Cahiers d'Extrême-Asie Clichés canoniques bouddhiques dans les légendes sur les

Cahiers d'Extrême-Asie Clichés canoniques bouddhiques dans les légendes sur les débuts du bouddhisme au Japon Hubert Durt Citer ce document / Cite this document : Durt Hubert. Clichés canoniques bouddhiques dans les légendes sur les débuts du bouddhisme au Japon. In: Cahiers d'Extrême-Asie, vol. 1, 1985. pp. 11-20; doi : https://doi.org/10.3406/asie.1985.856 https://www.persee.fr/doc/asie_0766-1177_1985_num_1_1_856 Fichier pdf généré le 06/02/2019 11 CLICHÉS CANONIQUES BOUDDHIQUES DANS LES LÉGENDES SUR LES DÉBUTS DU BOUDDHISME AU JAPON* HUBERT DURT Je souhaiterais présenter ici quelques résultats d'une étude menée avec des étudiants de l'Université d'Osaka sur certains des plus anciens textes racontant l'introduction du bouddhisme au Japon. Nos lectures de textes furent faites dans un esprit moins historique que — si l'on peut dire — littéraire: nous étions surtout à l'affût de traces, dans ces textes, d'influence des écritures bouddhiques. Avant tout, il nous fallait nous demander si une telle lecture "littéraire" était légitime. La meilleure manière de s'en assurer était de comparer les récits japonais avec des récits sur l'adoption du bouddhisme dans d'autres régions. Il en existe un grand nombre et, pour chaque pays, les versions sont loin d'être uniformes. Le récit le plus élaboré est peut-être la légende de l'introduction du bouddhisme à Sri Lanka. Sa version la plus connue est celle, versifiée, du Mahàvamsa,1 une histoire nationale composée par un moine bouddhique, Mahânâma. Le Mahàvamsa se présente à nous avec des caractéristiques d'ouvrage d'édification et d'ouvrage ecclésiastique. Sans nous étendre sur les raisons de ce fait, bornons-nous ici à remarquer que l'influence de la communauté bouddhique (Samgha) est évidente sur cette sorte d'épopée qu'est le Mahàvamsa. De telles œuvres narratives, produites par le Samgha et centrées sur le Samgha, incluant en outre une histoire du bouddhisme depuis son origine, semblent être monnaie courante dans l'historiographie traditionnelle en Asie du Sud-Est. Quoique dans mon séminaire à l'Université d'Osaka, il ait fallu se limiter à des textes écrits en chinois, il fut possible de ne pas laisser l'Asie du Sud-Est complètement en dehors du tableau. En effet, comme nous allons le voir, il existe dans le Canon bouddhique chinois (dans l'édition "Taishô Shinshû Daizôkyô" abrégée dorénavant en T.) une version en chinois de la conversion au bouddhisme de l'Ile de Lanka. Lé temps ne nous a pas permis d'introduire dans notre enquête des textes concernant l'introduction du bouddhisme en Asie centrale quoique le Canon bouddhique chinois ne soit pas dépourvu de données à ce sujet. Qu'on se reporte, par exemple, au texte sur la conversion du Khotan (Li-yul) , mieux connue dans sa version, d'ailleurs plus développée, en tibétain.2 La première année du séminaire à Osaka fut consacrée à une étude comparée * Version révisée d'une communication faite à la 5e conférence de l'Association internationale d'études bouddhiques à Oxford, le 21 août 1982. 1) Mahàvamsa, chap. XIV, éd. par W. Geiger, Pâli Text Society, London, 1908; trad, par W. Geiger et M.H. Bode, The Mahàvamsa or the Great Chronicle of Ceylon, nouvelle édition avec addendum par G.C. Mendis, P.T.S., 1964. 2) Voir R.E. Emmerick, Tibetan Texts concerning Khotan, London Oriental Series 19, London, 1969, et son appendice traitant de T. 2090 par E.N. Pulleyblank. 12 de textes relatant en chinois des épisodes de la conversion de Sri Lanka, de la Chine, de la Corée et du Japon. La deuxième année fut plus spécifiquement consacrée au Japon : à l'histoire des événements des premières décades de l'adoption du bouddhisme dans ce pays et à l'évolution du traitement historiographique- ancien de ces événements. Les textes qui firent l'objet de notre étude comparative sont les suivants : I. L'histoire de la conversion de Lanka, telle qu'elle apparaît dans la traduction chinoise (T. 1462) de la Samantapâsâdikâ, commentaire du Vinaya pâli.3 Ce récit repose sur la même tradition que le récit, mentionné plus haut, du Mahâvamsa. II. L'histoire de l'introduction du bouddhisme en Chine, que nous avons examinée à la lumière de l'étude classique d'Henri Maspero sur le sujet.4 III. L'histoire de l'adoption du bouddhisme dans les Trois Royaumes de Corée, spécialement dans le Royaume de Silla. Nous avons utilisé la compilation tardive (XIIIe siècle) du Samguk Tusa (T. 2039) 5 pour la comparer avec les données utiles du recueil des "Vies des moines éminents de Corée" (T. 2063), traduit et annoté par Peter Lee.6 Enfin, nous sommes arrivés aux récits japonais sur la pénétration du bouddhisme dans leur propre pays. La source principale, le Nihon Shoki B^HrifS ou Nihongi 0$fB,7 est bien connue en Occident grâce aux traductions de Florenz8 et d'Aston.9 C'est une histoire nationale à structure annalistique comme les Histoires dynastiques