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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Compte rendu Ouvrage recensé : Antoine Berman. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique. Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin. Gallimard (coll. TEL), 1995, 311 p. par Nicole Mallet TTR : traduction, terminologie, rédaction, vol. 8, n° 2, 1995, p. 275-279. Pour citer ce compte rendu, utiliser l'adresse suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/037227ar DOI: 10.7202/037227ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 11 June 2015 11:42 COMPTES RENDUS Antoine Berman. L 'Epreuve de l'etranger. Culture et traduction dans l'Allemagne romantique. Herder, Goethe, Schlegel, Nova/is, Humboldt, Schleiermacher, Holder/in. Gallimard (coli. TEL), 1995, 311 p. La traductologie est une discipline toute neuve dont l'essor au cours des dix demieres anm5es est tout a fait spectaculaire. C'est a peine si naguere on osait enoncer ce vocable sans prendre de precaution. Convaincu que le temps etait venu de donner ace savoir <mne forme definie, quasi institutionnelle et etablie, propre a permettre son deploiement dans un champ de recherche et d'enseignabilitb>, Antoine Berman ecrivait: «[c]'est ce qu'on a voulu appeler parfois Ia «traductologie» (d'autres noms moins heureux ont ete egalement avances)» (L 'Epreuve de l'etranger, p. 290). C'etait en 1984, dans Ia premiere edition de l'ouvrage dont nous accueillons en 1995 Ia reedition. II faut savoir gre aux editions Gallimard de redonner acces a ce premier ouvrage d'Antoine Berman l'annee meme oil parait dans leur «Bibliotheque des idees» le livre auquelle regrette critique a travaille jusqu'a son dernier souffle a l'automne de 1991: Pour une critique des traductions: John Donne, «un maitre-livre passionnant et cultive», pour citer Jean-Michel Desprats qui en rend compte avec admiration et emotion dans TransLitterature (ete 1995, no 9). Que de chemin parcouru durant Ia decennie qui s'acheve! On ne relevera jamais assez Ia fortune de ce titre programmatique emprunte a Holderlin et qui contient et detient en raccourci une reflexion sur Ia pratique et Ia theorie du traduire. Peut-on rever, en effet, plus notable consecration que d'etre cite en exergue ou en epigraphe par ceux des traductologues, nombreux, sourciers ou ciblistes, qui marchent sur les brisees de celui qui a relance sur des bases philosophiques et epistemologiques nouvelles le debat pour ou contre Ia traduction ethnocentrique et !'a installe dans le grand discours modeme de 1 'alterite? II s' agit d'une reedition; par consequent, c' est pournous une relecture. II nous parait done singulierement a propos d'examiner Ia composition et les grands axes reflexifs de ce texte fondateur sous !'angle de sa posterite. Les repercussions en sont infiniment sensibles, dix ans apres, qu'elles emanent de ses disciples ou de ses detracteurs. N'est-ce pas le propre des grands textes que de catalyser le dialogue des contraires? 275 L'ouvrage s'ouvre sur un essai fondamental (pp. 11-24), signe par Berman en 1981 et dont Ia teneur n'a pas vieilli: «La traduction au manifeste», ce dernier terme etant entendu moins dans ses connotations polemiques que dans le sens de Ia visibilite de Ia traduction que Berman estime qu'il est necessaire de substituer a Ia condition ancillaire (reprehensible) d'une pratique dont il faut repenser les fondements theoriques et I' ethique: «La viseememe de Ia traduction - ouvrir au niveau de I' ecrit un certain rapport a I' Autre, feconder le Pro pre par Ia mediation de l'Etranger- [ ... ]!'essence de Ia traduction est d'etre ouverture, dialogue, metissage, decentrement» (p. 16). II est important de bien noter que pour Berman Ia theorie de Ia traduction est inseparable de Ia pratique. Du reste, il prefere au couple theorie/pratique celui plus en accord avec sa demarche de reflexion/experience. II Ie redira dans sa conclusion (p. 300) et Ie formulera de fa~on plus ramassee en 1985 dans «La traduction et Ia lettre ou !'auberge du lointain», ou il donne de Ia «traductologie» Ia definition suivante: c'est «Ia reflexion de Ia traduction sur elle-meme a partir de sa nature d'experience» (Les Tours de Babel, Trans-Europ-repress, Mauvezin, p. 39). Une reflexion fructueuse sur Ia traduction et Ies traducteurs doit selon lui s'articuler autour de trois axes: une Histoire de Ia traduction, une Ethique de Ia traduction, une Analytique de Ia traduction. Gallimard annonce Ia parution posthume de deux ouvrages de Berman, en chantier au moment de sa mort, et qui attestent du travail qu'il accomplissait dans ce sens: Traduire Benjamin et