Meta Document généré le 31 mai 2017 09:31 Meta Intertextualité et traduction Ge
Meta Document généré le 31 mai 2017 09:31 Meta Intertextualité et traduction Geneviève Roux-Faucard Volume 51, numéro 1, Mars 2006 2 1 9 2 Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l’Université de Montréal ISSN 0026-0452 (imprimé) 1492-1421 (numérique) 2 1 9 2 Découvrir la revue Citer cet article Geneviève Roux-Faucard "Intertextualité et traduction." Meta 511 (2006): 98–118. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 2006 Meta LI, 1, 2006 Intertextualité et traduction geneviève roux-faucard Université de Paris III (ESIT), Paris, France genevieve.roux@free.fr RÉSUMÉ Le sens d’un texte ne se constitue pas uniquement dans sa relation à l’auteur et au lecteur (lecteur implicite, lecteur réel), mais aussi dans sa relation à d’autres textes. Rencontrées dans un texte à traduire, les traces intertextuelles (citations, allusions, références) posent un problème spécifique. Cette difficulté est particulièrement sensible lorsque le texte cité par l’original n’est pas familier à la culture d’accueil. Le traducteur peut se voir amené à intervenir par des pratiques explicitatives, risquant alors de modifier l’effet produit ou visé. Une autre solution consiste à privilégier la fonction du lien intertextuel ou à effectuer une adaptation. Par le jeu de l’intertextualité, chaque texte prend sa place à l’intérieur d’un vaste réseau. La seconde partie de l’article montre que le texte traduit y a, lui aussi, sa place, qui n’est pas la même que celle de son texte directeur. Le traducteur doit accepter cette donnée qui, loin de limiter la valeur d’une traduction, fait d’elle un texte vivant, autonome, et constitue peut-être la condition d’existence d’une « grande » traduction. Cette étude s’appuie sur différents exemples empruntés à la littérature allemande (Kafka, Fontane, Zweig), avec plusieurs traductions françaises et anglaises. ABSTRACT Intertextuality means that a text is not only related to the author and the reader, but also to other texts. It contains intertextual links, such as quotations, allusions and references, which are especially difficult to translate. By translating them literally, the meaning may be lost. The translator has to help the reader by providing explanations, notes and so on, but this can change the overall effect of the text. The problem is especially acute when the quoted text is not well-known in the target culture. One possible solution is to stress the function of the intertextual links; another is adaptation. Each text exists within a general network which is like a vast society of texts. In the second part of the article, it is shown that a translated text has its own place on the intertextual web, which can never be the same as that of the original. The translator must accept this reality, which turns a translation into a living work. Intertextuality and transla- tion enjoy a close and very fruitful relationship. This study is illustrated by several examples taken from German literature (Kafka, Fontane, Zweig) with various translations into French and English. MOTS-CLÉS/KEYWORDS allusion, citation, intertextualité, transfert culturel Parmi les outils critiques servant à l’analyse textuelle, l’intertextualité, définie par D. Maingueneau1 comme « ensemble de relations avec d’autres textes se manifestant à l’intérieur d’un texte », est une notion relativement récente, mais déjà couramment utilisée. Dès cette première définition, on conçoit en effet qu’elle soit indispensable à ceux qui ont mission de décrire et d’évaluer le texte : critique littéraire, historien de la littérature, théoricien de la création littéraire, analyste du discours. Mais qu’en est- intertextualité et traduction 99 il pour le lecteur et pour cette sorte particulière de lecteur qu’est le traducteur ? Avant de répondre, un bref rappel historique nous permettra de préciser les contours du sujet. Le mot et la notion d’intertextualité apparaissent au sein du groupe d’avant-garde Tel Quel. Philippe Sollers2 : « Tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la pro- fondeur. » Julia Kristeva3 : « Tout texte se construit comme mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte. » De l’aveu même de ces auteurs, la notion est née de l’idée de « polyphonie », développée par Bakhtine, dont l’œuvre fut écrite dans les années 1920, mais ne fut traduite et interprétée en France que vers la fin des années 1960. Au cours de la décennie suivante, la notion est rapidement reprise et diffusée. Elle fait l’objet d’un inventaire tous azimuts, où la matière transformée est tantôt discours idéologique (Barthes), tantôt contenu de l’inconscient (Kristeva), tantôt phraséologie (Riffaterre). Sur la scène de l’analyse textuelle, l’intertextualité prend alors toute la place disponible, en particulier au détriment de la notion d’auteur. Il n’y a pas de littérarité en dehors d’elle4 ; il n’y a pas non plus de texte en dehors d’elle5. Cette période est le lieu d’une dilatation extrême de la notion d’intertextualité : investigation nécessaire, mais qui ne pouvait se prolonger, car si tout est intertextualité, la notion risquait de devenir inutilisable. La troisième période est celle du resserrement. L’effort de définition fourni par G. Genette apporte une clarification qui, depuis, n’a cessé de faire l’objet d’un large consensus. Selon Genette, il convient de distinguer une intertextualité au sens étroit, définie par la « relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes », c’est-à-dire la « présence effective d’un texte dans un autre »6. Son repérage se base sur l’étude de passages courts dans lesquels un emprunt est identifiable ; on utilise les expressions « texte citant » pour le second texte et « texte cité » pour le texte préexistant, même si la « citation » n’est pas la seule forme d’emprunt possible. Incluant la notion précé- dente, il se présente, par ailleurs, une intertextualité au sens large pour laquelle Genette emploie le terme de « transtextualité », mais que la communauté a continué à nommer « intertextualité » : elle est « tout ce qui met [le texte] en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes »7. La mise en relation peut concerner l’œuvre entière et son sup- port peut se manifester sous forme d’unités discontinues, comme un motif narratif, une structure ou un style d’écriture. La question de la relation entre intertextualité et traduction a été réduite par Genette à une relation d’inclusion : parmi les divers types de relations intertextuelles au sens large figure la relation hypertextuelle qui unit deux textes tels que l’un (hyper- texte) est dérivé d’un autre (hypotexte) qui lui est antérieur. La traduction, d’après cette définition, est une forme d’hypertextualité, mais il en est bien d’autres. Pour les traductologues, les choses sont moins simples. Chez Berman, l’hyper- textualité est réinterprétée comme l’un des modes de la traduction, mode qu’il rejette au même titre que la traduction « ethnocentriste »8. Le rapport entre polyphonie et traduction a été très largement étudié par Barbara Folkart9, dans la double perspective de la traduction du discours rapporté et de la traduction comme discours rapporté. Cette double perspective sera aussi la nôtre ; cependant, le champ d’étude que nous proposons ici est plus restreint, puisque la définition de l’intertextualité nous limite au cas où le discours « rapporté » est un discours attesté à l’extérieur du texte qui le 100 Meta, LI, 1, 2006 convoque, et préexistant à lui. Par ailleurs, l’intertextualité fait appel à des techniques qui ne sont qu’en partie les mêmes que celles du discours rapporté. Enfin, si nous rejoignons cet auteur sur la conclusion de l’autonomie du texte traduit, nous cher- cherons à établir celle-ci moins en considérant les modalités de la ré-énonciation traductive qu’en analysant celles de la réception du texte traduit. I. Les enjeux de l’intertextualité Si tout texte comporte peu ou prou une composante intertextuelle, l’existence d’une pratique de réexpression du texte dans une autre langue doit forcément poser le pro- blème de la relation entre intertextualité et traduction. Mais il importe de montrer précisément, exemples à l’appui, quels aspects du texte original sont concernés par l’intertextualité. Il s’avèrera que l’intertextualité intervient très directement dans les différents paramètres constitutifs du sens et de l’effet, qui conditionnent le travail du traducteur. Les exemples utilisés seront principalement empruntés à la littérature alle- mande de la fin du xixe et du xxe siècle, avec des traductions françaises et anglaises. Tout d’abord, l’intertextualité donne accès à une partie de l’information qui peut ne pas s’exprimer autrement dans le texte. L’exemple d’Effi Briest, roman de Fontane paru en 1894, servira à le montrer. Effi Briest est une Emma Bovary prussienne, jeune et sensible, trop tôt et mal mariée à un équivalent de sous-préfet qui la sacrifie à sa carrière. Effi succombe aux tentatives de séduction du major Crampas, uploads/Litterature/ intertextualite-et-traduction.pdf
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- Publié le Dec 02, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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