371 WALTER BENJAMIN· DE LA RUPTURE AU NAUFRAGEJI. WALTER BENJAMIN Aubier-Montai
371 WALTER BENJAMIN· DE LA RUPTURE AU NAUFRAGEJI. WALTER BENJAMIN Aubier-Montaigne, 1979, Correspondance 2 vol., 442 et 384 p. tradcite par Guy PETlTDEMANGE Sens unique precede de Le,s Lettres Nouvelles, 1978, Enfance berlinoise 334 p. traduit par Jean LACOSTE Allemands Hachette, 1979, 132 p. traduit par G.A. GoLDSCHMIDT WERNER FULD Muni,h, Vienne, Hanser Verlag, Walter Benjamin. l 1979, 323 p. Zwischen den Sttihlen. Eine Biographie J.-P. SCHOBINGER Bale, Stuttgart, Schwabe, Variationen 1979, 121 p. zu Walter Benjamins Sprachmeditationen (*) Les references accompagnant les citations de Benjamin renvoient soit aux Gesammelte Schriften (G. S.) avec indication du tome, du volume et du numero de la page, soit a la correspondance (Briefe: Br,) avec indication du numero de la lettre, commun aux editions allemande et fran~se. L'attention du Iecteur est attiree sur l'existence de deux ouvrages intitules Ueber Waiter Benjamin: un recueil collectif paru en 1968 et un recueil de textes du seul T. W. ADoRNO publie en 1970. WALTER BENJAMIN I La chronologie des traductions en franc;:ais des reuvres de Walter Benjamin montre une tendance analogue a celle qui marque sa « reception» en Allemagne. Dans les C8UX cas laccent a d'abord ete mis sur l'reuvre « tardive» (si tant est que cet adjectif puisse s'appliquer a un auteur mort a 48 ans), c'est-a-dire sur l'orientation politique prise par Benjamin. C elle-ci a, il y a dix ans, suscite outre Rhin une polemique deplaisante, ou ont ete accuses d'occultation, de detour- nement ceux qui servaient Ie plus activement la memoire de Benjamin (1). En France, c'est dans la montee, puis Ie reflux, de l'esprit de mai 1968 que Benjamin a commence a percer, avant que parussent egalement d'autres traductions de I'Ecole de Francfort (2). II n'en va plus tout a fait de meme aujourd'hui. « A l'ecart des courants », sans reference inutile II la Violence ou a la Revolution, sont mis ici a la portee des non-germanistes les textes de Deutsche Menschen, les proses cise!t~es de l'Enfance berlinoise, les pieces breves de Sens !mique, enfin les deux tomes des Lettres dans une traduction soignee et honnete. En Allemagne, si un certain Werner Fuld croit devoir reprendre, de fac;:on fort intempestive et incongrue, et malgre Ie caractere exemplaire de l'edition des Gesammelte Schriften, les accusations de naguere, les ouvrages de L. Wiesenthal, B. Witte ou J.-P. Schobinger se consacrent avant tout aux ecrits de la premiere « periode» de Benjamin (3). Apres Ie philosophe de l'histoire et de la politique, il est aborde comme ccrivain, cet « homme de lettres » (Literat) qu'il avait dO. devenir et sur Ie role social duquel il s'est penche. Cest donc principalement sous l'angle de la litterature que seront evoquees ci-apres tant les reuvres de Benjamin mises depuis peu a la disposition du public franc;:ais que certaines des etudes recentes en allemand. Et, au risque de ne pas echapper aux dangers conjugues d'une critique thematique et d'une analyse statistique, cette approche choisira comme jalons certaines des notions qui semblent les plus fonda- mentales ou constantes dans les ecrits de Benjamin. Peu (1) Sur cettc controverse I'auteur se permet de renvoyer a I'expose publie dans Critique, n° 267-268 en 1969, L'ouvrage de Fuid a fait I'objet d'une critique severe dans Ie n° 21 de 1979 du Spiegel sous Ia signature de W. BOHLICH. (2) Grace notamment a Ia collection Critique de la Politique dirigee par Miguel AsENSOUR. (3) Outre Ies ouvrages mentionnes en exergue, Ie present article se refere egalement a: Liselotte WrESENTHAL, Zur wissenschaftlichen Thwrie Walter Benjamms, Francfort, 1973, et Bernd WITTE, Walter Benjamin, der llltellektuelle als Kritiker, Stuttgart, 1976. 372 CRITIQUE utilisees en France, a rna connaissance, elles reviennent avec insistance dans les ouvrages parus en Allemagne ou en Suisse. L'accent sera mis ainsi sur la tension (Spannung) entre poles opposes, sur la dialectique qui pretend la resoudre, sur la destruction et la rupture (Bruch) qui tentent de s'en aL ommoder ou d'cn profiter; enfin sur les plus importantes d'entre elles, celle, bien distincte de la redemption (Erlosung), de Rettung, et celle de Bruchstuck, ces deux dernieres posant un probleme de traduction qui n'a nullement ete ici resolu (4). II Devant la personnalite complexe et l'reuvre difficile a dasser de Benjamin, les exegetes recourent volontiers au theme des contraires. Ils montrent leur auteur assis entre deux chaises ou balan~ant de l'atheisme a la theologie. Tel autre souligne les contradictions que contiennent les etudes sur Baudelaire. Ou bien, prenant l'oxymore pour une analyse et une explication, on designe Benjamin comme un mystique