C e manuel fournit un guide des méthodes et des techniques de base du journalis
C e manuel fournit un guide des méthodes et des techniques de base du journalisme d’investigation, et il comble consciemment une lacune dans la littérature de la profession. L’immense majorité des manuels d’investigation consacrent beaucoup de pages à la question d’où trouver l’information. Ils supposent qu’une fois qu’un journaliste trouve les informations qu’il ou elle cherche, il ou elle peut composer une histoire viable. Nous ne partageons pas cette présomption. Nous ne pensons pas que la question fondamentale soit de localiser l’information. Non, nous pensons que la tâche primordiale, c’est de raconter une histoire. Cette perspective mène à l’innovation méthodologique de ce manuel : Nous employons l’histoire narrative comme le ciment qui lie chaque étape du processus d’investigation, de la conception à la recherche, puis à l’écriture, au contrôle qualité et à la publication. Nous appelons cette technique « l’enquête par hypothèse », pour souligner qu’une histoire n’est qu’une hypothèse, jusqu’à ce qu’elle ait été vérifiée. En vérifiant ou en réfutant une hypothèse, un journaliste peut plus facilement voir quelle information il lui faut chercher, et comment l’interpréter. Un rédacteur ou un éditeur peut plus facilement évaluer la praticabilité et les coûts, ainsi que la progression du projet d’investigation. Pendant que la recherche progresse, le journaliste ou l’équipe organiseront leur données, et composeront des parties spécifiques de l’histoire finale. Ce processus, à son tour, facilitera le contrôle qualité, et permettra un aperçu plus exact du respect des aspects légaux et déontologiques du travail. À la fin du processus, le résultat sera une histoire qui peut se résumer en quelques phrases frappantes - donc, une histoire qui peut être promue auprès de son public, et dont le public se souviendra. L’enquête par hypothèse : manuel du journaliste d’investigation PAR MARK LEE HUNTER AVEC (PAR ORDRE APHABÉTIQUE) NILS HANSON, RANA SABBAGH, LUUK SENGERS, DREW SULLIVAN ET PIA THORDSEN PREFACE DE YOSRI FOUDA ADAPTATION FRANÇAISE DE M.L. HUNTER ET MYRIAM JAMILEH PÉRIGNON Ce projet a été entrepris avec le soutien de l’UNESCO. Les auteurs sont responsables quant au choix et à la présentation des faits et opinions exprimés, qui ne sont pas nécessairement ceux de l’UNESCO et ne l’engagent pas. Les appellations employées et la présentation du matériau dans ce livre n’impliquent pas l’expression d’une opinion quelconque de la part de l’UNESCO concernant le statut légal d’un pays, d’un territoire, d’un domaine ou d’une ville, ou de ses autorités ou concernant les limites de ses frontières. graphisme : Anne Barcat Nous ne prétendons pas avoir inventé l’enquête par hypothèse. Des méthodes semblables ont été employées par des conseils en affaires, par des chercheurs en sciences sociales, et même par la police. Notre contribution réside dans l’application de ces méthodes au travail proprement journalistique, et à la finalité du journalisme d’investigation – à savoir, réformer un monde qui, d’un côté, génère des souffrances inutiles, et qui, de l’autre côté, ignore des solutions disponibles pour amoindrir ses problèmes. Ce travail a été un long processus collectif. Rana Sabbagh et Pia Thordsen des Arab Reporters for Investigative Journalism, en ont été les catalyseurs. Elles ont conçu l’idée d’un manuel des processus d’enquête, et ont sollicité ma contribution. Pour moi, c’était le moment idéal, ainsi que la suite logique de mes précédents travaux, notamment une thèse de doctorat qui comparait les méthodes françaises et américaines d’enquête journalistique, sous la direction de Francis Balle. Cette thèse m’a conduit à une position d’enseignant à l’Institut français de Presse au sein de l’Université de Paris II/ Panthéon-Assas, où, pendant les dix dernières années, j’ai bénéficié simultanément de la compagnie de collègues généreux et engagés, et d’étudiants enthousiastes et talentueux. Ces deux groupes m’ont permis de tester et de peaufiner nombre des méthodes préconisées dans ce manuel à bien plus grande échelle que celle permise par les activités d’un journaliste individuel. En 2001, j’ai commencé ce que je pensai n’être qu’un sabbatique à l’INSEAD, l’école de gestion globale. Une position provisoire de chercheur a évolué vers un professorat adjoint, et, plus important, cela m’a permis de bénéficier de la brillance conceptuelle et de l’expérience de collègues comme Yves Doz, Ludo Van der Heyden, Kevin Kaiser, Soumitra Dutta et bien d’autres encore. Leur influence sur ce manuel est indirecte mais forte. Ils m’ont forcé à penser à un niveau plus abstrait aux pratiques des médias, et à considérer comment des processus peuvent être améliorés pour créer une plus grande valeur, y compris en matière de journalisme. En parallèle, tout comme mes co-auteurs, je pratiquais le reportage d’investigation en tant que professionnel. C’est également en 2001 que le Global Investigative Journalism Network, dont nous sommes tous des membres fondateurs et qui a été créé à l’initiative de Nils Mulvad (du Danish Institute for Computer-Assisted Reporting) et de Brant Houston (à l’époque directeur de l’association américaine Investigative Reporters and Editors), a organisé un forum extraor- dinaire pour l’échange des pratiques. En particulier, je me suis rendu compte que l’enquête par hypothèse, que j’ai formulé explicitement pour la première fois lors de notre congrès bi-annuel en 2005, faisait l’objet d’expériences dans plusieurs pays, simultanément et indépendamment - signe indubitable d’un développement majeur. Ce manuel a, dès sa mise en route, bénéficié directement du réseau (dont les Français, soit dit en passant, ont été quasiment absents depuis le début, au grand étonnement de tous les autres pays membres). Mon co-auteur principal, le Suédois Nils Hanson, a enseigné dans le réseau dès le début. Son nom apparaît en premier sur les chapitres où il a pris l’initiative dans la rédaction, notamment sur le contrôle qualité, qu’il a introduit dans la cellule d’investigation de la télévision nationale suédoise. Luuk Sengers (des Pays-Bas) a découvert que l’enquête par hypothèse pourvait être appliquée à la gestion de projet, répondant ainsi aux inquiétudes des rédacteurs en chef quant aux prétendus coûts démesurés des enquêtes. Flemming Svith (un Danois) a développé des outils informatiques simples et robustes pour organiser les investigations. Drew Sullivan (un expatrié américain aux Balkans) a codifié des méthodes d’enquête sur le crime organisé, qui peuvent être appliquées à beaucoup d’autres situations. Mais le plus important pour moi, et sans aucun doute, réside dans les réactions à la fois enthousiastes et critiques aux idées contenues dans ce manuel de la part des participants aux congrès du réseau. Elles m’ ont confirmé qu’il y avait un besoin et un désir pour ce projet. Le processus du développement collectif a été puissamment renforcé par la création du Centre for Investigative Journalism de Londres et de son université d’été annuelle. Plusieurs années durant, le fondateur du CIJ, Gavin McFadyen, et son équipe m’ont permis d’explorer de nouvelles manières d’enseigner la méthode décrite dans ce manuel. Enfin, les conférences de l’ARIJ en Arabie ont fourni l’occasion d’examiner la présentation des idées dans ce livre au fur et à mesure de sa composition, dans un contexte transculturel. Ce processus, tout comme l’ARIJ, a été soutenu par l’International Media Support et le Parlement danois. Le journalisme d’investigation, c’est un métier et un ensemble de compétences spécifiques. C’est également une famille. J’ai grandi dans cette famille, et j’ai eu le privilège de la voir grandir. Ce manuel est votre porte d’entrée. Mon souhait : que vous deveniez, en partie grâce à lui, un membre de la famille que nous pourrons honorer et admirer : pour votre professionnalisme, votre éthique et votre engagement. Mark Lee Hunter Paris – Amsterdam - Aarhüs – Amman – Londres – Lillehammer / Mai 2007 – Mai 2009 Préface : Investir dans le journalisme d’investigation PAR YOSRI FOUDA, GRAND REPORTER D’INVESTIGATION, AL JAZEERA Après le lancement d’Al Jazeera en 1996, j’ai rassemblé tout mon courage et j’ai approché la direction avec une proposition étrange : qu’on me laisse disparaître pendant des périodes de deux mois consécutifs en échange d’une intervention-investigation de 45 minutes tous les quinze jours. La norme à la télévision arabe, à l’époque, c’était qu’on vous autorisait à disparaître 45 minutes si vous promettiez de revenir avec du contenu pesant deux bons mois de recherche (j’exagère à peine). Comme on pouvait s’y attendre, ma proposition reçut un écho d’éclats de rire généreux, et je faillis entrer dans un iènième cycle de dépression professionnelle. Quelques mois plus tard cependant, Hamad Bin Thamer Al Thani, notre PDG, décida soudain de m’offrir la chance de produire un reportage pilote. Avec un budget proche de zéro, ce reportage pilote devait être préparé, filmé et édité là où je résidais – à Londres. L’anthrax m’est apparu comme un sujet digne d’intérêt. Indépendamment de l’intérêt évident, l’endroit serait facilement justifiable à la lumière des fuites récentes laissant entendre que le gouvernement britannique précédent avait facilité l’exportation d’un « équipement à double usage » dans l’Irak de Saddam Hussein. Selon les directives de l’ONU, il était illégal d’exporter vers l’Irak tout équipement civil susceptible d’être adapté à des fins militaires. Beaucoup trouvèrent que ce reportage pilote initiait (par rapport aux normes de l’époque), une véritable percée vers un concept arabe du journalisme d’investigation. À tel point qu’il fut, contre toute attente, diffusé et rediffusé plusieurs fois. À uploads/Litterature/ journalisme-d-x27-investigation.pdf
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- Publié le Aoû 28, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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