Université de Montréal Histoire, fiction et mémoire dans l’œuvre de Boubacar Bo

Université de Montréal Histoire, fiction et mémoire dans l’œuvre de Boubacar Boris Diop Par Fodé Sarr Département de littératures de langue française Faculté d’études supérieures Thèse présentée à la Faculté d’études supérieures et postdoctorales en vue de l’obtention du grade de Ph. D en littératures de langue françaises avril 2010 © Fodé Sarr, 2010 Université de Montréal Faculté des études supérieures et postdoctorales Cette thèse intitulée: Histoire, fiction et mémoire dans l’œuvre de Boubacar Boris Diop Présentée par: Fodé Sarr a été évaluée (ou évalué) par un jury composé des personnes suivantes : Christiane Ndiaye, président-rapporteur Josias Semujanga, directeur de recherche Gilles Dupuis, membre du jury Micheal Rinn, examinateur externe Lagueux, Maurice, représentant du doyen de la FES i Résumé Cette thèse tente de réfléchir sur l’écriture de Boubacar Boris Diop. Les romans de cet écrivain doivent une grande part de leur originalité à la présence obsédante des discours de la mémoire et de l’histoire. Son esthétique s’inscrit dans une revisitation permanente des récits de l'historiographie. Cette écriture convoque le passé et l'investit comme matériau dans cette exploration des formes du roman. Une telle démarche scripturale semble être la pierre angulaire de cette fiction aux confluences desquelles se rencontrent et s'intègrent systématiquement, aussi bien les genres romanesques hétérogènes de l'oralité (contes, épopées, mythes...), que des disciplines non romanesques. Cette stratégie de construction romanesque traduit, au- delà d'une simple exploration formelle et innovatrice des possibles du roman, une esthétique de distanciation et d'hétérogénéité qui traverse en filigrane l'œuvre de Boubacar Boris Diop. Cette forme d’écriture singularise son esthétique et constitue une rupture épistémologique dans le champ littéraire africain, qui a été souvent caractérisé par des récits linéaires classiques. L’usage de ces discours de l’histoire et de la mémoire, dans l’esthétique romanesque de Boubacar Boris Diop, s’articule d’abord dans une démarche de renouvellement des habitudes dans le champ littéraire africain, et ouvre aussi cette «phase autoréférentielle» (Sob, 2007 : 8) du roman en inscrivant son discours dans la modernité. Ensuite, cette pratique scripturale se construit sur l’élaboration d’un style romanesque particulier, se déployant dans une mise en scène et une parodisation permanentes du fonctionnement et des modalités de l’écriture. Sur fond d’une ii déconstruction perpétuelle des procédés de composition romanesque, se dessinent les contours d’une esthétique qui promeut et institue l’ambivalence généralisée comme le mode principal de son déploiement. Une telle pratique intertextuelle permet à l’écriture romanesque de se construire en confrontant les discours officiels de l’historiographie en général et l’histoire africaine contemporaine en particulier. En légitimant la déconstruction systématique comme dispositif de la composition romanesque, l’écriture se place dans une dynamique de «soupçon» qui sous-tend l’esthétique romanesque de Boubacar Boris Diop. La présente étude a le dessein de répertorier et d'analyser d'abord l'intégration des discours de l'histoire et de la mémoire, dans leurs manifestations et configurations dans l'œuvre de Diop, et ensuite, d'étudier leurs modalités d'insertion et d'utilisation dans l’élaboration de la fiction. Il s'agira, dans un cadre intertextuel, de voir comment ces discours sont investis et retravaillés par la fiction et, au-delà, d’essayer de repérer les motifs et les modalités discursives qui gouvernent leur usage. Une telle approche nous permettra d’appréhender les dimensions significatives de cette démarche scripturale et de voir éventuellement, s’il existe une poétique de la mémoire chez Boubacar Boris Diop. Les différentes théories sur la fiction, la mémoire et le discours historiographique nous serviront de charpente théorique qui sous-tendra notre thèse. Mots-clés: Littérature francophone, critique, Diop, histoire, mémoire, fiction iii Abstract This thesis intends to reflect on the writing of Boubacar Boris Diop. The novels of this writer owe much of their originality to the haunting presence of the discourses of history, memory and narratives about the past. Revisiting the narratives of history and memory seems to be the cornerstone of this writing at the crossroads of which are systematically integrated different types of heterogeneous narrative genres of orality such as legends, epics, myths, non-fictional and non- novelistic disciplines such as historiographical discourse. This strategy of constructing fiction translates, beyond a formal and innovative exploration of the possibilities of the novel, an aesthetics of distance and heterogeneity which runs through Boubacar Boris Diop’s literary work. This literary posture is based on the deconstruction of the forms of traditional narrative which are replaced by a very polyphonic narrative enunciation. This literary approach distinguishes the aesthetical work of Boubacar Boris Diop and operates an epistemological rupture in the African literary field, characterized