Meilleurs souvenirs de Grado ou la petite histoire de Anna et Karl en vacances

Meilleurs souvenirs de Grado ou la petite histoire de Anna et Karl en vacances Grado, une station balnéaire de la côte adriatique. C‘est là qu’Anna et Karl, un couple d’Allemands, partent en vacances pour quinze jours. Leur fils confié à la grand-mère, les plantes vertes confiées aux voisins et les collègues restés à l’usine, ils ont résolu d’en profiter. Mais il n’est pas toujours facile de trouver sa place loin de chez soi. Dans ces scènes de vie quotidienne, l’auteur met en lumière le désoeuvrement qu’engendrent parfois les vacances. Anna et Karl n’évitent pas toujours le ridicule, mais ils sont pleins de bonne volonté. Mise en scène : Marina Glorian Anna : Marina Glorian Karl : Nicolas Buchoux Photographe : Pauline Izumi Colin Concepteur lumière : Denis Koransky Durée du spectacle : 1h15 Nombre de comédiens : 2 Nombre de scènes : 9 Pas d’entracte. contact LA COMPAGNIE DE MINA 1 RUE FEUTRIER 75018 PARIS 1 lacompagniedemina@yahoo.fr LES VACANCES DE MONSIEUR KROETZ J’ai découvert Franz Xaver Kroetz et ses pièces, dont Meilleurs souvenirs de Grado, il y a plusieurs années à l’université, grâce à Jean-Louis Besson ( traducteur notamment des œuvres de Karl Valentin aux Editions Théâtrales), durant un stage pratique d’interprétation d’œuvres contemporaines. J’ai, depuis, lu et relu ce théâtre. Et naturellement, au fil des lectures et de mes réflexions, j’ai eu envie de porter sur scène cette écriture originale et forte. Franz Xaver Kroetz est un auteur contemporain allemand, il a soixante ans cette année. Son œuvre est une exploration de l’humain dans son quotidien. Il a observé ses propres échecs et s’en est inspiré. Il dit, en parlant de ses œuvres : « Quelle que soit la pièce qu’on examine, on s’aperçoit qu’elle parle d’une mutilation sociale. J’écris beaucoup sur moi-même, bien que j’ai longtemps refusé de l’admettre. Ces personnages me ressemblent bien plus que le gérant, le directeur A ou B, ou le Monsieur de chez Siemens. Ces derniers ne m’inspirent pas ; je trouve ce milieu ennuyeux ; ces types mous avec leurs attachés-cases ne m’intéressent pas. Je n’écris pas sur des choses que je déteste… Les ruines de ma propre existence, faits marquants du déroulement de ma vie, que j’essaie de comprendre et de présenter sous forme de phénomènes sociaux, m’intéressent de plus en plus. » L’engagement de Franz Xaver Kroetz me touche : le discours politique de l’auteur sur l’injustice sociale n’est pas développé dans la violence, la revendication, ni l’aigreur. Son constat d’un quotidien difficile est efficace, concis, intelligent. Kroetz a écrit « La primauté du dialogue au théâtre est un préjugé… Il y a des gens qui parlent sans cesse, bien qu’ils n’aient rien à dire ni à exprimer. C’est du bavardage. Mais il existe aussi un comportement qui se situe en dehors du bavardage. Dans le silence. Chez mes personnages, la parole ne fonctionne pas. Ils ne font d’ailleurs preuve d’aucune bonne volonté.Leurs problèmes ont des causes si profondes et sont tellement loin d’être résolus qu ‘ils ne sont pas capables de les exprimer par des mots. Ils sont introvertis. La société en porte une large responsabilité, les traitant sans égard( …)en même temps, ces hommes se sont toujours fabriqué une thérapie par le travail, pour surmonter cette condition de sourds-muets. Ils sont toujours pris par une occupation quelconque. » L’une des problématiques principales d’une mise en scène de cette « écriture du silence » consisterait à découvrir comment incarner ces moments de vide. Bien sûr, un travail du corps est en particulier nécessaire pour donner densité à ces silences. Ils prennent sens aussi lorsque l’on se penche sur l’étrangeté des dialogues : les personnages manipulent des mots qui ne traduisent pas forcément le fond de leur pensée. Ils sont figés dans des tabous, et Kroetz leur donne un langage volontairement inapproprié : la banalité sert de détournement. On peut imaginer qu’ils se comprennent à un autre niveau ;mais dans le quotidien, il leur est impossible d’aborder réellement leurs problèmes, de les formuler. 