L'élève est une personne Paroles d'experts Chantier d’écriture réflexive– modul
L'élève est une personne Paroles d'experts Chantier d’écriture réflexive– module 6 C.E.S.P. Hainaut, 2016 / 2017 Christian Watthez L'élève est une personne Dans une école centrée sur la transmission de contenus discipli- naires, ce sont ces seuls contenus qui guident l'organisation du temps de la classe. L'horaire de la semaine est "simplement" découpé selon les disciplines qu'on y enseigne : les heures de classe s'égrènent ainsi au fil des diffé- rentes périodes de "calcul mental", "conjugaison", "lecture", "grandeurs", "his- toire", "problèmes", "géométrie", "religion", "géographie"... et font ressembler la semaine d'école à une commode à 28 tiroirs. Découper le temps de l'école en suivant d'abord les pointillés d'un quadrillage dis- ciplinaire, cela semble une évidence somme toutes logique. L'école n'a-t-elle pas toujours été organisée comme cela ? Mais l’enfant qui apprend, y trouve-t-il sa place ? Lorsqu’on les interroge, beaucoup d’enfants déclarent subir l’école et s’y ennuyer. Elle leur semble un autre monde, étrangère à leur quotidien. Et si c’était parce qu’ils n’y existent pas, en tant que personne ? Questionner ses pratiques Comment, en tant qu'enseignant, permettre à chaque enfant d'habiter personnel- lement son métier d'élève ? Comment organiser le travail pour l'inviter à poser des choix qui lui appartiennent, qui l'engagent et le responsabilisent ? Et faut-il aussi personnaliser l'évaluation ? ... Telles sont quelques-unes des questions que nous nous sommes posées à l'entame de ce chantier d'écriture réflexive. Elles ont constitué le point de départ d'un travail de questionnement de nos pratiques et, ce faisant, en ont suscité d'autres. Paroles d'experts Nos questions, nous les avons soumises à un panel d'experts qui ont accepté de prendre du temps pour y apporter leurs propres réponses : o Sylvain Connac o Claire Héber-Suffrin o Eveline Charmeux o Jean-Michel Zakhartchouk o Maëliss Rousseau o Stéphanie Fontdecaba o François Le Ménahèze o Bruce Demaugé-Bost o Yves Khordoc Voici leur éclairage. Nul n'aime tourner à vide, agir en robot, c'est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas. Célestin Freinet, invariant pédagogique n°8 L'élève est une personne - Chantier d’écriture réflexive, module 6 – C.E.S.P. Hainaut, 2016/2017 L'élève est une personne - Nos questions - Page 1 sur 2 1. Comment définiriez-vous le fait de personnaliser les apprentissages ? S'agit- il de proposer un enseignement sur mesure ou à la carte pour chacun ? En quoi la personnalisation des apprentissages est-elle différente de l'individualisation ? 2. Personnaliser les apprentissages, est-ce possible quand on se trouve face à une classe nombreuse ? 3. Beaucoup d'enfants subissent l'école et exercent leur métier d'élève sans s'y engager vraiment, en se cantonnant dans une posture d'exécutant plus ou moins soumis (ou d'agent, selon les termes de Jacques Ardoino). Comment les amener à s'investir pleinement dans ce qu'ils apprennent, à devenir davantage "auteurs" de leurs apprentissages ? 4. Certains enfants arrivent à l'école porteurs d'un vécu personnel et familial riche : leur laisser un espace de réalisation personnelle semble couler de source ... Mais d'autres n'ont pas cette chance. Personnaliser les apprentissages, est-ce pertinent également pour eux ? Ne risque-t-on pas de creuser l'écart entre les premiers et les seconds ? 5. Personnaliser les apprentissages ne devrait-il pas conduire à personnaliser aussi l'évaluation ? 6. Tout apprentissage étant, par définition, une (re)construction personnelle par celui qui apprend, pourquoi la personnalisation des apprentissages est- elle si peu présente dans les classes ? Selon vous, quels sont les freins à lever (... les obstacles à franchir, les deuils à faire) pour lui accorder plus de place à l'école ? 7. Transformer ses propres pratiques pédagogiques pour évoluer vers plus de personnalisation des apprentissages, est-ce possible petit à petit, pas à pas ? ... Ou cela implique-t-il un changement plus radical, consistant à revisiter complètement notre façon d'enseigner ? En d'autres termes, une évolution est-elle possible ou faut-il une révolution ? L'élève est une personne Nos questions L'élève est une personne - Chantier d’écriture réflexive, module 6 – C.E.S.P. Hainaut, 2016/2017 L'élève est une personne - Nos questions - Page 2 sur 2 8. Comment inscrire la personnalisation dans le temps de la journée ou de la semaine de classe ? Dans quelles proportions ? 9. Quel(s) souvenir(s) personnel(s) avez-vous gardé(s) des apprentissages réalisés à l'école ? Aviez-vous le sentiment d'être reconnu(e) en tant que personne dans l'exercice de votre métier d'élève ? Cela explique-t-il votre engagement pédagogique actuel ? 