C.F. Haeseler, Kiel, 1892 Le Mahæbhærata et ses parties de Adolf Holtzmann Prof

C.F. Haeseler, Kiel, 1892 Le Mahæbhærata et ses parties de Adolf Holtzmann Professeur à l’Université de Fribourg Traduit de l’Allemand par Gilles Schaufelberger http://www.utqueant.org - 2 - Volume I Histoire et Critique du Mahæbhærata http://www.utqueant.org - 3 - Chapitre I, 1 Retard pris par les études sur la poésie épique En comparaison avec le travail sérieux et couronné de succès consacré à toutes les autres branches de la littérature sanskrite, la poésie épique indienne et spécialement le Mahæbhærata paraît avoir été mise à l’écart et négligée Chapitre I, 2 Le Mahæbhærata: une œuvre non homogène Que le .Mahæbhærata, sous la forme sous laquelle il nous est parvenu, ne puisse être l’œuvre d’un seul poète par suite de son étendue et des différences entre ses partie, cela est incontesté. Chapitre I, 3 Anciens et nouveaux dieux Le remaniement de l’œuvre apparaît clairement dans la conception du monde des dieux. Les dieux de l’épopée récente sont ViÒ≈u et ›iva, ceux de l’ancienne Indra et Brahman et aussi Agni. http://www.utqueant.org - 4 - Chapitre I, 4 Un remaniement tendancieux La proposition la plus importante pour la critique interne du Mahæbhærata est celle qui a été formulée en 1846 par Adolf Holtzmann, à savoir que les sympathies de l’ancienne épopée se trouvaient du côté de Duryodhana, alors que l’épopée plus récente privilégie YudhiÒ†hira et ses frères et amis. Chapitre I, 5 Traits anciens dans l’épopée La version actuelle du Mahæbhærata repose sur un brahmanisme strict; mais elle conserve suffisamment de traits qui laissent conclure à une plus grande ancienneté des bases de cette épopée. Chapitre I, 6 L’épopée primitive indo-germanique Il n’est pas impossible que notre épopée, dans ses parties les plus anciennes, remonte à l’époque où les Indiens et les Germains, ainsi que d’autres peuples du rameau indo-germanique, formaient un seul peuple, mais nous n’avons pu jusqu’ici en apporter des preuves certaines. http://www.utqueant.org - 5 - Chapitre I, 7 L’épopée indienne avant la rédaction du Mahæbhærata La poésie épique en Inde est aussi ancienne que toutes les autres; elle se forme et se développe à la cour des rois grâce à une classe spécialisée de conteurs; et elle se répand par tradition orale. L’épopée n’a rien à voir avec la littérature religieuse des brahmanes, telle qu’elle s’exprime dan le Veda; elle appartient à la caste des guerriers. Chapitre I, 8 Le Mahæbhærata: une nouvelle création homogène Un poète génial a tiré du matériel légendaire existant un récit unique et lui a donné la forme d’une œuvre d’art indépendante, le Mahæbhærata (dans sa version la plus ancienne). Chapitre I, 9 La description des caractères Malgré les efforts des rédacteurs plus tardifs pour privilégier un parti (les Pæ≈∂ava) au dépens de l’autre (les Kaurava), on reconnaît facilement que l’attitude des personnages principaux de l’épopée est traitée de façon cohérente, et la peinture de leurs caractères de façon affirmé. http://www.utqueant.org - 6 - Chapitre I, 10 Unité du plan de l'épopée De même que les caractéristiques des principaux héros sont traitées de façon cohérente, le plan homogène qui sous-tend toute l’épopée montre que nous avons affaire à un seul poète particulièrement remarquable. Chapitre I, 11 Deux questions difficiles La question de savoir quand a vécu le poète du Mahæbhærata ne serait en soi pas plus difficile à traiter que tous les autres problèmes liés à la chronologie de l’Inde ancienne, mais elle est rendue deux fois plus difficile par son rapport interne avec une deuxième question tout aussi complexe, les raison de son remaniement tendancieux. Chapitre I, 12 Le bouddhisme et le Mahæbhærata Prenons pour hypothèse que cette épopée, sous sa forme la plus ancienne, ait été l’œuvre d’un poète bouddhiste, cela expliquerait que les rédacteurs postérieurs, fortement brahmaniques, aient rabaissé le parti de Duryodhana, et encore plus celui de Kar≈a, le préféré de l’auteur; dans la même proportion, il fallait glorifier le parti de KƒÒ≈a, dès que l’on eût commencé à le mettre en rapport avec ViÒ≈u. 1. Si, dans l’épopée primitive, le droit et la vertu étaient du côté de Duryodhana, et si dans l’actuelle, ses adversaires sont dépeints comme représentant http://www.utqueant.org - 7 - les conceptions brahmaniques, il est clair que seul un puissant bouleversement pouvait conduire à un tel résultat. On serait d’abord tenté de penser à une révolution dynastique et politique. Le KƒÒ≈a de l’ancien Mahæbhærata n’a rien à voir avec celui du Hariiva‡‹a; ni ses actions, ni son caractère ne correspondent. L’enfance de KƒÒ≈a, telle qu’elle est racontée dans les Puræ≈a et dans le Hariva‡‹a, nous le montre comme le héros divinisé d’un peuple de bergers inculte et sensuel; comme son