Revue de l’histoire des religions 4 | 2007 Varia Le serpent guérisseur et l’ori
Revue de l’histoire des religions 4 | 2007 Varia Le serpent guérisseur et l’origine de la gnose ophite The healing serpent and the origin of Ophite Gnosticism Annarita Magri Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rhr/5351 DOI : 10.4000/rhr.5351 ISSN : 2105-2573 Éditeur Armand Colin Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2007 Pagination : 395-434 ISBN : 978-2200-92335-8 ISSN : 0035-1423 Référence électronique Annarita Magri, « Le serpent guérisseur et l’origine de la gnose ophite », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2007, mis en ligne le 01 décembre 2010, consulté le 19 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/rhr/5351 ; DOI : 10.4000/rhr.5351 Tous droits réservés Revue de l’histoire des religions, 224 - 4/2007, p. 395 à 434 ANNARITA MAGRI Université de Fribourg (Suisse) Le serpent guérisseur et l’origine de la gnose ophite La branche de la gnose ophite s’enracine probablement dans la secte des Pérates, qui se situe au milieu du IIe siècle de notre ère et dont parle l’Elenchos 5,12-18, ouvrage attribué a Hippolyte de Rome. Ce groupe est, avec les Naassènes, le seul à adorer le serpent, considéré comme la mani- festation du Logos. Cette équivalence Logos = serpent est tirée à son tour de l’exégèse de Nb. 21, 8-10 (le serpent d’airain). Cette étude s’efforce de retracer le noyau fondamental du récit des hérésiologues sur les Ophites et de le comparer à celui consacré aux Pérates ; parallèlement, il sera démontré que le IIe siècle est l’époque idéale pour y situer le début de l’ophitisme, car c’est à cette époque que l’image du serpent atteignit l’acmé de sa diffusion grâce aux cultes à mystères et, surtout, à la vénération pour Asclépios. Les Pérates eux-mêmes sont issus d’un mélange syncrétiste entre christianisme et culte d’Asclépios. The healing serpent and the origin of Ophite Gnosticism The branch of the Ophite gnosticism takes its origin likely with the sect of the Perates, which is dated around the half of the IInd century C.E. and which is described by Elenchos 5,12-18, a work attributed to Hippolytus of Rome. This group is, together with the Naassenes, the only one that actually adores the serpent, which is considered as the epiphany of the Logos. This equivalence Logos = serpent is taken from the exegetical interpretation of Num. 21, 8-10 (the bronze serpent). This study tries to recover the basic chore of the heresiologists’ reports about the Ophites and to compare it with the one concerning the Perates. It also shows that the IInd century was ideal for the beginning of the Ophite Gnosticism: in fact, during this period, the image of the serpent reached the peak of its diffusion, thanks to the mystery cults and to the adoration of Asclepius. The Perates, in fact, take origin from a syncretistical mix of Christianism and Asclepius’ cult. 396 ANNARITA MAGRI Zu meiner lieben deutschen Freundin Frau Annelies. Parmi les hérésies les plus surprenantes regroupées sous l’étiquette de gnostiques figure la branche des Ophites, censés honorer le serpent1. À première vue, il est étonnant qu’un groupe probablement influencé par la culture judéo-chrétienne pût vénérer un animal que celle-ci associait couramment à rien moins que le diable2, mais, à ma connaissance, personne ne s’est soucié de faire une analyse appro- fondie du contexte d’où pouvait découler une pareille valorisation3. Tel sera le propos de cette contribution : un travail de comparaison 1. Clément d’Alexandrie, Stromates 7,17,108, 2. 2. L’identification du serpent avec le diable procède évidemment de la scène de Gen. 3; Sg. 2,14 est le premier texte à la poser explicitement, mais il ne faut pas oublier les équivalences entre reptile et diable présupposées ensuite par les targumim, comme Targum Ps. Jonathan 3, 6 et 4,1. Sur la valeur du serpent dans la culture juive et chrétienne, voir, par exemple, Werner Foerster, « Ophis », dans Gerhard Kittel–Gerhard Friedrich édd., Grande Lessico del Nuovo Testamento (trad.it), vol. 9, Paideia, Brescia, 1974 (éd. originale allemande, Stuttgart, 1954), 23-66. 3. On ne regrettera jamais assez la disproportion entre l’imposante biblio- graphie sur les problèmes généraux du gnosticisme, comme l’origine de ce mouvement, et la pénurie d’études ciblées sur certaines hérésies. En fait, les titres concernant les Ophites sont assez réduits et réunissent de nombreux articles d’encyclopédies: voir, par exemple, Hans Leisegang, La Gnose (trad. fr.), Paris, Payot, 19712 (édition originale allemande 1924), 81-129 ; Günther Bornkamm, « Ophiten », dans Paulys Realencyclopädie der classischen Alter- tumswissenschaft (neue Bearbeitung von G. Wissowa), vol. 18,1, Stuttgart, 1939, 654-58 ; Andrew J. Welburn, « Reconstructing the Ophite diagram », Novum Testamentum 23 (1981), 261-287 ; Jean-Daniel Kaestli, « L’interprétation du