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1 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier D’Urfé © SCÉRÉN-CNDP, 2009. L’Astrée, roman baroque : lecture de la première partie de L’Astrée Par Marie-Claude Mioche. Cette séquence, destinée à une classe de première, correspond à l’objet d’étude : « Un mouvement littéraire et artistique européen entre le XVIe et le XVIIe siècle » : le baroque. Introduction Lieu de contradictions et d’assemblages insolites, L’Astrée puise sa source dans le genre pastoral, dans le roman héroïque, dans la culture humaniste de l’auteur et dans sa vie. Œuvre somme et œuvre source, « étroit goulet par où tout l’ancien se déverse, se reverse dans tout le moderne » [1], L’Astrée est à plus d’un titre un roman baroque. Honoré d’Urfé entreprit la rédaction de L’Astrée en 1580 et la poursuivit jusqu’à sa mort en 1626. Balthazar Baro, son secrétaire, lui donna une fin, publiée en 1628. Ce roman s’inscrit donc dans la période baroque. Contemporain du climat d’incertitudes politiques et d’inquiétudes métaphysiques qui caractérisent cette période, il peut être lu comme une traduction ou une compensation du sentiment d’instabilité et de mobilité permanentes qui hante alors les consciences. L’ensemble de L’Astrée, « roman des romans » (5 parties de 12 livres chacune, 5 000 pages, 293 personnages et 40 histoires), est incompatible avec un travail scolaire. Il faut aussi prendre en compte les obstacles linguistiques et culturels. On peut cependant, au travers d’une lecture de la première partie, montrer le caractère érudit, ludique et novateur de L’Astrée qui séduisit un large public européen et constitua un manuel de civilité pour la préciosité et une référence pour la peinture des sentiments et du paysage. La dernière édition complète de L’Astrée est celle de Vaganay (1922). Il n’y a pas encore d’édition critique [2]. L’édition Jean Lafond (Paris, Gallimard, coll. « Folio Classique », 1984 ; 2de édition, poche, 2007) contient in extenso les livres 1 et 12 de la première partie et des résumés explicites : il sert de support à la séquence. Le texte complet de la première partie de L’Astrée est accessible sur Internet [3]. 2 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier D’Urfé © SCÉRÉN-CNDP, 2009. La séquence s’organise selon quatre axes : 1- Une forme romanesque complexe. 2- Des thèmes baroques : l’inconstance, la mélancolie, la mort, l’illusion. 3- Des motifs mythologiques et symboliques. 4- Un paysage réel et symbolique. Recherches initiales et activités d’accompagnement Un résumé de l’œuvre (intrigue principale). Le mouvement baroque et ses manifestations artistiques. La complexité éditoriale de L’Astrée [4]. Une biographie d’Honoré d’Urfé. Un voyage en Forez et une visite de la Bâtie d’Urfé où l’auteur vécut son enfance permettent de mesurer la façon dont l’imaginaire transpose et utilise les données du réel [5]. Séance d’introduction : lecture suivie de l’incipit du roman (p. 35-41) L’écriture Une lecture à voix haute permet de prendre conscience de la prose, souple et cadencée. La théâtralité Après une longue didascalie initiale, l’entrée dans l’action se « in medias res ». Propos et gestuelle de la colère pour Astrée et du désespoir pour Céladon sont théâtralisés et dessinent des caractères nettement individualisés. La mise en scène de la nature et du paysage Description organisée du « Forez-Arcadie ». Le tourment hyperbolique des amants est accompagné par le flot tumultueux du Lignon sur la rive duquel se déroule la scène de leur dispute. Présence de l’eau Courante et incertaine, l’eau anime la description du Forez-Arcadie immobile et protégé. Les épithètes du Lignon « vagabond, douteux, serpentant, tortueux » laissent entrevoir l’inconstance au cœur de la constance, la séduisante et dangereuse liberté du désir au cœur d’une stabilité édénique : « […] rien n’est constant que l’inconstance, durable même en son changement » (p. 36). 3 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier D’Urfé © SCÉRÉN-CNDP, 2009. L’amour inconstant L’amour est un tyran. Les bergers amoureux sont voués à la mélancolie. Trahisons, ruses, artifices, déguisement, dissimulation sont, dès le départ, la condition même de l’amour pour Astrée et Céladon : les deux bergers, héros de L’Astrée, se trouvent ainsi mis en danger et en instabilité, soumis à la fortune qui prend le visage de l’amour (La « roue d’amour », p. 77). La mort L’Astrée commence par la « mort » de Céladon ; Tircis pleure la mort de Cléon. Lecture de la gravure de la première scène de L’Astrée Premier roman pastoral à bénéficier d’une véritable illustration, en 1632. Mouvement des personnages et représentation du cadre champêtre. Éléments narratifs associés, étude des plans. Préparer Une lecture à voix haute des premières pages du roman. Quelle est la situation de l’action ? Quels en sont les personnages ? Quels thèmes sont développés par l’incipit ? Séance 2 : lecture du passage évoquant Céladon recueilli par les nymphes (« Cependant les bergers […] il le fût assez de lui-même », p. 43-45) Thème de la mort, alliance des contraires, intertextualité La quête tragique Expression du mouvement. Quête vaine ; paysage violenté ; détail du chapeau. Volonté explicative, mais ouverture fantastique : Céladon est « ailleurs ». L’expression du merveilleux « Entre la mort et la vie » ouvre un espace hors du monde. L’expression impersonnelle « il arriva » accentue le merveilleux. « Trois belles nymphes » suscite un imaginaire mythologique. Les nymphes sont des divinités de la nature, à la fois séductrices et farouchement pudiques. Les regarder peut conduire à la mort ou à quelque métamorphose (cf. Actéon). 4 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier D’Urfé © SCÉRÉN-CNDP, 2009. Le nombre « trois » rappelle les trois Parques, les trois déesses du jugement de Pâris… La description des nymphes est la transcription d’un tableau : précision des objets, des formes, des matières ; codes vestimentaires antiques, luxe de la Renaissance. Le corps apparaît par le biais du vêtement qui le dénude et l’habille à la fois (la manche conduit à la main, la robe conduit à la hanche…). La sémantique est celle de l’érotisme. « avec quelque dessein… » : les nymphes sont-elles hostiles, amicales ? Leur propos semble indiquer qu’elles ne sont pas là par hasard. Le miroir, motif baroque, semble donner aux nymphes un statut de magiciennes. Dans Orphée de Cocteau, les miroirs sont le lieu de passage vers la mort. Le miroir reflet et illusion est le lieu de l’ambiguïté. Les nymphes sont les naïves victimes d’une supercherie dont l’explication sera donnée plus tard dans le roman [6]. Du topos de la rencontre du bel endormi à la description réaliste Le sommeil et la mort sont liés dans les contes tels Blanche Neige, La Belle au bois dormant. L’humanisation des nymphes commencée par le dialogue se poursuit par les gestes. Le point de vue omniscient marque une volonté explicative (« parce qu’elle croyait, car il avait »…) mais nous découvrons Céladon par le regard de Galathée. Céladon est décrit de façon réaliste : attitude générale, visage, corps ; le dernier détail est le ventre, partie peu noble de l’individu. Céladon devient un cadavre : expression de l’abandon, puis du visage souillé, la pâleur, puis le corps désarticulé, gonflé. Documents complémentaires pour une mise en évidence de l’intertextualité du passage Géorgiques, livre IV : la quête d’Orphée. Odyssée, chant VI : Ulysse recueilli par Nausicaa. Le Printemps de Botticelli. Préparer Rechercher ce que sont les nymphes. Identifier les registres, les motifs ou thèmes baroques. Séance 3 : Étude d’ensemble Complexité et modernité du roman Analyse d’un tableau des éléments repérables de la première partie (annexe 5) 5 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier D’Urfé © SCÉRÉN-CNDP, 2009. 1/ Dans L’Astrée, domine le discours, le dialogue (d’où sa théâtralité) : - la parole fonde l’existence sociale, - elle fait entrer dans l’intimité, l’histoire, la vision du monde des personnages, - lettres et poèmes donnent accès aux sentiments et à l’intériorité des personnages. 2/ La polyphonie narrative : le narrateur omniscient laisse la parole à des narrateurs relais, narrateurs parfois de leur propre histoire. À partir des résumés des livres 2-11, noter les différents narrateurs. Combien de narrateurs pour l’histoire de Lydias et Mélandre ? (livre 12) Les récits élargissent le temps (analepses). Le temps dans L’Astrée est à la fois historique (mention de Mérovée et Childéric) et anhistorique (mythique) : - passé récent des personnages (péripéties amoureuses) : histoire d’Astrée et de Céladon, histoire de Galathée, de Diane, de Silvandre, d’Hylas ; - ascendance (passé plus lointain mais historique) : histoire d’Alcippe, histoire de Célion et Bélinde. Ces récits ont aussi valeur d’exemple ; - légendes fondatrices : origines du Forez, présence de la Fontaine de la Vérité d’Amour. Les récits rapportés élargissent l’espace, le rendent complexe, à la fois réel et merveilleux. L’histoire de Lydias et Mélandre se déroule en Neustrie et en Grande-Bretagne. Elle interfère avec celle des chevaliers foréziens partis combattre auprès de Mérovée. La réalité topographique du Forez cache la mythique fontaine de la vérité d’amour. 3/ La prolifération des personnages Faire la liste des personnages, les répartir selon leur origine sociale : bergers du Forez, nobles uploads/Litterature/ l-astree-roman-baroque.pdf
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- Publié le Dec 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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