L’humour anglais Pierre Desproges, Les Etrangers sont nuls. Les deux caractéris
L’humour anglais Pierre Desproges, Les Etrangers sont nuls. Les deux caractéristiques essentielles de l'anglais sont l'humour et le gazon. […] L‘Anglais tond son gazon très court, ce qui permet à son humour de voler au ras des pâquerettes. Comment reconnaître l'humour anglais de l'humour français ? L‘humour anglais souligne avec amertume et désespoir l‘absurdité du monde. L‘humour français se rit de ma belle-mère. (Desproges 1998) Définitions : Humour, n. m. de humeur : Forme d'esprit qui consiste à présenter la réalité de manière à en dégager les aspects plaisants et insolites, parfois absurdes, avec une attitude empreinte de détachement et souvent de formalisme. (Le Grand Robert de la langue française, version 2.0 2005) Absurde, adj. Qui n‘est justifié par aucune fin dernière. Ironie, n. f. : Manière de railler en disant le contraire de ce que l‘on veut faire entendre. I. L‘humour et l‘humour anglais The old idea was that comedy represented the failings of human nature, and that tragedy pictured men as greater than they are. To paint them truly one must, it seems, strike a mean between the two, and the result is something too serious to be comic, too imperfect to be tragic, and this we may call humour. (Woolf 1905) On a longtemps considéré que la comédie illustrait les défauts de la nature humaine, et que la tragédie peignait les hommes plus grands qu'ils ne sont. Pour en donner une image sincère, il semble préférable de prendre un moyen terme ; le résultat est quelque chose de trop sérieux pour être comique, trop imparfait pour être tragique : c'est là ce que nous pourrions appeler humour. Virginia Woolf, dès les premières lignes de son essai, introduit l‘idée d‘une certaine incertitude comme composante de l‘humour. L‘humour doit être un entre-deux ; quelque chose d‘imparfait ; et quelque chose, semble-t-il, à taille humaine. Le rire serait alors le seul choix possible face à l‘absurde, ce qu‘elle développe un peu plus loin : Laughter is the expression of the comic spirit within us, and the comic spirit concerns itself with oddities and eccentricities and deviations from the recognized pattern. It makes its comment in the sudden and spontaneous laugh which comes, we hardly know why, and we cannot tell when. If we took time to think—to analyse this impression that the comic spirit registers—we should find, doubtless, that what is superficially comic is fundamentally tragic, and while the smile was on our lips the water would stand in our eyes. This—the words are Bunyan's—has been accepted as a definition of humour. (Woolf 1905) Le rire est l'expression du comique qui est en nous, et le comique a trait aux bizarreries, aux excentricités, et aux déviances vis-à-vis d‘un schéma reconnu. Il s‘exprime dans le rire soudain et spontané qui nous saisit, sans que nous sachions bien pourquoi, et sans que nous puissions le prévoir. Si nous prenions le temps d‘y réfléchir, c'est à dire d‘analyser les impressions rassemblées par le comique, nous découvririons sans aucun doute que ce qui semble comique est fondamentalement tragique, et que, le sourire aux lèvres, nous avons les larmes aux yeux. C‘est là, selon les mots de Bunyan, ce que nous acceptons comme définition de l‘humour. L‘humour est donc bel et bien ce point de rencontre entre comique et tragique – ce moment où ils ne font plus qu‘un ; mais cette cartographie de l‘humour est loin de constituer une définition correcte. Delannoy, dans son essai ‗L‘Humour,‘ semble vouloir l‘ériger en arme, en prise de pouvoir : en commentant l‘absurdité du monde, en restant imperturbable face au malheur, ou en se moquant de soi-même, on prend le dessus. Citons l‘exemple rapporté par Delannoy : Chamfort raconte qu‘un marquis pénétrant dans le boudoir de sa femme la trouve dans les bras d‘un évêque ; il se dirige alors calmement vers la fenêtre, l‘ouvre et se met en devoir de bénir la foule. – Que faites-vous là ? – Monseigneur remplit mes fonctions ; je remplis les siennes. (…) Ainsi l‘humoriste parvient-il à dominer sa condition (…) tout en la soulignant. Il connaît toutes les misères attachées à notre condition (…) et il se propose (…) un moyen de conjurer, dans l‘instant, le malheur. (…) Cessons quelques instants de gémir ou de nous prendre au sérieux ; si notre condition est absurde, elle est nôtre : amusons-nous ensemble de notre angoisse. (…) Telle est la plus profonde racine de l‘humour : la satisfaction de partager avec d‘autres la conscience de l‘absurdité de l‘existence. (Delannoy 1986, pp. 16-19) Tout cela nous rappelle bien sûr la célèbre formule de Figaro dans le Barbier