Design graphique et société Graphisme en France — 2021 Design graphique et soci

Design graphique et société Graphisme en France — 2021 Design graphique et société Graphisme en France — 2021 Comment le design graphique contribue-t-il à plus de cohésion, de co­ mpré­ hension, d’équilibre de la société dans laquelle nous vivons ? Comment nous permet-il de mieux circuler, de mieux éduquer, de mieux compren­ dre, de mieux interagir ? Comment permet-il d’embellir et de rendre l’environnement dans lequel nous vivons plus riche, plus respectueux, plus intéressant ? En ces temps bousculés, il est nécessaire de tenir compte de l’impact fondamental du design graphique sur notre société. Le graphisme d’utilité publique l’est plus que jamais, le design social ouvre des perspectives vers des organisations et des projets plus larges. Les formes, les images, les signes construisent et structurent notre quotidien, nos imaginaires, et façonnent notre sens critique. Max Bruinsma, critique néerlandais d’art et de design nous invite à revenir sur des créations emblématiques qui incarnent l’engagement de leurs auteurs dans des projets de design au service de la société. Élodie Boyer, éditrice et consultante, nous guide au gré des objets, des signes et des dispositifs qui forgent son regard et qui attirent son attention dans l’environnement quotidien. Elle nous invite par là même à apprécier à notre tour l’intérêt de ces formes qui constituent notre culture visuelle commune. Enfin, Éloïsa Pérez, graphiste, typographe et enseignante, propose, parallèlement à sa thèse sur les usages de la typographie dans l’écriture manuscrite, une contribution sur l’importance de considérer les outils du design graphique et de la typographie à l’école et dans l’ensemble des dispositifs de transmission des savoirs et de la pédagogie. Malgré la crise sanitaire qui nous a tant contraints, cette 27e édition présente les nombreux événements organisés, en ligne notamment, par l’ensemble des diffuseurs et acteurs du design graphique et de la typographie, regroupés dans le « Calendrier », l’une des rubriques régulières de Graphisme en France. Marion Caron et Camille Trimardeau, diplômées de l’École supérieure d’art et design Le Havre-Rouen, ont créé Studio Béton en 2021. Elles ont imaginé et conçu cette édition avec l’attention qu’elles portent à la matérialité du livre, à ses éléments – papier, reliure, impression. Elles ont composé l’ouvrage selon une grille modulable qui s’adapte à l’en­ semble des contenus et choisi d’utiliser les caractères typographiques Boogy Brut de Bureau Brut et Julien Priez (Bureau Brut), Matter Medium de Martin Vácha (Displaay) et Immortel Vena G2 de Clément Le Tulle- Neyret. Nous les remercions pour cette belle réalisation. Béatrice Salmon, directrice du Centre national des arts plastiques Max Bruinsma Le design est-il social ? L’idée selon laquelle toute activité humaine est régie par une organisation sociale plus ou moins consciente demeure une idée reçue : nous ne nous déplaçons pas au hasard et nous ne faisons pas tout ce que nous voulons. Même à notre époque – la plus individualiste de l’histoire de l’Humanité –, nous observons des principes collectifs dans les relations que nous entretenons, notre reconnaissance de l’existence de l’autre, l’organisation de notre activité en fonction de celle de nos semblables ; en bref, nous restons des êtres sociaux. Une autre idée commune est que le design sert le « social » en adaptant les messages de ses clients à ce que les destinataires sont prêts à entendre et à comprendre. Le design, pour ainsi dire, comblerait un fossé entre l’émetteur et le récepteur. Ce serait donc une activité plus ou moins neutre au service des messages de ses commanditaires, tout comme les traducteurs sont au service des auteurs des textes qu’ils interprètent. Comme souvent avec le bon sens commun, ces idées ne sont pas entièrement fausses, mais elles ne sont pas non plus tout à fait vraies. Le « social », par exemple, englobe une multitude de phénomènes souvent contradictoires. Prenons la polarisation, qui peut être considérée comme une manifestation sociale de sentiments plutôt asociaux. Et bien que le design soit par définition un art appliqué, il n’est en aucun cas dépourvu de passion. Les designers sont aussi des citoyens, et comme tout participant de la sphère sociale – nous tous –, ils ont aussi des senti­ ments, des opinions et des convictions. Lorsque le graphiste britannique Ken Garland, récemment décédé, livre ses convictions dans le mani­ feste First Things First, rédigé en 1963, sa volonté n’est pas d’abord de fustiger les graphistes qui consacrent leurs talents à des futilités comme la publicité pour aliments pour chats ; elle est surtout de leur indiquer les domaines dans lesquels ils pourraient mettre leurs compétences