Lʼaffaire Florence Cassez à travers les médias Analyse du traitement médiatique

Lʼaffaire Florence Cassez à travers les médias Analyse du traitement médiatique de l’affaire en France et au Mexique Présenté par Elsa BARREDA RUIZ Sous la direction de Monsieur Fabrice d’ALMEIDA Soutenu en septembre 2014 à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2) Mémoire Master 2 Recherche Médias et mondialisation 2 3 « Les peuples n’inventent pas leurs dieux, ils divinisent leurs victimes »1 1 René Girard. Je vois Satan tomber comme l’éclair. Grasset 1999 4 5 Sommaire INTRODUCTION 7 CHAPITRE 1. LES MEDIAS ET LES AFFAIRES CRIMINELLES 11 CHAPITRE 2 LA MEDIATISATION DE L’AFFAIRE FLORENCE CASSEZ 29 CHAPITRE 3 : L’AFFAIRE FLORENCE CASSEZ A TRAVERS LES MEDIAS 55 CONCLUSIONS 81 BIBLIOGRAPHIE 85 ANNEXES 89 TABLE DE MATIERES 106 6 7 Introduction Le matin du 9 décembre 2005, les chaînes de télévision mexicaines transmettent en direct l’arrestation par la police d’investigation d’un couple de criminels et le rachat de trois victimes d’enlèvement. Il s’agit des soupçonnés leaders d’un gang de kidnappeurs et ses otages. Les détenues, une femme française et un homme mexicain, sont interrogées par les journalistes. Visiblement apeurée et confondue, elle dit ne pas savoir rien sur ce qu’on l’accuse. Lui, il réponde quelques généralités sur le délit avec réticence, visiblement obligé à parler par les policiers à ses côtés qui lui tiennent par le cou. Deux mois plus tard, encore en direct dans un programme à la télévision, Genaro García Luna, chef de la police nationale, reconnaît que l’arrestation télévisée du couple était en réalité un « reconstruction des faits », faite à la demande des chaînes de télévision pour leur montrer ce qui s’était passé censément quelques heures plus tôt. « Mais cela ne change rien » dit García Luna, « les épreuves contre eux sont toujours là »2. C’est le point de départ pour une affaire qui aurait une durée d’un peu plus de sept années. Florence Cassez, cette femme française qui était arrivée au Mexique à peine deux ans avant, est sentenciée à 96 ans en prison, puis réduits à 60 en appel. Toujours en clamant son innocence, elle entreprend, avec l’aide de sa famille, toutes les démarches légales au Mexique et la mobilisation du public en France pour se défendre. Dans ce parcours, des réactions de soutien et de rejet se soulèvent sur les deux pays. En France elle est soutenue par le président Nicolas Sarkozy et d’autres personnages publics, l’opinion publique penchée en sa faveur. Au Mexique, le président Felipe Calderón et d’autres personnalités, ainsi qu’il gros de l’opinion publique, manifestent leur rejet et clament sa culpabilité. Le 23 janvier 2013, après 7 ans en prison et une longue bataille judiciaire, Florence Cassez est libérée grâce à l’intervention de la cour suprême de la justice mexicaine, en considération aux vices de procédure et notamment en raison de « l’effet corrupteur de la mise en scène de son arrestation » dans toutes les épreuves et témoignes des victimes, comme il est établi par le rapport présenté par la Cour.3 D’un gros suivi médiatique, l’affaire Florence Cassez était, pendant les sept ans de durée des procédures judiciaires, au centre des polémiques qui au fil des années ont changé de focus et d’intensité. Dans les deux pays, cette affaire a provoqué la mobilisation de l’opinion publique et un intérêt du public qui était alimenté par les médias. En outre, pour 2 Punto de Partida, transmission du 5 février 2006. México, Televisa 3 Dossier du pourvoir en cassation présenté par la Cour suprême du Mexique (2011). Amparo directo en revisión 517/2011 Ministro Arturo Zaldívar Lelo de Larrea, Suprema Corte de Justicia de la Nación. p. 137 8 chaque pays l’affaire symbolisait quelque chose de différente, ce qui les médias ont aussi bien représenté et dans une certaine façon, promu. En effet, et grâce à ses caractéristiques très particulières, l’affaire est un objet d’étude très intéressant à regarder depuis la perspective analytique du rôle des médias. D’abord, parce qu’il s’agit d’une affaire criminelle qui a vu sa naissance devant les caméras de télévision, et donc elle « est née médiatisée », ce qui fait que la médiatisation et la participation des médias devient une partie inévitablement liée à son déroulement et à son dénouement. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une affaire qui touche deux pays, elle est sujette d’interprétation entre deux feux. Produite par deux systèmes de valeurs, deux contextes sociaux et historiques, deux sensibilités, et deux points de vue, la médiatisation de l’affaire montre une complexité très riche qui permette de regarder comment chacun de ces champs va trouver son espace en se construisant dans la sphère médiatique. Finalement, en s’agissant d’une affaire largement controversée, dont la « vérité » était mise en question continuellement, elle a provoqué des expressions de soutien et de rejet très claires, et notamment très bien distribuées parmi les deux pays, ce qui rende possible une comparaison intéressante de la façon dont les médias ont aidé communiquer, voire construire les arguments pour défendre chacune de ces postures. Cela dit, notre intérêt d’étudier l’affaire Florence Cassez a été incité par un souci personnel. Pour le Mexique, l’affaire a exposé les fautes du système judiciaire d’une façon au mieux scandaleuse. A la base, l’affaire montre l’inefficacité des autorités de justice, puis la nécessité du gouvernement de se légitimer à travers la fabrication de scènes grossières d’héroïsme policier et en outre, la complicité des médias pour le faire. Au de-là de ceci, l’affaire a exposé aussi le va-et-vient de l’opinion publique : d’un côté sa susceptibilité à être objet de influence, et de l’autre son importance, sa force pour mobiliser et pour obliger les autorités à agir, et finalement l’évidence des désirs des médias et des représentants du pouvoir pour la manipuler. En parlant du Mexique un fois de plus, l’évidence d’une opinion publique enflammée, indignée et mobilisée contre une femme qui avait été arrêtée dans des conditions peu crédibles et évidemment violatrices des droits fondamentaux, paraissait insolite. Il était frappant parce que ces réactions étaient basées sur des assomptions automatiques et peu réfléchies qui démontraient un dédain généralisé pour les processus de la justice. En outre, ces réactions paraissaient montrer que il y avait une conviction généralisée de que la justice ne doit pas être appliquée à tous de la même façon, et de que les criminels ne en méritent pas, ce qui nous parait grave dans un pays qui, dans des 9 circonstances de violence qui se vivent actuellement, a un grand besoin de renforcer son système de justice pour qu’il soit juste et efficace. Ainsi, en regardant comment l’affaire avait été vécue du côté français, on a en effet observé des parallélismes, même s’ils étaient basés sur des opinions opposées : des défenses passionnées, des assomptions incontestables et de blocs d’opinion bien définis à l’intérieur de l’espace médiatique étaient toujours là, mais ils racontaient une histoire différente, parfois opposée, parfois juste un peu nuancée. Les questions qui arrivaient donc naturellement étaient alors : pourquoi ces réactions (si fortes, si homogènes, si passionnées) ont-elles été possibles ? Qu’est-ce que on apprend, en tant que citoyen pour devenir si convaincu d’adopter une posture face à une situation de cette nature ? De plus, si l’événement était un seul, et les faits étaient uns seuls, pourquoi on avait deux histoires si différentes ? La réponse à toutes ces questions vient à l’esprit très automatiquement : « parce que tout ce passe par les médias ». En effet, mais aussi et surtout parce que ce sont les médias à raconter les faits pour les gens, et en faisant cela ils ne donnent pas un reflet automatique et froid de la réalité, mais ils reflètent une image subjective de ce qui eux, et le public qui les décode, considère important, valable, et méritoire de faire l’actualité. C’est donc clair que chaque personne, chaque média, chaque pays, raconte l’histoire qu’il perçoit comme important, soit l’histoire qu’il a l’intérêt et la nécessité de raconter. Or, ce mémoire est un effort pour répondre ces questions, mais surtout il s’agit d’un exercice pour enlever les couches qui nous empêchent de voir les mécanismes à l’origine du travail journalistique, qui, comme toute activité humaine, est profondément chargée de subjectivité et d’intentionnalité, ce qui est souvent oublié par la société consommatrice des médias. Au cœur de notre recherche reste donc la problématique suivante : En quoi la représentation différentiée de l’affaire Florence Cassez dans les médias français et mexicains a influé la perception du cas dans chacun des pays et comment a- t-elle été construite ? Cette problématique part de l’hypothèse de qu’en effet les médias français et mexicains ont traité l’affaire différemment, et donc elle réponde à l’intérêt original pour découvrir, en regardant les mécanismes de construction des récits, les façons dont ces approches ont influé en la perception collective des faits en France et au Mexique. 10 Le mémoire est organisé en trois parties principales. Le premier chapitre expose les fondements théoriques qui nous permettent d’analyser la fonction des médias et leur importance sociale en tant que médiateurs de la réalité criminelle. Premièrement, en argumentant uploads/Litterature/ l-x27-affaire-florence-cassez-a-travers-les-medias.pdf

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