frère Ræma et ses amis, il s’adonne à la bonne chère et aux femmes, au jeu et à la boisson; mais déjà le KƒÒ≈a de l’ancien Mahæbhærata n’a plus ces défauts, même ses ennemis ne lui reprochent, en dehors de sa basse naissance, que son manque de franchise, ses mensonges et ses trahisons. Le KƒÒ≈a de l’épopée s’est fondu avec un tout autre KƒÒ≈a, le héros d’un peuple puissant et victorieux, auquel les représentations mythologiques de l’ancien panthéon indien doivent s’adapter, bon gré mal gré. Il se peut bien aussi qu’une nouvelle dynastie puissante ait surgi, faisant remonter sa généalogie à Arjuna, et qu’elle ait donc mis KƒÒ≈a en avant en même temps que sa famille, aux dépens de ses adversaires. Toute dynastie cherche à se rattacher de quelque manière aux anciennes lignées épiques dominantes; « comme les peuples grecs se devaient d’avoir des représentants dans la guerre de Troie, de même les généalogies royales indiennes voulaient se rattacher à la guerre des Bhærata » (Benfey T., Kleine Schriften, I, p. 48). Il n’est pas inintéressant de constater comment les époques à moitié historiques se rattachent aux époques purement mythiques. Généralement on ne trouve de héros que dans les temps lointains, comme s’ils avaient été emportés ensuite par une grosse catastrophe; les lignées postérieures s’y rattachent d’une façon qui trahit la grossièreté du mensonge. Pourquoi donc Penthilos, qui conduit les Doriens vers l’est, doit-il être un fils naturel d’Oreste ? Parce que la légende savait que la lignée des Atrides était éteinte. La lignée légendaire des Fabiens s’était éteinte, la famille historique des Fabiens s’y rattache par l’histoire de la bataille de Crémère, dont seul un jeune Fabien a réchappé. De la même façon, la dynastie déjà presque historique de Janamejaya se rattache à la dynastie épique d’Arjuna non pas simplement parce que ParikÒit est le fils d’Abhimanyu et le père de Janamejaya, mais parce qu’après la mort d’Abhimanyu le fils mort-né d’Uttaræ a été ressuscité de manière surnaturelle par KƒÒ≈a. On rejoint ainsi la vieille tradition qui était persuadée que dans la grande bataille, toute la lignée des héros avait disparu. On éclaircira peut-être plus tard de quelle lignée dominante il s’agissait, qui se rattachait à Arjuna, justifiant ainsi une révision partisane du texte; quand nous connaîtrons mieux que maintenant l’histoire des familles royales indiennes et leurs rapports chronologiques et synchroniques, alors nous pourrons trouver une réponse à cette question. Mais il y faudra certainement pas mal de temps; nous avons encore peu de certitudes sur l’histoire ancienne de l’Inde; les indiens n’ont pas seulement négligé leur histoire, mais ils l’ont intentionnellement obscurcie et falsifiée. Un homme célèbre écrivait avec raison : « Toutes les http://www.utqueant.org - 8 - déformations historiques dues à nos savants et nos curés, sont des jeux d’enfants au regard de la falsification et de la déformation systématique de l’histoire entière par les brahmanes » (Bunsen, d’après Max Müller dans ses essais, III, p. 472, dans l’édition allemande). Mais des intérêts politiques ou dynastiques ne peuvent, à eux seuls, expliquer une falsification aussi singulière que celle qui se produit ici. La division politique du pays en de nombreux territoires indépendants, souvent ennemis les uns des autres, ne suffit pas à expliquer que l’on fabrique une telle falsification, systématique et laborieuse, souvent malhabile et inconséquente, ni à motiver une telle animosité envers les statures héroïques des temps anciens, telles qu’elles se sont manifestées dans la transformation du Mahæbhærata. Pour cela, chez un tel peuple en tout cas, un autre motif bien plus puissant doit en avoir été la cause: le fanatisme religieux. Car l’histoire indienne est avant tout une histoire religieuse, elle tourne autour des concepts et des questions de la métaphysique et nous donne une des preuves les plus frappantes de la force et de l’enracinement des besoins métaphysiques dans le cœur humain. Il est donc complètement erroné de se représenter les indiens comme trompés uniquement par leurs prêtres par intérêt personnel. Bien au contraire, alors que les brahmanes essayaient de proposer au peuple un pur panthéisme, tel qu’il s’exprimait avec une beauté inégalable dans les strophes d’une clarté limpide et profonde du huitième chant de la Bhagavadg∞tæ, alors qu’ils s’efforçaient de remplacer la mythologie par la philosophie, les gens se tournaient de préférence vers ›iva ou ViÒ≈u, ou vers des formes dégénérées du bouddhisme; les brahmanes devaient, pour regagner le terrain perdu, introduire dans leur système de nouvelles superstitions toujours plus nombreuses. Et, uploads/Litterature/ histoire-et-critique-du-mahabharata-holtzmann-1.pdf

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