ou un rabbin marxiste, un socialiste hermetiste. Son regard est dit « manicheen ». Meme les deux personnes qui ont Ie mieux connu et compris Benjamin ne font pas exception: Scholem, convaincu que l'adhesion de son ami au materialisme dialec· tique trahissait son genie Ie plus profond, voit son reuvre se derouler sur deux voies (Zweigleisigkeit), politique et thea- logique, paralleIes et impossibles a harmoniser en un contrc- point; a cette alternance Adorno prefere la notion de periodes et distingue la tMologique et la materialiste (5) . De cette situation, Benjamin est a coup sur Ie premier responsable. D'abord, on Ie redit, par la complexite de son reuvre et l'ambigui'te de ses positions: ne parle-toil pas dans une lettre a Scholem du 14 fevrier 1929 (Br., 184) de son « visage de Janus» ? Ensuite parce que, en tant que philosophe, critique, ecrivain, il attache une importance particum~re aux notions de partage, de polarite, de tension. Ainsi a l'egard de Baudelaire et de Kafka. A propos du Passagenarbeit, il se (4) Plutot que de traduire Rettung par salut, avec une minuscule. et a mi-chemin entre Ie sauvetage et un salut proche de la redemption, on a prefere utiliser Ie vocable allemand. De meme celui de Fragment, tmp marque par Ie romantisme, correspond mal au Brucl1stiick. Ce dernier point est evoque, peut etre trop brievement, dans Ie livre exern- plaire de Ph. LACOUE-WARTHE et J.-L. NANCY, L'absolu litteraire, Paris, 1978. (5) Cf., notamment G. SCHOLEM, Walter Benjamin und sein Engel, in Zur Aktualitiit W. Benjamins, Francfort 1975, p. 90 et T. W. ADoRNO, Cl1arakteristik W. Benjamins, in Ueber W. Benjamin, Francfort, 1970, p. 22. Parmi les utilisateurs des designations ec1ectiques mentionnees ci-dessus on trouverait Sahlberg, J.-P. Stern, Habermas, etc. WALTER BENJAMIN 373 demande s'il aura la force de bander l'arc qui en rapprochera les . ~e~ aspects opposes (Br., 265). Mais il cede aussi a des facIlltes ~erbales , faI! un. sort a « l'illumination profane» due a~ haschlch o~ systematIsee par Ie surrealisme; encore que, u~ s<;>uvent, II progresse d'un pas dans Ie domaine de Ia Rhetonque, et l'on a deja sowigne Ia place que tient chez lui Ie retournement du genitif, sans doute parce que Ie chiasme s~mble. refleter Ie progres que constitue I'intervention de Ia dlale~tIgue par rapport aux methodes de la logique c1asslgue (6). « La dialectique est la pierre philosophale de la pensee moderne ». Cette reflexion de Fougeyrollas ne fait que resumer les rappels a l'ordre qui se sont succedes de Nietzsche a Merleat;-Ponty ~n J?ass~,nt par Popper (7). Aux critiques ainsi f0':'ffiulees, BenJamm n echappe pas, peut-etre parce qu'il entre- YOI!,.dans cette recette un. m?yen de resoudre ses partages mtel le~rs. La structure tnadlque fournit tres explicitement Je sc~ema d'un plan provisoire pour l'etude sur les Affinites Elec tlV~s ~q. S., I, 3, 1.075) et, de fa<;:on moins apparente, du pl~n defimtlf. II souhaltera plus tard avoir reussi a faire de meme pour Ie Passagenarbeit, tout en confessant plus tard encor~ que de « telles constructions occasionnelles» (celle que ~ on ,rencontre d.an~ tel text~ de Jochmann) peuvent etre Ie fatt d auteurs qUI, a coup sur, ne connaissent nullement Hegel (G. S., II, 2, 583). , D~ns l',intervalle d'ailleurs, une autre raison de recourir a la dIa~ectlque se se:a ajoutee a Ia premiere, plus consciente c~tte fo~s, tr<?P conSClente au gre de certains, dans la mesure ou la dIaI~ctIque, remise sur ses pieds, aspire, en surmontant les. contrmres sur Ie plan pratique, a permettre la concreti- s~tton JKonkretion) chere a Adorno. Avec ce dernier les dISCUSSIOns les plus apres a l'epoque du Baudelaire port~ront ~ur I 'usage, que f~i~ ~enjamin de la methode dialectique et labsence ~ une medIatIon suffisante; mais jamais la lt~gitimite ou la pe~tmen~e de Ia dialectique ne sont contestees ou mises en questIOn. m ~ar Adorno qui en redame davantage (<< ein mehr an Dzalekttk ») (G. S., I, 3, 1004), ni par Benjamin. Ce ,<6) .rei encore, l'auteur se permet de renvoyer a son etude sur la !\?et?nque parue dans Ie n° 378 de Critique ainsi qu'a l'Eloge de la CitatIOn dans Ie n° 22 de Change. A noter que Wohlfahrt (cf. note 10, Irr/ra) se refere expressement aux notions d'oxymore et de chiasme in I, 5 7 et 64. ' . (7) Cf., P. ~OUG.EYROLLAS,. Contradiction et totalite, Paris, 1964, p. 9. NIetzsche: a vral dIre, consldere plutot l'aspect formel ou rhetorique de Ia dialectIque De POPPER, cf. «What is dialectic» in Mind 1940 n° 49 p. 402 a 426. uploads/Litterature/ pierre-missac-walter-benjamin-de-la-rupture-au-naufrage-critique-1980.pdf
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- Publié le Jul 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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