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Tous droits réservés © Cinémas, 2005 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 11 mai 2020 05:52 Cinémas Revue d'études cinématographiques Du filmique au littéraire : les textes des catalogues de la cinématographie-attraction André Gaudreault et Philippe Marion Cinélekta 5 Volume 15, numéro 2-3, printemps 2005 URI : https://id.erudit.org/iderudit/012323ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Cinémas ISSN 1181-6945 (imprimé) 1705-6500 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Gaudreault, A. & Marion, P. (2005). Du filmique au littéraire : les textes des catalogues de la cinématographie-attraction. Cinémas, 15 (2-3), 121–145. Résumé de l'article Les descriptifs que les premiers « fabricants » de vues animées publient dans leurs catalogues sont des textes scripturaux produits sur la base d’un texte iconique préexistant. Ce sont des textes fonctionnels davantage que fictionnels, qui visent à traduire au mieux, au moyen du langage verbal, le contenu et, à la fois, l’esprit d’un film. Une fois que l’effet novelty du cinématographe se serait estompé, l’écriture plus proprement « littéraire » allait bientôt reprendre ses droits, d’autant plus que, dans sa phase d’institutionnalisation, le cinéma allait devenir narratif. Le « catalogueur » allait ainsi être amené à se transformer en « publirédacteur », pour produire des textes « novellisés » qui seraient plus respectueux du média scriptural. Du filmique au littéraire: les textes des catalogues de la cinématographie-attraction 1 André Gaudreault et Philippe Marion RÉSUMÉ Les descriptifs que les premiers « fabricants » de vues animées publient dans leurs catalogues sont des textes scripturaux produits sur la base d’un texte iconique préexistant. Ce sont des textes fonctionnels davantage que fictionnels, qui visent à traduire au mieux, au moyen du langage verbal, le contenu et, à la fois, l’esprit d’un film. Une fois que l’effet novelty du cinémato- graphe se serait estompé, l’écriture plus proprement «littéraire» allait bientôt reprendre ses droits, d’autant plus que, dans sa phase d’institutionnalisation, le cinéma allait devenir narratif. Le « catalogueur » allait ainsi être amené à se transformer en « publirédacteur », pour produire des textes « novellisés » qui seraient plus respectueux du média scriptural. ABSTRACT The descriptive texts that the earliest “manufacturers” of animated pictures published in their catalogues are scriptural texts based on a pre-existing iconic text. These texts are more functional than fictional, for they strive to best translate, through the means of verbal language, not just the content but also the spirit of a film. As soon as the novelty effect of the cinematograph had worn off, writing more distinctly literary in nature would promptly assert its rightful place, especially since, in its institutional phase, cinema would become narrative. The “cataloguer” would hence be lead to transform into a “publiwriter” in order to produce novelized text that would be more representative of scriptural media. Dans une communication présentée à ce qui fut peut-être le premier colloque sur la novellisation (Université de Louvain, novembre 2003 2), les deux auteurs du présent article proposaient un cadre réflexif portant sur cette pratique, assez précoce, de « transmédialisation » image/texte que suppose l’écriture des résumés des catalogues publiés par les « fabricants de vues animées». Au même titre que la novellisation, la rédaction de ces descriptifs, qui devaient permettre aux « exhibiteurs » de sélec- tionner les produits les plus susceptibles d’intéresser leur clientèle, impliquait la production de textes scripturaux rédigés sur la base de textes iconiques préexistants. Cependant, au contraire des textes normalement produits dans le cadre d’un processus de novelli- sation, au sens où on l’entend généralement, ces descriptifs sont d’abord et avant tout des textes fonctionnels. La préoccupation du catalogueur de l’époque de la «cinématographie-attraction 3» (que l’on situe entre 1895 et 1908) est de donner à l’acheteur potentiel une idée de la vue mise en vente. Il ne s’agit pas, pour lui, de produire un texte qui aurait une valeur en soi. Le descriptif doit en effet serrer au plus près, par le truchement du langage verbal, le contenu et l’esprit de la vue. On constate que les descriptifs de la toute première période du corpus étudié font preuve d’un certain mimétisme intermé- diatique, leurs rédacteurs allant jusqu’à tenter la transposition, dans le scriptural, de certains des traits propres au nouveau mode, iconique, d’expression. L’exercice