Koinè, langues communes et dialectes arabes Author(s): David Cohen Reviewed wor
Koinè, langues communes et dialectes arabes Author(s): David Cohen Reviewed work(s): Source: Arabica, T. 9, Fasc. 2 (May, 1962), pp. 119-144 Published by: BRILL Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4055324 . Accessed: 04/03/2012 03:45 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. BRILL is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Arabica. http://www.jstor.org KOINE, LANGUES COMMUNES ET DIALECTES ARABES PAR DAVID COHEN LE terme de koine, emprunte aux hellenistes, a acquis, depuis longtemps, droit de cite dans le domaine de la linguistique arabe. Son emploi ne va pas cependant sans quelques inconvenients. Le premier est dans le caractere vague, ((trouble > pour employer l'expression d'Antoine Meillet 1, de la notion meme qu'il nomme. S'agit-il de la grande langue qui envahit l'usage general en sup- plantant les particularismes dialectaux ? S'agit-il simplement d'un instrument second, d'usage occasionnel, superpose pour les besoins de l'intercomprehension aux parlers courants 2? Ou encore d'une creation artificielle, a des fins d'expression litteraire par exemple? La xoQvV grecque, tout en ne s'appliquant pas 'a une notion unique, reliait neanmoins sous le meme vocable, des realites connexes langue litteraire certes, mais qui n'etait qu'une forme epuree, elaboree, d'une langue commune, instrument de communication orale, dont les developpements devaient aboutir aux divers parlers vivants d'aujourd'hui. Mais entre la koine dans laquelle semblent avoir ete ecrits la poesie ancienne et le Coran et la <ekoine arabe)> definie comme langue commune parlee dont procederaient les dialectes 3, il n'y a pas 'a postuler sans autre analyse, une synonymie de fait, tandis qu'un rapport genetique eventuel reste du domaine de la pure hypothese. Et precisement un autre inconvenient du terme, c'est que l'analogie des faits grecs peut induire 'a 6tablir des rapports qui pour l'arabe sont loin d'apparaitre encore en toute clarte. Pour la koine poetico-coranique, les faits semblent maintenant s'organiser dans une doctrine coherente. On peut admettre qu'il s'agit du developpement, sur la base d'un dialecte de l'Arabie centrale ou orientale, d'une d(langue moyenne >, reservee aux i. Aper,u d'une histoire de la langue grecque, 2e ed., Paris, I920, P. I82. 2. Pour un tel usage actuel de l'arabe ((litteral >, voir R. BLACHERE, dans GLECS, VI, PP. 75-6. 3. C. A. FERGUSON, The arabic Koine, dans Language, XXXV (1959), pp. 6I6-30. On a parle egalement de (< koine militaire >>, de <<vielile koine citadine >>, etc. 120 D. COHEN [2] usages proprement litteraires. L'hypothese a paru s'imposer aux termes d'analyses diff6rentes conduites de faSon autonome: celle de Regis Blachere, basee directement sur la confrontation du Coran et de la poesie archalque et celle de Chaim Rabin qui a utilise les mate'riaux concernant les dialectes anciens contenus dans les traites des grammairiens arabes 1. Mais precisement, s'il en est ainsi, il semble bien que dans la peninsule arabe, et tout au moins avant les grands brassages de la conqufte, une telle koinAe differe fondamentalement de la xowv' grecque, en ce qu'elle ne semble pas avoir ete normalement parle'e. Regis Blachere evoque a son propos diverses analogies: langue speciale de la poesie berbere, melh4in magribin, idiome # composite)) et <( factice )> des poetes de l'Arabie centrale d'aujourd'hui 2. On pourrait y ajouter la langue de la litt6rature judeo-arabe, qui, au moins en Afrique du Nord, est entendue de tous les Juifs, mais dont personne ne se sert dans l'usage courant 3. Mais alors se pose un probleme d'analogie avec la xotv' grecque. Celle-ci ayant eA6 langue d'usage commun sur un vaste domaine, s'6tait differenciee en dialectes. En fait on pourrait meme la definir comme l'6tat linguistique que permet de reconstruire la comparaison des dialectes neo-helleniques 4. En est-il de meme pour l'arabe? Quel est le rapport entre la koine poetique coranique et les dialectes vivants ? Jusqu'a ces derniers temps, ce probleme essentiel n'avait pas fait l'objet d'un traitement coherent et approfondi. On le comprend sans peine: sa solution depend des realisations d'une dialecto- logie comparee encore dans l'enfance, et qui risque de ne se deve- lopper qu'avec lenteur tant que des domaines aussi importants que l'Egypte et le 'Iraq par exemple n'auront pas ete soumis a une exploration linguistique systematique. Pour l'instant nous ne dispo- I. R. BLACHERE, Introduction au Coran, Paris, 1947, PP. 156-69; Chaim RABIN, Ancient West-Arabian, London, 1951, PP. 3-4. Dans son Introduction a' l'dtude des langues semitiques, Paris, 1947, Henri FLEISCH avait reconnu l'identite de la koine poetico-coranique. De son c6t6 Harris BIRKELAND, Altarabische Pausalformen, Oslo, I940, avait soutenu le point de vue selon lequel la cArabiya devait etre consideree comme une sorte de langue arti- ficielle. 2. R. BLACHERE, Histoiye de la litteYature ayabe, I, Paris, 1952, p. 8o, qui fournit les references utiles. 3. Voir David COHEN, Les Juifs de Tunis, Etudes d'Ythnogyaphie traditi- onnelle. Introduction (Sous presse). 4. MEILLET, Aperyu, p. 179. [31 KOINt ET LANGUE ARABE I2I sons, en d6pit des titres parfois fallacieux de quelques grammaires, d'aucune description rigoureusement synchronique d'un parler bien delimite geographiquement de l'une de ces deux regions. Nous ne connaissons d'une maniere precise et detaillee ni le parler du Caire (le parler usuel et commun, et non la langue semi-litteraire des couches cultivees), ni un parler de Bagdad 1. Neanmoins, des hypotheses, necessaires pour l'avancement des etudes, ont ete faites, parfois d'ailleurs de maniere implicite, souvent de faSon allusive et vague, en dehors de toute analyse linguistique concrete. On ne soutient guere, du moins pour ce qui concerne les parlers des populations sedentaires, l'idee de filiations directes et exclusives avec les dialectes anciens. Meme pour les parlers de bedouins, des etudes comme celles de Jean Cantineau sur les nomades du desert arabo-syrien, ont montre que parfois les differences linguistiques impliquent un brassage et une redistribution telles qu'il serait probablement vain de rechercher les traces des anciennes divisions dialectales 2. Les parlers de nomades n'en sont pas moins cependant ceux pour lesquels on postule le plus aisement certaines continuites. Les rapports avec la koine poetique ne poseraient donc pas dans leur cas de problemes nouveaux. Ils sont, compte tenu des evolutions particulieres, ceux-la meme qu'on pense apercevoir pour les dia- lectes anciens. En ce qui concerne les parlers de citadins, s'il est possible, pour des traits precis mais le plus souvent isoles, de soup- conner quelque rapport entre tel parler ou groupe de parlers modernes et tel dialecte ancien dans lequel les grammairiens avaient releve une meme particularite, aucune parente globale n'a pu etre etablie jusqu'ici 3. Au demeurant, les circonstances de l'expansion militaire de l'Islam et de la propagation de l'arabe qui en a ete la consequence, n'autorisent qu'en de tres rares cas a attendre da- vantage de la recherche. Dans l'ensemble, l'integration des tribus I. Voir a ce sujet les observations de Louis MASSIGNON, dans BIFAO, XI (1912) et celles de J. CANTINEAU, dans BSL, XLIX (I953), 2, P. 142. Sur le Caire, D. COHEN, dans BSL, LV (I960), 2, P. 232. 2. J. CANTINEAU, dans AIEO, III (I937), Pp. 236-7. 3. Voir G.-S. COLIN, dans Cent-cinquantenaire de l'1Ecole des Langues Orientales vivantes, Paris 1948, p. 96. I22 D. COHEN [4 dans les camps militaires fut assez poussee 1 pour justifier que l'on parte, dans l'etude, d'hypotheses unitaires 2. En fait des le debut des etudes dialectales, on avait releve certains traits caract6ristiques des parlers de sedentaires, dont 1'extension pouvait difficilement etre tenue pour fortuite: realisation sourde du qaf par exemple, par opposition a la realisation sonore qu'on lui connaissait dans les dialectes de bedouins. Ceux-ci etant supposes essentiellement conservateurs, il etait naturel que des faits propres aux sedentaires fussent interpret's dans 1'ensemble comme des innovations communes impliquant un stade commun auquel les parlers de nomades n'avaient pas eu de part 3. Et c'est ici que s'est impose a nouveau le terme de koine, dans un autre sens. Les theories concernant cette seconde koine sont diverses. Pour Vollers, la langue classique etait fondee sur un usage po'tique des dialectes du Nagd et du Yamama. Mais la langue dominante dans le reste de l'Arabie, langue dans laquelle d'abord fut articulee la predication coranique, etait toute differente. C'e'tait une Volkssprache 'a cote de la Schriftssprache des poetes, et d'elle procedent tous les dialectes hadari aujourd'hui en usage 4. I1 s'agit donc au depart de bases independantes. Une theorie plus repandue cependant met generalement en rapport de filiation directe cette autre koine, celle des dialectes, et la premiere, celle des poetes. En fait l'une serait sortie de l'autre dans les conditions historiques qui auraient prevalu pendant et apres la formation de l'Empire. Pour Harris Birkeland par exemple, si l'arabe classique est une koine litteraire intertribale, c'est peut- etre un stade ulterieur de cette koine' qui forme (( the common i. Malgre des segregations tribales durables qui ont alimente uploads/Litterature/ koine-langues-communes-et-dialectes-arabes.pdf
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- Publié le Mai 06, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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