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Tous droits réservés © Revue des sciences de l'éducation, 2003 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 10/07/2021 3:46 p.m. Revue des sciences de l’éducation Compréhension et interprétation : deux composantes complémentaires de la lecture littéraire Érick Falardeau Volume 29, Number 3, 2003 URI: https://id.erudit.org/iderudit/011409ar DOI: https://doi.org/10.7202/011409ar See table of contents Publisher(s) Revue des sciences de l'éducation ISSN 0318-479X (print) 1705-0065 (digital) Explore this journal Cite this article Falardeau, É. (2003). Compréhension et interprétation : deux composantes complémentaires de la lecture littéraire. Revue des sciences de l’éducation, 29(3), 673–694. https://doi.org/10.7202/011409ar Article abstract This article discusses the influence of students’ vague conceptions of the definition of text comprehension and interpretation on their learning. These students are often confused about how to deal with texts, and have poor understanding of reading directions that require one or the other task. A review of the literature led the author to propose distinguishing characteristics that could help teachers and those concerned with didactics of literary reading. He proposes that the meaning constructed from comprehension and the significance that comes from interpretation interact with each other concurrently in a dynamic relationship that continually influences the reading of literary texts. Revue des sciences de l’éducation, Vol. XXIX, no 3, 2003, p. 673 à 694 Compréhension et interprétation: deux composantes complémentaires de la lecture littéraire Érick Falardeau Professeur Université Laval Résumé – Le flou conceptuel qui entoure la définition de la compréhension et de l’interprétation peut se répercuter sur les apprentissages des élèves qui, confondant ces modes d’appréhension des textes, comprennent mal les consi- gnes de lecture qui prescrivent tantôt l’un, tantôt l’autre. La revue des écrits que nous avons effectuée nous amène à proposer des distinctions qui pour- ront orienter les didacticiens et les enseignants dans l’enseignement de la lecture littéraire: le sens produit par la compréhension et la signification issue de l’interprétation se nourrissent l’un et l’autre, en concomitance, dans une dynamique qui redessine sans cesse la lecture du texte littéraire. Introduction Si l’on doit enseigner aux élèves à comprendre un texte littéraire qui pose des obstacles importants, encore faut-il être en mesure de nommer clairement les attentes liées à cette compréhension. Si l’enseignant limite la compréhension au décodage des mots, des phrases et de l’intrigue principale, c’est à ces tâches minimales que se limiteront la plupart des élèves dans leurs lectures, parce qu’ils réserveront le travail d’inférence pour l’interprétation qui, dans la conception de plusieurs, ne vient qu’après la lecture intégrale. En définissant une tâche de lecture en classe, il importe donc que l’enseignant puisse identifier clairement ce qu’il attend: quels sont les seuils de compétence que les élèves doivent atteindre pour justement «comprendre» le texte à lire. L’interprétation vient-elle nécessairement après le travail de compréhension? Qu’exige de plus l’interprétation? Voilà des questions qui viennent à l’esprit des élèves et des enseignants et aux- quelles nous tenterons d’apporter des réponses en présentant une synthèse critique 674 Revue des sciences de l’éducation des différentes réflexions glanées dans des articles et des ouvrages qui ont analysé les pourtours de ces modes d’appréhension des textes. Nous nous intéresserons plus spécifiquement aux textes littéraires, ou reconnus comme tels par l’institution sco- laire, soit en raison de leur traitement du langage qui est porteur de sens, de leur représentation subjective de l’expérience humaine, du lien qu’ils établissent entre le passé et le présent, l’ici et l’ailleurs, de leur appartenance à des structures institu- tionnelles et de la valeur symbolique qui leur est attribuée par cette même institution, soit en raison du rôle actif qu’y joue le lecteur, comme premier agent de production du sens. Avant de dégager des pistes didactiques liées à l’apprentissage de la compréhen- sion et de l’interprétation, il nous paraît utile d’effectuer un certain élagage parmi les écrits didactiques qui se sont proposé de définir ces concepts. Ainsi, les ébauches de définitions que nous proposons en guise d’entrée dans notre analyse critique servi- ront de balises pour interroger, dans un premier temps, les présupposés discutables notamment quant aux contours de la compréhension et de l’interprétation. Il ne suffit toutefois pas de savoir ce que ne sont pas ces concepts, il faut aussi tenter de définir leurs caractéristiques, les mécanismes qu’ils mettent en œuvre, ce que nous nous efforcerons de faire en explorant quelques propositions de catégorisations. Si les positions de certains auteurs sur la préséance de l’interprétation ou