au service de la société : « La signalisation des rues et des bâtiments, les livres et les périodiques, les catalogues, les manuels d’instruction, la photographie industrielle, les supports pédagogiques, les films, les émissions de télévision, les publications scientifiques et industrielles. » Dans sa réédition de 1999 dans la revue Adbusters 1, soit près de quarante ans plus tard, ce manifeste réitère son appel aux graphistes pour qu’ils réo­ rientent leurs priorités vers « des activités plus dignes de nos capacités à résoudre des problèmes ». Mais la liste des activités en question présente des diffé­ rences remarquables : « Les interventions culturelles, les campagnes de marketing social, les livres, les magazines, les expositions, les outils pédagogiques, les programmes de télévision, les films, les causes caritatives et autres projets de design de l’information. » Notons qu’en 1964 (année de publication du premier manifeste, dans The Guardian), l’industrie était encore considérée comme un allié potentiel au ser­ vice de la société. Dans la seconde édition, toute mention de l’industrie a disparu des « activités dignes d’intérêt », tandis que le secteur public et les secteurs à but non lucratif gagnent en importance en tant que domaines « nécessitant de toute urgence notre aide et notre expertise ». [ 1 ] Mevis & Van Deursen, affiche pour le débat sur le manifeste First Things First, New York, AIGA, 2000 Max Bruinsma — Le design est-il social ? 9 Bien qu’elles se rejoignent en affirmant que le service à la société est le principal objectif du design, les deux versions de First Things First laissent voir un chan­ gement dans la perception sociale des domaines où ce service est le plus requis. Vingt ans plus tard, on peut dire que peu de choses ont changé pour rendre le manifeste moins urgent (dans ses deux versions, complétées par quelques mises à jour ces dernières années), mais on ne peut pas dire non plus qu’il n’a pas été « pris à cœur », comme le souhaitait expressément le second manifeste. L’éthique et la responsabilité sociale sont devenues des éléments de langage courants dans le discours sur le design, et les débats portent moins sur la question de savoir si le design et la publicité ont une responsabilité au-delà des intérêts de leurs clients que sur la manière d’exercer cette responsa­ bilité. L’industrie, quant à elle, est de plus en plus considérée comme un partenaire potentiel, plutôt que comme la cause profonde de tous les maux de la société, ainsi qu’on la voyait dans les années 1970, en raison de sentiments anticapitalistes largement partagés dans les milieux progressistes, et, dans les années 1990, en raison des préoccupations crois­ santes concernant la mondialisation et la pollution. Aujourd’hui, les préoccupations antimondialisation et liées au changement climatique, parmi beaucoup d’autres, sont encore – ou à nouveau – largement présentes, mais il existe un consensus de plus en plus clair autour de l’idée que, même dans leurs réticences ou dans leur déni, les gouvernements, les institutions et l’industrie sont des acteurs indis­ pensables pour résoudre les crises et les problèmes urgents auxquels le monde est confronté. Il faut obtenir qu’ils s’en chargent au lieu de les ostraciser. Entre-temps, un nouveau discours s’est développé autour du design, celui du social design ou design social. Le domaine étant relativement nouveau, la définition de ce concept n’est pas encore universellement accep­ tée ; pour le moment, j’utiliserai ma définition : le design social vise à aborder les questions sociales, en colla­ boration avec les parties prenantes, en tant que questions de design. Dès 1981, le théoricien du design Giulio Carlo Argan formulait élégamment l’essentiel de ce qui allait devenir une nouvelle discipline quelques décennies plus tard : « Aujourd’hui, le pro­ blème d’une esthétique du quotidien ne porte pas sur le design d’objets isolés mais sur le design de l’en­ vironnement social 2. » En introduction à l’ouvrage dans lequel Argan développe ses idées sur une « esthétique du quoti­ dien », l’historien suisse du design Lucius Burckhardt explique brillamment en quoi « le design est invisible », rappelant, entre autres, que la nuit n’est pas un phéno­ mène naturel causé par la disparition du Soleil derrière l’horizon, mais une institution entièrement créée par l’Homme, « composée d’heures d’ouverture et de fermeture, de tarifs, d’horaires de transports publics, d’habitudes et aussi de lampadaires 3 ». L’idée que la façon dont nous structurons les choses organise essentiellement la façon dont nous les vivons conduit Burckhardt à envisager l’idée de sozio-design, un type de design qui « pense uploads/Litterature/ grafisme-en-france-interieur-fr-18-5-mo.pdf

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