by traditional linear narratives. Moreover, the use of these discourses of history and memory falls, first and foremost, within the framework of a renewal of literary habits in the African literary field. It also opens this "self-referential phase" (Sob, 2007: 8) of the novel by relating its discourse and its content to modernity. Then, this scriptural approach is built on a particular novelistic style, unfolding in a staged and a permanent parodisation of the functioning and the modalities of fictional writing. iv Amid a constant deconstruction of the methods of the novel’s composition, is outlined a literary aesthetics which promotes ambivalence as the main mode of deployment which runs through the novel. This intertextual practice enables the fiction to construct itself by undoing the discourses of the past such as History and memory. In justifying the systematic deconstruction as a device for the fictional elaboration, Diop’s writing creates a dynamics of "suspicion" that underpins his writing. This study intends to identify and analyze, first and foremost, the integration of the notions of history and memory in the writing process of Diop. Then we will study their configurations and their methods of integration and use in the fiction. In an intertextual framework, we will see how these notions of memory and history are reinvested and reworked through the fiction, and then, we will try to identify the aesthetical and literary motives which govern their use. Such an approach will enable us to apprehend the relevant dimensions of this posture of writing and to see whether there is a poetics of memory through Boubacar Boris Diop’s writing. The different theories of fiction, memory and history will be the theoretical framework through which we will approach this work. Keywords: Francophone literature, critique, Diop, history, memory, fiction v Table des matières Introduction générale Chapitre I. Cadre théorique général : Roman, histoire et mémoire: contiguïté générique ou cloisonnement épistémologique 1.1. Introduction 1.2. Le roman et l’histoire 1.3. Roman et intertextualité 1.4. Entre histoire et mémoire 1.5. Le roman, l’histoire, la mémoire et la critique africaine 1.5.1. La fiction, relais de l’Histoire 1.5.2. Le roman versus l’Histoire 1.6. Conclusion Chapitre II. Murambi: le livre des ossements, l’indicible du génocide, entre fiction et histoire 2.1. Introduction 2.2. De l’indicible comme faille énonciative 2.2.1. De l’indicible linguistique et éthique 2.2.2. De l’indicible comme stratégie énonciative 2.3. De l’Histoire à la fiction 2.3.1. Mémoire plurielle et dimension testimoniale 2.3.2. Narration et effets de réel 2.3.3. Énonciation et statut des personnages 2.3.4. De l’histoire à la distanciation romanesque 2.4. L’indicible et les stratégies discursives 2.4.1. Stratégies de l’indicible et mise en abyme 2.4.2. Intergénéricité et écriture journalistique 2.5. Conclusion vi Chapitre III: Le cavalier et son ombre et la mémoire de l’oralité 3.1. Introduction 3.2 Du conte au roman: divergences énonciatives ou contigüité générique 3.2.1. Homologie entre le roman et le conte. 3.3. De l’énonciation du conte à sa déconstruction 3.3.1. La fiction versus le conte 3.3.2. Déconstruction du contexte performanciel 3.3.3. Le dire de la fiction 3.4. Du conte métaphorique 3.4.1. Relecture de l’histoire par la fiction 3.4.2. L’Histoire et le Cavalier 3.4.3. L’histoire du cavalier: Dieng Mbaalo, l’antihéros exemplaire 3.4.4. De l’énonciation du conte comme métaphorisation du fonctionnement de l’écriture : l’écrivain africain et son ombre. 3.4.5. Solitude du créateur 3.5. Conclusion Chapitre IV: Déconstruction de la mémoire coloniale dans Le Temps de Tamango et Kaveena 4.1. Introduction 4.2. Postures polémiques et enjeux postcoloniaux 4.2.1. La France et ses valets 4.2.2. L’Afrique des dictateurs 4.3. Enjeux mémoriels et idéologiques 4.3.1. Relecture critique de l’idéologie de la négritude 4.3.2. Tamango et sa reprise polémique 4.3.2.1. Tamango, de l’esclave à la figure héroïque 4.3.3. Thiaroye ou la reconstruction de la mémoire du temps colonial 4.4. L’écriture de la dissidence 4.4.1. Le paradoxe du refus et de la revendication littéraire 4.4.2. Prolepses et ruine de l’énonciation narrative 4.4.3. Narration posthume et scatologie dans Kaveena 4.4.4. De l’énonciation scatologique comme mode de dénonciation 4.5. Conclusion vii Chapitre V: Formes et enjeux de la mémoire dans Les traces de la meute et Les tambours de la mémoire 5.1. Introduction 5.2. Discours mémoriel et palimpseste mythique 5.2.1. Modalités de la représentance: de l’anamnèse à l’invention poétique 5.2.2. Palimpseste du mythe: entre mythe de fondation et mythe de l’Héroïne 5.2.3. Johanna ou le mythe d’une Jeanne d’Arc africaine 5.2.4. Le mythe de la fondation de Dunya 5.3. Le «Je» face à la meute: entre discours et contre-mémoire 5.3.1. Kaïré ou la déconstruction des énoncés collectifs 5.3.2. Du mythe au conte 5.3.3. La dérision comme forme d’insubordination 5.3.4. Fadel ou la mémoire poétique comme contre-mémoire 5.4. Ambivalence énonciative: polyphonie narrative et métadiscours critique uploads/Litterature/ histoire-et-fiction.pdf

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