de « transsémiotisation » auquel se sont adonnés les premiers catalogueurs les amène, le plus souvent, à chercher à établir une sorte de traduction en mots de la fibre «médiale» du texte filmique, ce qui les pousse à imaginer en quelque sorte des équivalents scripturaux de don- nées purement iconiques. L’écrit et le filmique étant deux véhi- cules sémiotiques franchement hétérogènes, on pourrait arguer que les catalogueurs de la cinématographie-attraction, en igno- rant la barrière des espèces médiatiques, ont été victimes d’une certaine forme de naïveté. Une pareille condition d’asservissement du média scriptural au média iconique n’allait pas durer indéfiniment, comme nous allons le constater. Nous verrons en effet ici comment le catalo- gueur de la cinématographie-attraction est appelé, une fois le 122 CiNéMAS, vol. 15, nos 2-3 cinéma parvenu au seuil de l’institution, à se transformer en un genre de « publirédacteur » et à produire un texte « novellisé » d’une tout autre nature que celui qui prévalait au tournant du siècle: un texte qui ne s’inscrit plus dans la tradition du mimé- tisme descriptif des premiers catalogueurs. C’est un peu comme si on finissait par reconnaître que le média filmique possédait désormais sa spécificité, son langage, sa légitimité, sa visibilité médiatique, et qu’il était devenu aussi vain qu’inutile d’essayer de le traduire dans un autre média. L’exercice de rédaction ne consisterait plus, dès lors, en une simple traduction; il doit doré- navant se présenter comme une transposition, voire une adap- tation du contenu du film dans le média scriptural d’arrivée, en respectant celui-ci et ses principes. Illustrons d’abord les deux extrémités de ce spectre par deux exemples représentatifs des tendances notées. Le mimétisme des- criptif représentatif de la toute première période paraît évident dans cet exemple tiré d’un catalogue du « cinématographiste » anglais James Williamson (il s’agit de la description d’une vue datant de 1899, provenant de la série intitulée « One-Minute Comedies 4») : Two Naughty Boys Teasing the Cobbler. Cobbler at work; two boys bring shoes to mend ; boys stand outside with pea-shooter ; cobbler jumps. No, I didn’t do anything ! On remarque l’aspect brut, saccadé, quasi immédiat du texte du catalogue Williamson, tentant, semble-t-il, de cerner l’esprit cinéma, sans chercher à produire d’effet littéraire autonome. Le descriptif semble, en effet, inspiré du cinétisme propre au nou- veau média. Mimétisme stylistique et informationnel : le texte ne dit rien de plus que ce qu’il y a dans la vue. Voyons maintenant un exemple qui se situe à l’autre extrême. Il s’agit du descriptif de His Last Burglary, réalisé par Griffith pour la Biograph en 1910, dont voici un extrait : The Scottish poet, Robert Pollock, called children “Living jewels dropped unstained from heaven,” and this esteem is backed by Scriptural evidence, for the Saviour came to us as a child. He ever specialized the Du filmique au littéraire : les textes des catalogues de la cinématographie-attraction 123 child. He taught that a little child should lead them. And so it is ; the tiny hand of the baby has ever been the propelling force of the universe. Never was this more vividly portrayed than in this Biograph subject. William Standish, a young inventor, like many of his ilk, has spent time, money and energy in perfecting a machine which the engineers to whom he had sub- mitted it are slow in deciding upon, during which time he and his little family of a wife and infant child are in poverty’s clutches (dans Bowser 1973, p. 170). L’emprise littéraire, à tout le moins d’une certaine conception stéréotypée de la littérature classique, apparaît ici d’emblée. Le texte s’ouvre sur une mise en exergue et un incipit moralisateur, tous deux placés sous le signe de la référence littéraire, par la convocation de l’imagerie verbale (non pas iconique) empha- tique d’un poète écossais. Le portrait du personnage de l’in- venteur s’inspire par ailleurs largement des clichés littéraires ambiants, tout en donnant une série d’informations que le film, pour sa part, ne livre nullement. Ce texte ne relève pas du mimétisme stylistique et informationnel observé dans le premier exemple. En tout cas, si mimétisme il y a, ce serait plutôt celui qui implique la soumission aux canons et aux topoï littéraires. Outre le fait que ce second exemple se rapproche de la conception courante de la novellisation, on note aussi, entre l’exemple Williamson et l’exemple Griffith, une distance notable, qui uploads/Litterature/ gaudreault-marion-2005.pdf

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