de la com- préhension dans l’activité de lecture ne permettent guère de dégager des pistes fécondes pour l’enseignement-apprentissage de la lecture littéraire, nous retiendrons en définitive une conception interactive de ces deux modes d’appréhension du texte littéraire, conception que nous tenterons d’illustrer dans un travail concret de lec- ture, en classe. Ébauches de définition Selon Vandendorpe (1992), la tradition herméneutique a toujours posé l’inter- prétation comme une activité de lecture postérieure à la compréhension. L’interpré- tation est alors vue comme une compétence plus difficile à maîtriser, requérant une plus grande maîtrise de la lecture. En réaction à cette vision dualiste de la lecture, Vandendorpe et d’autres didacticiens situent l’interprétation en amont de la com- préhension. Mais cette nouvelle donne résout-elle pour autant le problème? Certes, l’interprétation nourrit la compréhension, mais la précède-t-elle pour autant de façon systématique? Pas forcément. Nous verrons que le lecteur expérimenté utilise en concomitance la compré- hension et l’interprétation, prémisse qui ressort dans les deux ébauches de définition que nous proposons d’entrée de jeu en guise de balises et sur lesquelles nous nous appuierons pour développer notre réflexion critique 1: Compréhension et interprétation: deux composantes complémentaires... 675 – Pour comprendre, l’on doit s’écarter de la microstructure lexicale et syntaxi- que pour réorganiser les informations dans une structure globalisante, qui rende intelligibles les informations essentielles du contenu du texte. Cette générali- sation cherche à dégager un sens, mot qui se définit étymologiquement comme une «perception», une représentation d’ensemble qu’actualise le lecteur à l’aide de ses connaissances dans un discours essentiellement paraphrastique. Le sens perçu participe à un certain consensus et, s’il est conditionné socialement, ne requiert pas nécessairement une mise en discours, une confrontation sociale pour être reconnu. – Pour interpréter, le lecteur ausculte le texte de manière attentive pour explorer les récurrences et déployer un des possibles signifiants. Ce n’est plus le sens qu’il poursuivra mais une signification, dont l’étymologie renvoie directement à l’«action d’indiquer». La lecture devient ainsi actualisation sociale d’un signe créé; elle n’est plus seulement représentation personnelle, puisqu’elle doit néces- sairement passer par la confrontation sociale pour acquérir une certaine légitimité. Le texte polysémique se transforme de la sorte en matériau d’un nouveau texte – l’interprétant peircien –, fruit de la création du lecteur qui déborde du texte original. Dans un mouvement itératif, le lecteur s’éloigne du texte (compréhension) et s’en rapproche (interprétation) pour constamment changer sa perspective et l’adapter à la fois à ses connaissances et aux signes tirés du texte. Les différentes définitions de la compréhension et de l’interprétation rappelleront immanquable- ment cette tension dynamique et obligée entre, d’une part, la vision macroscopique, qui part du texte pour s’en éloigner et, d’autre part, la vision microscopique, qui part de l’extérieur du texte pour s’y plonger et y explorer des microstructures récur- rentes – microstructures qui peuvent irradier sur l’ensemble du texte. Quelques présupposés discutables L’autonomie supposée des élèves Quoi qu’en pensent les experts, bien des élèves du secondaire et du collégial n’ont pas acquis l’autonomie et les compétences qui leur permettraient de saisir et d’interpréter de manière créative des œuvres littéraires difficiles tout en restant fidèles au texte. À cet égard, Gervais (1993) laisse entendre qu’il est naïf de croire que la lecture est inscrite dans le texte et que tout lecteur est en mesure d’y accéder, surtout des élèves pour qui la lecture est une corvée. C’est mettre les apprentissages en péril de penser qu’ils réussissent tous à convoquer les connaissances nécessaires qu’imposerait une lecture idéale au sens où l’entend Eco (1985) en évoquant son 676 Revue des sciences de l’éducation lecteur modèle. Berthier (1999) partage sensiblement cet avis: comme le signe litté- raire est par définition flottant, il ne peut y avoir de garantie quant à son sens; le lecteur est laissé à lui-même. Cette liberté qu’évoque Berthier est très difficile à assi- miler pour l’élève en apprentissage, car il ne sait pas poser de balises claires à son travail de compréhension et d’interprétation. Jorro (1999) soutient, par ailleurs, les conceptions vygotskiennes «où le con- flit sociocognitif joue un rôle moteur dans l’apprentissage» (p.85). L’apprentissage coopératif tel qu’elle le présente reconnaît toutefois un rôle très timide à l’enseignant. Ainsi, loin d’affirmer comme Jorro que «la compréhension du texte […] ne s’enseigne pas» (p.86), nous croyons que le maître peut «enseigner aux élèves à utiliser dans leur lecture uploads/Litterature/ falardeau-2003.pdf

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