chinoises. Nous avons examiné aussi quelques chroniques ecclésiastiques au caractère plus bouddhique que le Nihon Shoki: I. lejôgu Shôtoku Hôô Teisetsu JiTETiltel^BE fâM (abrégé dans la suite en Teisetsu),10 une sorte d'aide-mémoire centré sur le Régent Shôtoku Taishi igU^^ (574-622), le personnage qui fut considéré comme le fondateur du bouddhisme japonais ; et IL, le Shôtoku Taishi Denryaku MWcfc^W M (abrégé dans la suite en Denryaku),11 une biographie populaire et très détaillée 3) Chapitre d'introduction (ftfà) du Chankien liupi-po-sha #&$£&& T. XXIV 1462 h 686cl8- m 689b22 correspondant au Bâhira nidàna vannanâ de la Samantapâsâdikâ, éd. par J. Takakusu, M. Nagai, P.T.S. 1924, vol. I, p. 71.4-p. 82.4. Traductions du pâli: N.A. Jayawickrama, The Inception of Discipline and the Vinaya Nidâna, Sacred Books of the Buddhists, London, 1962, pp. 63-72; et du chinois: P.V. Bapat, A. Hirakawa, Bhandarkar Oriental Series 10, Poona, 1970, pp. 50-60. 4) "Le songe et l'ambassade de l'empereur Ming: Etude critique des sources", Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient X, 1910, pp. 95-130. Voir aussi E. Zûrcher, The Buddhist Conquest of China, Leiden, 1959, vol. I, p. 20. 5) Extrait d'un texte perdu: Silla Pongi ffP*IB, T. XLIX 2039 in 987b2-c20. 6) Extr. de la biographie du moine Sôk Pôp-kong Wfe&, i.e. le roi Pôp-hûng ft^ {T. L 2065 i 1018c7-1019a25). Traduction: Lives of Eminent Korean Monks, The Haedong Kosùng chon, Harvard- Yenching Institute Studies XXV, 1959, pp. 58-61. 7) Nous utilisions l'édition commentée de la collection Iwanami Koten Bungaku Taikei ^M^ftzfc^ ±%, vol. 68, Tokyo, 1965. 8) "Japanische Annalen A.D. 592-697 = Nihongi, Buch XXII - XXX", Mitteilungen der deut- schen Gessellschaft fur Natur- und Vôlkerkunde Ostasiens, Tôkyô, 1903. 9) Nihongi, Chronicles of Japan from the Earliest Times to A.D. 697, publié en 1896; réimprimé, Rutland et Tôkyô, 1972. 10) Dai Nihon Bukkyô Z«nsho ±H#$fc£» (nouvelle édition, abr. DNBZ), vol. 71, n° 543. U) DNBZ, vol. 71,n°546. 13 du Régent Shôtoku. Les deux ouvrages subirent l'influence du Nihon Shoki, mais le Teisetsu, composé au Monastère Hôryuji ï£Hé# des environs de Nara, comprend également des éléments archaïques antérieurs à ceux provenant du JVihon Shoki. Je répète que notre ambition n'était pas du tout une tentative de reconstruction historique des événements. Nous souhaitions seulement détecter les influences bouddhiques dans tous ces récits. Il pouvait s'agir de référence à des points de doctrine aussi bien que d'apparition de thèmes mythologiques ou hagiographiques. Dans le domaine japonais, où notre étude fut la plus détaillée, il fut souvent possible de distinguer 1° un canevas historique ou historiographique, 2° des clichés apparemment d'origine japonaise, 3° des stéréotypes bouddhiques, qui apparaissaient sous deux formes : a. des citations, parfois textuelles, de sûtra, avec ou sans indication de source; b. des épisodes semblant empruntés à des écrits bouddhiques. Avant d'envisager ces récits japonais, deux observations générales doivent encore être faites : d'abord, le lecteur ne doit pas s'étonner de voir ces récits traiter presque exclusivement de figures haut-placées comme des rois, empereurs et tout particulièrement un prince régent. Une donnée commune à tous les pays pourvus d'une tradition historique nationale est l'élaboration d'une version officielle des événements qui conduisirent à l'adoption du bouddhisme. Ces versions officielles présentent toujours l'introduction du bouddhisme comme prenant son départ au sommet de la hiérarchie sociale : par les bons offices du roi ou de l'empereur. C'est le cas dans le récit de la rencontre entre Mahinda, prince devenu religieux, fils du roi Asoka, et Devânampiya Tissa, roi de Lanka, comme c'est aussi le cas dans les évocations du rêve de l'empereur Ming §5 de la dynastie Han il en Chine. Dans les relations de Pauto-sacrifice d'Ichadon ^^kM. en faveur du roi Pôp-hùng ï£|Sï de Silla et dans les relations, au Japon, des échecs et succès du bouddhisme à la cour avant et durant la régence du prince Shôtoku, nous retrouvons ce même schéma. Au Japon, il existe aussi une discrète tradition12 concernant des cultes bouddhiques importés par des immigrants du continent avant leur introduction "officielle" par l'ambassade envoyée par Sông Myông 31 5$ 3 souverain du royaume coréen de Paekche W^f. Cette tradition n'a heureusement pas été détruite, mais seulement recouverte par la version officielle des événements. Une deuxième observation préliminaire va répéter ce qui a déjà été dit à propos de l'Asie du Sud-Est. Dans la plupart des cas, les auteurs de récits officiels sur l'introduction du bouddhisme étaient des moines bouddhiques. Même si en Chine, en Corée, au Japon, il n'y a pas de versions officielles codifiées par le Sarngha, comme uploads/Litterature/ hubert-durt-cliches-canoniques-bouddhiques-cea-1.pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager