actualité que la transformation technologique en cours menace de nombreux métiers et requiert de la part des travailleurs une adaptabilité et une agilité accrue. 1 Cf. Fugier, Ibid. Synthèse de l’étude 6 Quelles en sont les causes principales ? Le déterminisme social est un phénomène complexe. Ses causes sont multiples et un nombre incalculable de facteurs entrent en jeu. Tout d’abord les familles sont inégales face aux demandes de l’institution scolaire et aux moyens d’assurer à leurs enfants un cadre favorable à leur développement intellectuel. Ensuite, l’investissement dans l’éducation est mal fléché : les moyens publics sont plus fortement alloués vers les zones géographiques où les élèves réussissent déjà, et sont moins fortement dirigés vers les zones en ayant le plus be­ soin. De plus, les enseignants ne sont pas assez armés pour faire face à des situations difficiles et les chefs d’établissement ne disposent pas d’assez de flexibilité pour adapter leurs ressources aux besoins des élèves. Nous avons également prêté une attention particulière aux témoignages des personnes qui subissent au quotidien le déter­ minisme social et aux raisons qui les poussent à agir d’une certaine manière plutôt qu’une autre. Nous avons remarqué que le manque de confiance personnelle de ces individus les conduisait à s’autoex­ clure et l’absence de rôle modèle à se persuader que « ce n’est pas pour uploads/Litterature/ etude-luttons-contre-notre-cher-determinisme-social-2019.pdf

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