UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et litt
UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008 LA FÉMINISATION Épicène et lourdeur de texte DE LANDTSHEER Faye GARBAR Brigitte Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304) 2 1. Introduction La féminisation, débat houleux de ces dernières décennies, est un problème que l'on retrouve dans plusieurs domaines. Les avis et les revendications à son égard sont tant sociales, politiques, psychologiques, linguistiques que grammaticales. En ce qui concerne ce travail, il sera basé essentiellement sur l'aspect grammatical et linguistique de la féminisation. Nous rappelons que la langue française est un ensemble de signes linguistiques et de règles de combinaison de ces signes entre eux; ces règles strictes permettant à tout utilisateur de parler un français correct, le français normé des grammaires. Cependant, les manuels grammaticaux semblent parfois occulter certains pans de la langue ou, du moins, ne pas approfondir le sujet. Ainsi notre travail portera sur un sujet qui tient peu de place dans les grammaires qui en font cas: les épicènes. Nous tâcherons de garder une parfaite objectivité, nous efforçant de ne prendre parti ni pour les opposants ni pour les partisans de ces formulations, mais de relater leurs idées afin de nous forger notre propre opinion. Nous tenons à rappeler que les formulations épicènes constituent un cas particulier de la langue française sur lequel peu de choses ont été écrites « d'un point de vue scientifique » si ce n'est pour parler de la féminisation en général. Nous verrons ce que peut signifier le langage épicène pour ses partisans comme pour ses opposants, quelles argumentations ont pu être données concernant les effets d’un tel langage et nous en donneront également notre avis personnel. 3 2. Les épicènes 2.1. Définitions En français, il existe deux genres qui répartissent les lexèmes en deux catégories distinctes: le masculin et le féminin. Toutefois les épicènes (du grec epikoinos, « commun ») désignent: * soit des substantifs n'ayant qu'un genre, quelque soit le sexe de la personne ou de l'animal qu'il désigne. Exemples: individu, personne, souris, brochet,... * soit des substantifs gardant la même forme, mais variant en genre, selon le sexe désigné. Exemples: un/une collègue, un/une enfant,... Cependant des grammairiens comme Marc Wilmet considèrent les substantifs tels que « individu, personne » comme des substantifs agénériques car ils sont dépourvus de genre tandis que seuls les substantifs gardant la même forme, qu’ils désignent le sexe masculin ou le sexe féminin, sont considérés comme épicènes. Ces formes sont également connues sous les termes de « formes fixes », « noms bivalents en genre » ou encore « substantifs ambigènes ». La langue française compte environ 29 % de noms bivalents. Ils peuvent se répartir en bivalents oraux qui ne se différencient qu'à l'écrit (ami/e) et en bivalents sémantiques, c'est-à- dire qui désignent un homme ou une femme selon la situation (vedette; victime,...). 2.2. Le langage épicène Ce sont les diverses discussions sur la féminisation qui ont conduit à rechercher des tournures de phrases permettant une meilleure visibilité de la femme dans les textes et à éviter le masculin générique. Ainsi peut-on parler d'un « langage épicène ». Il s'agit d'une manière d'adresser un texte ou un discours autant aux femmes qu'aux hommes, une formulation commune aux deux sexes. Les formes couramment utilisées sont: les tirets, ou les 4 parenthèses1, mécanicien-e-s, mécanicien(e)s (1re formulation) ou la mise en présence du masculin et du féminin, mécanicien et mécanicienne (2e formulation). Ces formulations dites épicènes ne se sont pas développées avec la féminisation croissante du XXe siècle. Elles sont attestées depuis plusieurs centaines d'années comme l’atteste cette phrase tirée d’un ouvrage du XIVe siècle: « La première condicion de confession est que la confession soit faicte sagement : c’est à dire sagement en deux manières, qui est à entendre que le pécheur ou la pécheresse eslise confesseur saige et preudomme.»2. Au Moyen Âge, les femmes avaient autant leur place dans les textes que les hommes. C'était une réalité qui ne gênait personne à la lecture. Ce n'est qu'en 1647 que la langue française fait la connaissance du masculin universel, grâce à Claude-Favre de Vaugelas qui considérait le masculin comme « le genre le plus noble » et devant prédominer. On ne s'étonne pas dès lors de voir aujourd'hui l'Académie française, proche des idées de ce grammairien, rejeter fortement la féminisation des fonctions publiques par exemple. Les partisans de ces formulations estiment que son utilisation est une réponse au masculin générique qui englobe les deux genres mais qui, selon eux, ne permet pas toujours de distinguer clairement les personnes citées dans le discours; discours qui peut dès lors être interprété de deux manières différentes. L'un des exemples le plus fréquent, c'est le morphème « homme » qui peut être une référence exclusive au sexe masculin ou une référence au masculin et au féminin. Dans la phrase « Dieu créa l'homme à son image », les défenseurs du masculin universel s'accordent à dire que « homme » est à prendre au sens de « être humain ». Mais les opposants font observer que lorsqu' il s'agit de faire une représentation de l’être divin, son image revêt toujours des caractéristiques masculines... Il est donc possible de dire que de tels termes interfèrent avec le sens de la phrase. Certains partisans de la rédaction épicène en sont arrivés à formuler des règles, d’autres, comme pour confirmer le bon fonctionnement de ces règles, n’hésitent pas à écrire des livres. C’est le cas de Thérèse Moreau, féministe française engagée mais aussi essayiste, 1 Les partisans les plus pointilleux considèrent que mettre des parenthèses constitue une mise en retrait de la femme. Dès lors, cette méthode est à proscrire. 2 Anonyme, Le ménagier de Paris, traité de morale et d économie domestique, Genève, Slatkine Reprints, 1966, p.23. 5 grammairienne et romancière. Elle a écrit un ouvrage, « Le grand livre des recettes secrètes », un livre mi conte mi recette dans lequel elle utilise le plus possible la rédaction épicène. Ainsi on peut y lire : « Elle épousait la pente de la colline, avec tout en haut la maison-appartement de Grand- Mère et Grand-Père, puis un jardin de verdure et quelques marches menant à un pavillon […] »3. « […] ne nous ont-elles pas enseigné que l’oncle (donc la tante) était de fait la/le véritable parent ? De plus, comment ne pas entendre en cette anonyme tante Marie, notre mère à tou-te- s, celle que l’Archange Gabriel saluait comme bénie entre toutes ? »4. À travers ses contes très légers, elle tente de faire passer le message d’une « écriture équitable ». Les partisans du masculin générique se basent sur la grammaire traditionnelle qui demande de ne prendre en compte que le concept de genre et non celui du sexe, le genre grammatical n'ayant aucun rapport avec le genre naturel. Il s'agirait d'une confusion constante entre linguistique (basée sur des principes syntaxiques formels) et métaphysique (basée sur des principes sémantiques). Si l'on en croit l'Académie française, la féminisation « massive » pourrait contrevenir à « l'esprit de la langue » qui veut que l'on accorde au masculin tout groupe composé des deux genres. Maurice Druon parlera même de « féminisation absurde » de la part des Québécois. 3 Thérèse Moreau, Le grand livre des recettes secrètes, Genève, Éditions Metropolis, 1997, p. 63. 4 Thérèse Moreau, Le grand livre des recettes secrètes, Genève, Éditions Metropolis, 1997, p. 119. 6 3. Les effets des épicènes 3.1. Interprétation sémantique Nous avons voulu vérifier si oui ou non l'utilisation d'un masculin générique donnait lieu à une interprétation mixte, autrement dit à un discours renvoyant à un ensemble comportant des femmes. Nous nous sommes basées sur une étude canadienne de 2001, Les mots masculins désignent-ils aussi des femmes? de Nigel Armstrong, Cécile Bauvois et Kate Beeching. Ces scientifiques ont soumis une série de vingt-six phrases à un groupe québécois et un groupe belge. On y a décelé un fort taux d'interprétation mixte. Toutefois ce taux apparaît moins élevé dans la plupart des phrases chez les Québécois (6 phrases sur 26). Cela est probablement dû au fait que les pratiques de féminisation linguistique et lexicale sont bien présentes depuis les années 70 au Québec ; ils ont donc plus de termes appropriés à chaque sexe et moins de termes à considérer comme mixtes. Malgré le fort taux d'interprétation mixte, il s'est avéré, pour les deux groupes, que dans un certain nombre de phrases il était difficile d'inclure les femmes. Cette étude tend donc à démontrer que le courant féministe a raison d'affirmer que les termes masculins ne sont pas « neutres », c'est-à-dire qu' ils assimilent plus volontiers le signifiant masculin à un signifié exclusivement masculin. De ce fait, les féministes auraient raison de revendiquer un langage épicène. Nous vous soumettons ci-dessous le tableau récapitulatif de l'étude : NO Nb Gén Qbc Blg Moy 1 Un homme d’église / / 13 6 10 2 Un homme de science / / 9 33 21 3 uploads/Litterature/ feminisation-epicenes-et-lourdeur-de-texte.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 24, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3150MB