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ui avoir envoyé ses articles sur le fétichisme dans l’amour. Cette lettre commence ainsi : « Vous me faites beaucoup d’honneur en me demandant mon sentiment sur vos deux derniers articles. Je les trouve, comme tout le monde, intéressants, instructifs et très bien faits. Le fétichisme auquel vous rattachez ces états maladifs n’est peut-être pas le terme de comparaison le plus exact ; pourtant il offre des analogies suffisantes, et de plus votre définition finale, qui ramène la perversion à la prédominance d’un détail plus ou moins isolé, résume très bien le phénomène. Il serait scandaleux et pourtant vrai de ramener à la même formule : 1° L’amour proprement dit ou préférence exclusive qui rend un individu complètement insensible à tous les individus de l’autre sexe, sauf un ; 2° Le coup de foudre (très bien expliqué par Stendhal) qui est l’invasion subite du sentiment exclusif ci-dessus à la suite de longues rêveries et d’une préparation inconsciente. Si vous suivez votre filon, vous pénétrerez dans une mine large et profonde ; vous trouverez probablement que l’objet principal à déterminer, c’est l’état subjectif (physiologique et psychique), de la personne qui devient amoureuse au moment juste où elle le devient » (Taine, 1907, p. 245-246). 2Cette lettre est intéressante à un double titre. Elle témoigne de la reconnaissance immédiate de la valeur de la contribution de Binet. Mais elle manifeste aussi que Taine n’a qu’imparfaitement saisi ce que Binet apporte de nouveau dans l’explication de phénomènes qu’avaient déjà en partie décrits les aliénistes Jean-Martin Charcot et Valentin Magnan. Je me propose, dans le présent article, de mettre en lumière ce en quoi Binet a renouvelé l’analyse du « fétichisme amoureux », telle que l’avaient esquissée Charcot et Magnan. Je me référerai à la version originale de l’article de Binet telle que je l’ai rééditée et préfacée en 2001 (et non à la réédition de 1888, abrégée d’environ 7 %, les passages non repris étant souvent fort intéressants). Pour ne pas alourdir mon texte, je signalerai les pages des citations sans répéter à chaque fois : Binet, 2001. L’article de Charcot et Magnan sur « l’inversion du sens génital » (1882) 3Au début de son article, Binet écrit avec modestie : « MM. Charcot et Magnan ont publié les meilleures observations de fétichisme, et notre étude ne sera qu’un commentaire de ces observations, auxquelles nous en avons joint de nouvelles ; elles sont relatives à des dégénérés qui éprouvent une excitation génitale intense pendant la contemplation de certains objets inanimés qui laissent complètement indifférent un individu normal » (p.30-31). 4Mais, de leurs observations, Charcot et Magnan n’ont aucunement tiré un définition de la « perversion » que cinq ans plus tard, en 1887, Binet va proposer d’appeler « fétichisme amoureux » et que d’autres appelleront, après lui, fétichisme « érotique » ou « sexuel », voire « fétichisme » tout court. 5On remarque, tout d’abord, que la description de ces « perversions du sens génital » ou « de l’instinct génital » (Charcot et Magnan, 1882, p. 53 et 320) figure dans un article intitulé « Inversion du sens génital », article dont l’objet essentiel est de comprendre ce « fait étrange dans notre civilisation [qu’est] l’appétit génital pour le même sexe à l’exclusion de l’autre » (Charcot et Magnan, 1882, p. 53-54). 6Cet article présente quatre cas de fétichisme qui ont pour objets les parties du corps humain ou les choses suivantes : 1. - la « région fessière » des femmes : quand cet homme « voyait une femme, sa pensée se portait vers la région fessière et il ne pouvait s’empêcher de regarder les fesses. Cette observation devenait plus pressante dès qu’il s’agissait de petites filles. Dans les foules il se frottait contre les fesses des femmes ; mais dès que l’érection survenait, il s’empressait de s’éloigner et d’éviter les groupes. » (Charcot et Magnan, 1882, p. 306). 2. - les clous de bottines et de souliers de femmes (observation communiquée à Charcot et Magnan par le Dr. Émile Blanche) : « vers l’âge de six ou sept ans, M.X... était déjà poussé par un instinct irrésistible à regarder les pieds des femmes pour voir s’il n’y avait pas de clous à leurs souliers ; [...dans ses rêveries] il infligeait à la jeune fille les tortures les plus cruelles, il lui clouait des fers sous les pieds, comme l’on fait aux chevaux, ou bien il lui coupait les pieds, et en même temps il se masturbait ; mais ce n’était pas seulement pour se procurer la jouissance matérielle qu’on y trouve ; c’était plutôt pour servir d’accompagnement à l’histoire fantastique qui charmait son imagination (...). L’intensité [de son excitation] augmente aussi graduellement, si M.X..., après avoir vu les chaussures dans la boutique du cordonnier, les voit aux pieds d’une femme, s’il y a beaucoup de clous, et si les clous sont gros, s’ils sont posés à des souliers, plutôt qu’à des bottines, et si la femme qui les porte est jeune, jolie et élégante. L’impression est parfois telle, qu’il est sur le point de s’évanouir, ou bien il est pris d’un rire nerveux et incoercible, qui dure plusieurs minutes » (Charcot et Magnan, 1882, p. 308 et 311-312). 3. - les bonnets de nuit : « A l’âge de cinq ans, ayant couché pendant cinq mois dans le même lit qu’un parent âgé d’une trentaine d’années, il éprouva pour la première fois un phénomène singulier, c’était une excitation génitale et l’érection, dès qu’il apercevait son compagnon de lit se coiffer d’un bonnet de nuit. Vers cette même époque, il avait l’occasion de voir se déshabiller une vieille servante, et dès que celle-ci mettait sur sa tête une coiffe de nuit, il se sentait très excité et l’érection se produisait immédiatement. Plus tard l’idée seule d’une tête de vieille femme ridée et laide, mais coiffée d’un bonnet de nuit, provoquait l’orgasme génital [...A trente deux ans] il épousa une demoiselle de vingt- quatre ans, jolie et pour laquelle il éprouvait une vive affection. La première nuit de noces, il resta impuissant à côté de sa jeune femme ; le lendemain la situation était la même lorsque, désespéré, il évoque l’image de la vieille femme ridée, couverte du bonnet de nuit ; le résultat ne se fait pas attendre, il peut immédiatement remplir ses devoirs conjugaux. Depuis cinq ans qu’il est marié, il en est uploads/Litterature/ fetiche.pdf

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