2 Dans Meilleurs souvenirs de Grado, un homme et sa femme partent en vacances au bord de l’Adriatique. Karl est ouvrier, Anna ne travaille plus depuis la naissance de leur fils. Dans l’œuvre de Kroetz, on peut considérer cette pièce comme « légère », mais le rire se mêle à un vague malaise. Pas de scènes violentes, mais un désarroi palpable dans ces fameux silences qui ponctuent des dialogues quotidiens. Anna énonce des vérités générales et masque ainsi ses propres perceptions . Elle évoque des idées reçues comme si le « prêt à parler » pouvait aboutir à un « prêt à penser » rassurant. Pour ces deux personnages, les sorties et les loisirs demeurent un luxe, une rareté dont ils cherchent à profiter le mieux possible mais il leur manque toujours le mode d’emploi des meilleures vacances possibles . Ils s’activent énormément et créent des plannings quand on ne leur en impose pas, pensant que c’est la seule manière de « profiter ». J’ai retranscrit cette frénésie d’activités par des transitions muettes qui servent de liens entre les différentes scènes et en m’appuyant sur les propos de l’auteur : « La façon de marcher, les mouvements d’une personne expriment également beaucoup. Les silences sont d’abord le caractère de la vérité ». L’ennui, les problèmes, tantôt cocasses ou graves, qui transparaissent dans ces tranches de vie d’un couple en vacances m’ont émue et ce théâtre donne à réfléchir sur la place de l’individu dans notre société où, même pendant ses loisirs, il subit encore les mêmes contraintes qu’au quotidien : une organisation précise, des codes, des horaires. Certains codes sociaux déboussolent . Parfois on a peur de les ignorer. On se doute que ces codes existent mais on ne sait pas comment faire. Les décisions à prendre rapidement paniquent un peu. On a peur de mal faire, d’être ridicules, comme les deux personnages de cette pièce. On pourrait croire à une comédie où l’on se moque de deux personnages égarés dans un contexte social qui les complexe, mais petit à petit, le public ressent cette dénonciation sociale concrète et démontrée et, insidieusement, on en vient à se poser de nombreuses questions. Peut-on oublier que c’est une chance de voir la mer par la fenêtre de sa chambre d’hôtel, d’avoir accès aux beautés du monde et d’avoir la capacité d’en profiter pleinement parce qu’on est cultivé ? Comment les gens modestes profitent-ils des congés payés ? Comment organisent-ils le peu de temps qui leur revient pour se reposer ? Comment se comportent-ils loin de chez eux, loin de leur quotidien ? Est-ce qu’ils se rassurent en reconstruisant les mêmes schémas angoissés d’emploi du temps, ont ils besoin de rituels? Comment être libre et « jouir de la vie » quand on a enfin du temps libre? Comment se tenir dans ces endroits où l’on ne se sent pas tout à fait à sa place? J’ai situé l’action dans le courant des années quatre-vingt, période qui correspond à mes propres souvenirs de vacances en famille. 3 Rapidement, l’idée d’une expression graphique s’est imposée durant les lectures. J’ai pensé à une projection de diapositives, système un peu suranné, évoquant les retours de vacances de cette époque. J’ai proposé alors à la photographe, Pauline Izumi Colin, de travailler avec moi ce concept. Les images ( inanimées, natures mortes, éléments d’architecture… ) qui sont projetées durant la pièce peuvent être les souvenirs de vacances qu’Anna et Karl montreront fièrement en famille au retour. Nous avons voulu désincarner ces photos pour ne pas tomber dans l ‘illustration facile. Ces images, souvent métonymiques, surviennent comme des sensations éphémères, elles sont peut être aussi leurs obsessions inconscientes. Je voulais aussi faire référence à la pièce de Botho Strauss, Grand et petit, où un vieux couple invite ses voisins pour une projection de diapositives sur son quotidien et commente des actions banales. J’ai pensé à ce vide, à ce désarroi. Anna et Karl ont peur de rater une image, un instant de bonheur. Ils veulent pouvoir se souvenir « comme ils étaient bien » en vacances. Et ils vont s’en servir toute l’année de ce souvenir, pour tenir le coup dans le travail, la grisaille et la monotonie. Anna et Karl sont beaux parce qu’ils ne sont pas blasés, ils sont candides et enthousiastes. Ils sont vraiment, entièrement, en voyage. On voudrait d’ailleurs qu’ils oublient de compter leurs sous et le temps qui leur reste. Mais l’insouciance est réservée aux riches. Marina Glorian LES PERSONNAGES Anna Elle a trente ans. Maman d’un petit garçon de 4 ans (auquel l’auteur ne donne pas de prénom). Karl lui a demandé d’arrêter de travailler pour s’occuper de l’enfant. Elle a une vie saine, aime la nature, et entretient sa forme physique : elle se lève tous les matins pour faire des exercices de gymnastique. Elle compte bien profiter des vacances pour respirer le bon air de la mer, marcher, nager. Le couple connaît quelques problèmes, notamment sexuels, et elle a insisté pour qu’ils partent en vacances seuls tous les uploads/Litterature/ grado.pdf

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