Jacques Amyot traducteur fram;ais 1• Berman considere que «[l]a constitution d'une histoire de Ia traduction est Ia premiere tache d'une theorie moderne de Ia traduction» (p. 12). Le grand projet d'une Histoire thematique de Ia traduction dont nos collegues canadiens, Jean Delisle et Judith W oodsworth, sont Ies maitres d'reuvre se situe a coup sur dans le droit fil de ce vreu. Conformement aux promesses du sous-titre de son ouvrage (Culture et traduction dans I 'Allemagne romantique ), Berman pose lui-meme Ia premiere pierre de cet edifice qui doit abriter un discours diversifieS, fecond et ouvert, entreprise qu'il decrit dans sa conclusion comme <<Une archeologie de Ia traduction europeenne» (p. 280). Pour ce faire, il se tourne vers une phase-cle de cette archeologie, une epoque qu'en tant que philosophe et traducteur il connait dans le detail; une periode durant laquelle les problemes inherents au rapport avec l'etranger se sont poses avec une acuite particuliere et qu'il va reconstruire: celle des Romantiques d'lena regroupes autour de Ia revue Athenaum fondee par Ie freres Schlegel. L'analyse des travaux de Friedrich et August Wilhelm Schlegel ainsi que de ceux de Navalis qui ont contribue a Ia 1. L'eminent erudit avait donne en primeur un extrait de cet ouvrage pour Ie tout premier numero de TTR, en 1988: «De Ia translation a Ia traduction», pp. 23-40. 276 «revolution romantique» couvre les cinq chapitres qui occupent le creur du livre (ch. 5-9, pp. 111-225). Berman ne craint pas de parler de revolution a propos de Ia pensee romantique «ivre de pathos critique» (p. 113). II analyse d'abord le concept de «versabilite infinie» qui joue un role primordial dans l'encyclopedisme de Novalis; !'emergence de plus en plus prononcee de celui de germanite; Ia theorie du ian gage poetique qui s' appuie sur Ia distinction entre ian gage de nature et Ian gaged' art; le telescopage entre I' acte de traduire et celui de critiquer propre a Ia speculation idealiste des Romantiques d'Iena et qui debouche sur Ia conception monologique d'une «traduction mythique» (se reporter en particulier aux pages 177-204); Ia volonte enfin de tout traduire de Wilhelm Schlegel que Berman voit comme un <<Omnitraducteur» plutot que comme le talentueux polytraducteur qu'il fut. De part et d'autre de cette etude centrale, Berman a place des chapitres qui elargissent le debat et s'inscrivent dans ses marges, soit en le fondant, soit en le suivant jusque dans ses prolongements les plus modernes et les plus paradoxaux. En amant de ce noyau speculatif, Berman inscrit un chapitre sur «Luther ou Ia traduction comme fondation» (ch. 1, pp. 43-60). II discute les paradoxes du concept historico-culturel de Ia Verdeutschungcher au traducteur allemand de Ia Bible que les theoriciens de Ia fin du XVIII" perdront de vue jusqu'a ce que Holderlin le reprenne avec son idee d'un triple «apprentissage du propre (Ia patrie, le natal, le national)» (p. 258), inaugurant par Ia <<Une nouvelle epoque de Ia poesie et de Ia traduction en Allemagne» (p. 225). Le chapitre sur Luther est suivi de trois autres consacres a retracer I' importance des idees de Herder et surtout de Goethe ( eparses dans son reuvre, particulierement explicites dans le Divan occidental-oriental)dans I' edification de Ia philosophie romantique de Ia culture, de I 'histoire et du langage. Berman y sonde en particulier le concept de Ia Bildung et ses differents registres et celui de Weltliteratur et les imperatifs que ceux-ci entralnent vis-a-vis de Ia traduction. En aval de ce corpus centre sur le groupe de I'Athenaum, Berman examine les ecrits sur Ia traduction de W. von Humboldt et de F. Schleiermacher. Rappelons qu'il est !'auteur de Ia premiere traduction fran~Yaise de Ia conference prononcee par Schleiermacher a I' Academie Royale des Sciences de Berlin en 1813, Ober die verschiedenenMethoden des Obersetzens (Des dzfferentesmethodes du traduire, publiee en presentation bilingue dans Les Tours de Babel, pp. 279-347). L'hermeneuticien fran~Yais salue Schleiermacher comme «le fondateur de cette hermeneutique moderne qui se veut une theorie de Ia comprehension» (p. 227). Ce n' est guere I' avis de Lawrence Venuti, grand pourfendeur pourtant de Ia traduction ethnocentrique. Dans un article recent («Genealogies of Translation theory: Schleiermacher», TTR, vol. IV, no 2, pp. 125-150), Venuti rend certes a Berman le respect uploads/Litterature/ l-x27-epreuve-de-l-x27-etranger-pdf.pdf
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- Publié le Jui 11, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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