serpent de Genèse 3 dans quelques textes gnostiques et la question de la gnose “Ophite” », dans Julien Ries et alii éd., Gnosticisme et monde hellénistique. Actes du Colloque de Louvain-la-Neuve (11-14 mars 1980) (Publications de l’Institut Orientaliste de Louvain 27), Louvain-la-Neuve, Université Catholique de Louvain-Institut Orientaliste, 1982, 116-30 ; Claudio Gianotto, « Ofiti- Naasseni », dans Angelo Di Berardino éd., Dizionario Patristico e di Antichità cristiane, vol. II, Casale Monferrato, Marietti, 1984, 2458-60 (cf. aussi l’édition française publiée par F. Vial dans le cadre du Cerf, Paris, 1990, vol. II, 1807-8) ; Deirdre J. Good, « Naassenes, Ophites », dans Everett Ferguson et alii éd., Encyclopaedia of Early Christianity, New York-Londre: Garland, 1990, 635-36 ; Antonio Orbe, « Apuntes sobre el pecado original gnóstico » et « El bautismo de Jesús entre los Ofitas y los Valentinianos », dans Estudios sobre la teología cristiana primitiva (Fuentes Patrísticas Estudios 1) Madrid-Rome, Ciudad Nueva-Pontificia Università Gregoriana, 1994, 271-85 et 441-90. LE SERPENT GUÉRISSEUR 397 historique entre l’ophitisme et la réalité socioculturelle de l’antiquité tardive peut amener à expliquer l’origine de ce phénomène religieux. LES SOURCES SUR LA GNOSE OPHITE Les hérésiologues nous ont livré plusieurs résumés sur la gnose ophite, parfois contradictoires entre eux, souvent répétitifs : le premier est celui tracé par Irénée de Lyon en Haer. I, 30,1-14. Un second, différent, en Haer. 1, 30,15, est une courte notice qui présente des gnostiques anonymes, mais clairement intéressés au serpent. Puis nous disposons d’un autre passage bref, Ps.Tertullien, Haer. 2,1-4, du long récit d’Épiphane, Haer. 37 et des résumés de Philastre, Haer. 1 et Théodoret, Haer. 1,14. Dans sa polémique avec Celse, Origène nous livre un long passage axé sur le célèbre « diagramme des Ophites », en Cels. 6, 24-38. Enfin, il y a surtout le Ve livre de l’Élenchos attribué à Hippolyte, tout entier consacré, selon les intentions de l’auteur, aux gnostiques adorateurs du serpent. Dans la réalité, les hérésies regroupées dans ce livre montrent une considé- ration très variable pour le reptile : dans cet article, on fera surtout mention des deux premiers groupes, les Naassènes (ib. 5, 7-11) et les Pérates (ib. 5,12-18), les seuls à manifester une véritable vénération pour cet animal. Les Naassènes, selon Élenchos 5, 7, dériveraient même leur nom de l’hébreu nahas, « serpent »4. LE POINT DE VUE DE JEAN-DANIEL KAESTLI Dans son précieux article sur l’ophitisme, Jean-Daniel Kaestli remarquait justement que, parmi tous ces candidats, les uniques, 4. Plusieurs écrits de Nag Hammadi, comme l’Origine du monde, l’Hypo- stase des Archontes et l’Apocryphe de Jean ont été soupçonnés d’appartenir à la branche ophite et Kaestli en tient compte dans son article : « L’interprétation du serpent de Genèse 3… ». Pour le moment je ne les prends pas en considéra- tion, en raison des nombreux problèmes posés par la bibliothèque de Nag Hammadi. Mais il est clair que les résultats de cette étude pourraient donner des pistes nouvelles aussi dans ce domaine. 398 ANNARITA MAGRI véritables « adorateurs » du serpent sont les Pérates et les Naassènes, et les Pérates plus encore que les Naassènes5. Dans les références à Gn. 3 des écrits de Nag Hammadi (Origine du monde, Hypostase des Archontes et Apocryphe de Jean), le savant identifiait une tendance « docétique » : le serpent y était donc habité temporairement par Sophia6 afin que les protoplastes puissent transgresser la prohibition imposée par le Démiurge ; mais cette identification temporaire avec Sophia n’a rien à voir avec une véritable vénération du serpent. Le chercheur inclut aussi dans cet horizon les témoignages d’Irénée et affirme : « … Plus un texte est marqué par l’influence du christianisme, plus la figure du serpent est nettement séparée de celle de l’instructrice divine de Gen. 3 et plus elle est clairement associée à l’origine du mal7. » Les uniques véritables adorateurs du serpent seraient ainsi, à côté des Naassènes, les Pérates. On aurait donc une première phase gnostique « a-chrétienne » de valorisation du serpent, suivie par une progressive christianisation des groupes et, en parallèle, « démoni- sation » du reptile. L’article de Kaestli est très important, en premier lieu parce qu’il isole les véritables adorateurs du serpent ; de plus, il souligne de façon très appropriée que l’importance de cette image parmi les Pérates est due à l’exégèse de l’épisode du serpent d’airain, en Nombres 21,8 et Jean 3,14. En deuxième lieu, il essaie de retracer un parcours cohérent uploads/Litterature/ magri-annarita-le-serpent-guerisseur-et-l-x27-origine-de-la-gnose-ophite.pdf
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- Publié le Sep 15, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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