10. Partant de votre expérience, si vous ne deviez donner qu'un seul conseil aux enseignants afin de les engager à personnaliser davantage les apprentissages qu'ils proposent à leurs élèves, quel serait-il ? L'élève est une personne - Chantier d’écriture réflexive, module 6 – C.E.S.P. Hainaut, 2016/2017 L'élève est une personne - Sylvain Connac répond à nos questions - Page 1 sur 9 Sylvain Connac est Professeur des écoles, Docteur en Sciences de l’Education, Chargé de cours à l'Université de Montpellier. Collaborateur des Cahiers Pédagogiques, il est l'auteur de nombreux textes sur les pédagogies coopératives et la personnalisation des apprentissages, dont deux ouvrages portant ces titres et parus aux éditions ESF. 1. Comment définiriez-vous le fait de personnaliser les apprentissages ? S'agit- il de proposer un enseignement sur mesure ou à la carte pour chacun ? En quoi la personnalisation des apprentissages est-elle différente de l'individualisation ? Je pense qu’au début, il convient de distinguer la notion d’individu de celle de personne. Individu se définit par l’étymologie comme ce qui constitue un corps indivisible, sous peine de perdre les propriétés qui constituent son unicité. L’individu, c’est l’ensemble qui fait un. Il s’applique à tout être formant une unité reconnaissable. L’individu est donc la plus petite unité d’un ensemble. Ce serait la raison pour laquelle un « individu » serait trivialement utilisé pour désigner quelqu’un avec qui on ne souhaite pas établir de relation (« Un illustre individu », « Un triste individu »). C’est ainsi qu’un individu est une personne, mais reconnu comme dénué d’intérêt et de relations. En modernité, la dimension individuelle est celle qui permet à l’être humain de se comprendre comme ne s’agrégeant pas d’abord à un groupe, une tribu, une communauté : l’individu est un être qui peut choisir son existence et s’affirmer à travers des choix de vie qui lui sont propres. Cette prise de conscience donne alors accès à un processus d’autonomisation et de responsabilisation d’un être se concevant comme pouvant décider de ses choix. Personne vient du latin persona terme désignant le « masque de théâtre, » ouvert à l’emplacement de la bouche et à travers lequel pouvait passer la voix individuelle de l’acteur et ainsi per-sonare ou « sonner à travers » (Arendt, 2009, p. 51), d’où l’appellation de « personnage. » On trouve la même idée avec le terme de prosôpon chez les Grecs. A ce niveau, la personne correspond donc à la manifestation de l’individu dans la société. En même temps, ce mot identifiait une identité juridique, acception encore valable de nos jours. Avec la personne est mise en avant la part humaine de l’individu. En ce sens, Louis Not explique clairement que la personne est un L'élève est une personne Sylvain Connac répond à nos questions L'élève est une personne - Chantier d’écriture réflexive, module 6 – C.E.S.P. Hainaut, 2016/2017 L'élève est une personne - Sylvain Connac répond à nos questions - Page 2 sur 9 être "unique" (critère d’unicité), sous-entendu original (Not, 1988, p. 17). Elle est en même temps "une" (critère d’unité) c’est-à-dire une totalité unifiée. Il rajoute immédiatement après la dimension d’ouverture à autrui. La personne est un être en relation, ce qui fonde la socialité humaine. En somme, ce qu’il désigne comme personne, c’est l’homme (et la femme) parmi les hommes et l’homme pour lui-même. Individualiser, c’est donner à chaque élève un travail qui lui correspond. Cela peut être le même travail pour tous (il s’agit alors de travail individuel), un travail donné à lui tout seul (on parle de travail isolé) ou un travail adapté à ses potentialités, et différent pour chacun (on dit qu’il s’agit d’un travail individualisé – Cf. fichiers individualisés et autocorrectifs). Personnaliser les apprentissages, c’est trouver un équilibre entre l’individuel et l’interactif. Dans une classe, c’est alterner des moments de travail collectif avec des situations de travail personnel, où les élèves effectuent des tâches qui leur parlent, avec la liberté de collaborer avec des camarades. 2. Personnaliser les apprentissages, est-ce possible quand on se trouve face à une classe nombreuse ? En plus d’être possible (avec la condition de renverser un certain nombre d’habitudes pédagogiques), c’est surtout nécessaire au sein d’une classe nombreuse. Principalement, par que plus il y a d’élèves, plus l’hétérogénéité a des chances d’être grande. Que serait alors ne pas personnaliser ? - Proposer une pédagogie systématiquement magistrale et uniforme. Je n’en écris pas plus, on en connait les bienfaits et les limites (surtout concernant l’accroissement des inégalités) - Organiser de la seule individualisation. Plusieurs limites sont connues sur les seules démarches d’individualisation des apprentissages. En effet, contrairement à ses intentions, rien ne prouve qu’elles profitent aux élèves uploads/Litterature/ l-e-le-ve-est-une-personne-pa-ggvffchygfedrrroles-d-experts 1 .pdf
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- Publié le Mar 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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