de Séville : « Je me presse de rire de tout, de peur d‘être obligé d‘en pleurer. » On pourrait donc définir l‘humoriste comme un être qui, dans une société qui se veut parfaitement rationnelle et humaine, sans évidemment y parvenir, se comporte absurdement – donc pas si absurdement que ça. L‘hiatus existe entre elle et lui, mais le doute aussi ; qu‘est-ce qui est aberrant : le fait de ne pas tenir le propos adéquat ou le fait qu‘il y ait, pour toutes les circonstances imaginables, des propos adéquats prévus ? (Delannoy 1986, p. 115) Voilà qui semble résumer la situation et justifier mon intention de me concentrer sur l‘absurde dans la suite de mon analyse, qui portera principalement sur Douglas Adams. Mais comment justifier alors une délimitation de l‘humour typiquement anglais ? Très simplement parce que l‘humour est vu par certain comme étant essentiellement anglais – à moins que ce ne soient les Anglais qui soient essentiellement humoristiques. On remarque que Virginia Woolf ne parle pas de l‘humour anglais, mais simplement de l‘humour, tout en évoquant des images pourtant typiquement anglaises : « a chimney-pot hat and long frock-coat, », « un chapeau haut-de-forme et une longue redingote. » L‘humour anglais serait alors un « état d‘esprit et regard sur le monde » qui peut tout à fait « dépasser les seules bornes de la Perfide Albion, » comme le résume Corinne François-Denève dans son article d‘Humoresques ; une façon de rire typique de l‘Angleterre, sans pour autant s‘y limiter. Il s‘agit d‘être conscient de cette parenté, sans nécessairement porter sur elle un jugement décisif. Cet humour, donc, que Virginia Woolf définit comme « le sourire aux lèvres, les larmes aux yeux » semble pouvoir n‘être jamais clairement défini ; en revanche, on peut le circonscrire par une série de thèmes ou d‘exemples, comme le fait remarquer l‘article « Sur la piste de l‘humour ‗anglais‘ » dans le 36e numéro d‘Humoresques est très clair sur l‘impossibilité de définir l‘humour anglais autrement que par une liste de thèmes ou d‘exemples. L‘autodérision, l‘ironie pince-sans-rire et l‘absurde semblent figurer en bonne place parmi les thèmes les plus récurrents. Ils se retrouvent tous chez Douglas Adams, ce que je vais à présent tenter de démontrer. II. H2G2 A. Résumé. Qui ici n‘a jamais lu le Guide du Voyageur Galactique ? Davantage de mains se lèveront en France qu‘en Angleterre, car au Royaume-Uni, H2G2 (expliquer le nom) est une véritable institution. D‘abord série radiophonique, puis trilogie en cinq tomes, puis bande dessinée, puis film, puis jeu vidéo, cet univers possède désormais son propre jour férié : le Jour de la Serviette (Towel Day) où l‘on peut voir nombre de Londoniens se promener dans les rues avec une serviette de bains. Je ne commenterai ici que le premier tome de la trilogie en cinq volumes, qui est déjà, on s‘en apercevra, extrêmement dur à circonscrire. Douglas Adams le dit lui-même : « La plupart des idées du Guide sont mues par la logique de l‘humour. Tout rapport qu‘elles peuvent entretenir avec un quelconque élément du monde réel est en général totalement fortuit. » (Gaiman 1987) Héroïque tentative de résumé du premier tome : Arthur Dent est anglais et célibataire. Il découvre que sa maison est sur le point d‘être détruite pour faire place à une bretelle d‘autoroute ; conséquemment, il se met une cuite titanesque et oublie tout de la chose jusqu‘à se réveiller le lendemain face aux bulldozers. Ford Prefect, un ami de longue date, survient alors pour lui révéler que sa planète est sur le point d‘être détruite pour faire place à une bretelle d‘autoroute interstellaire. Avant qu‘Arthur ne puisse comprendre ce qui se passe (il ne le comprendra d‘ailleurs jamais vraiment) Ford les fait prendre en stop par l‘un des vaisseaux Vogons venus précisément pour détruire la Terre. Les Vogons étant un peuple naturellement méchant avec une aversion terrible pour les auto-stoppeurs, Arthur et Ford se retrouvent éjectés dans l‘espace quelques pages plus loin, peu après la destruction de la planète. Ils sont récupérés par le Cœur en Or, un vaisseau spatial qui fonctionne à l‘improbabilité (tout comme le bouquin entier) c‘est-à-dire que plus c‘est improbable, bizarre, ou grotesque, plus le vaisseau pourra l‘accomplir. En l‘occurrence, Ford et Arthur se retrouvent donc à bord du vaisseau et y rencontrent Zaphod Beeblebrox (un alien à trois bras et deux têtes qui est à la fois le cousin de uploads/Litterature/ l-x27-humour-anglais.pdf
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- Publié le Nov 17, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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