L'HUMOUR DANS LA LITTÉRATURE DE JEUNESSE Définitions L'humour Définir l'humour

L'HUMOUR DANS LA LITTÉRATURE DE JEUNESSE Définitions L'humour Définir l'humour c'est labourer avec ses doigts. Comment différencier l'humour de l'ironie, de l'esprit, de la caricature, du loufoque, du burlesque, du grotesque, du comique, de la parodie, tous termes sémantiquement très proches sinon à considérer pour parodier la formule célèbre, que l'humour est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Étymologiquement le mot humour, apparu en France en 1725, dérive de l'anglais humour lui- même emprunté au français humeur qui vient du latin humor lequel renvoie à une notion de substance liquide comme la bile ou la mélancolie... qui sont à peu près le contraire de l'humour. L'arbre généalogique de l'humour fait des nœuds avec ses branches. Floris Delattre y voit le fruit d'un accouplement entre la joie de vivre à la française et la morosité à l'anglaise qui aurait été conçu pendant l'invasion de l'Angleterre par les Normands. Paul Valéry considère le terme anglais humour comme intraduisible et fait observer que c'est justement pour cela que les Français l'ont adopté. Plus près de nous, Robert Escarpit qui est à la fois un praticien de l'humour et de la littérature de jeunesse (les Contes de la Saint-Glinglin), après avoir pointé l'origine anglaise du terme, en souligne l'ambivalence selon qu'on s'attache au mot ou à la chose. Deux filiations artistico-littéraires apparaissent ici. L'une qui partirait de Swift, voire de Cervantès ou de Rabelais et via Daumier et Caran d'Ache rejoindrait la caricature engagée des dessinateurs d'Hara-Kiri ou du Canard Enchaîné. L'autre, plus proche de l'absurde, voire du loufoque, dont les précurseurs seraient Edward Lear avec son Book of Nonsense (1846) et Lewis Carroll, et qui par Robida, Alphonse Allais, Alfred Jarry et les surréalistes aboutit à Pierre Dac, auteur qui a obtenu aujourd'hui droit de cité dans l'enseignement tant par ses feuilletons que par ses maximes incontournables comme "le carré c'est une circonférence qui a mal tourné".  Accueil Télémaque  Humour  Définitions l'humour la littérature de jeunesse les jeunes lecteurs et l'humour  Typologies humour et caricature humour rose et humour noir  Exemples l'humour de distanciation l'humour d'auto-dérision l'humour de déclinaison l'humour de fantaisie  Gros plan Les aventures d'Alice au Pays des Merveilles  voir aussi  La bibliographie  La fiche pédagogique La littérature de jeunesse Cet humour est-il accessible à la littérature de jeunesse ? Tout dépend du champ qu'on assigne à cette notion. Si nous nous en tenons à l'approche proposée dans nos ouvrages, la réponse est indiscutablement positive. Pour nous, la littérature de jeunesse n'est pas un mouvement littéraire ou un parti-pris éditorial qui commencerait avec le Magasin des Enfants de Madame Leprince de Beaumont (1757) ou les Mésaventures de Jean-Paul Choppart de Louis Desnoyers (1832) mais un espace qui se constitue progressivement à la rencontre du livre, de l'image et de l'éducation. Cette littérature de jeunesse se met en place pendant le XVIe et le XVIIe siècle, s'affirme dans la seconde moitié du XVIIIe, prend son ampleur pendant tout le XIXe siècle où elle annexe toutes les productions qui de l'abécédaire aux journaux en passant par l'imagerie touchent la clientèle enfantine et implose au XXe siècle puisque par l'intermédiaire des illustrés, de la BD, des livres à jouer et des livres-jeux, elle couvre plus de 10% de la production éditoriale. Les jeunes lecteurs et l'humour Une objection de principe vient pourtant à l'esprit dès qu'on rapproche humour et littérature de jeunesse. L'enfant qui croit ce qu'on lui dit et s'enchante de ce qu'on lui montre ne serait-il pas par nature étranger à cette mise à distance que suppose l'humour? On pourrait d'abord répondre que Gulliver comme Don Quichotte ou Gargantua font partie du Panthéon de la Littérature de Jeunesse bien que les ouvrages n'aient nullement été composés dans cette intention. Ces héros, modelés par une schématisation qui réduit les personnages et les situations à leurs traits principaux, et dont les exploits ont été racontés à la maison ou à l'école, ont été vite adoptés par le public jeune. Puis ils ont été adaptés pour lui dans des versions illustrées qui par la juxtaposition du récit et de la représentation visaient à la fois le succès commercial et le plaisir du lecteur. Plus généralement toute une partie de la production des histoires en images, histoires sans paroles, charades ou abécédaires du XIXe siècle est explicitement destinée à un public enfantin dont on sait qu'il aime l'image surtout quand elle provoque chez lui le rire. La floraison des journaux comiques au début du XXe siècle (l'Épatant, la Semaine de Suzette, le Bon Point Amusant...) témoigne à sa manière que l'objectif affiché par les deux grands de la littérature de jeunesse, Hetzel et Hachette, instruire en divertissant, a changé sa focale. C'est l'information et la connaissance qui se glissent comme une récréation éducative entre deux séquences rigolardes. Il n'est pas question ici de reconstituer une histoire de l'humour. Les textes humoristiques sont légion dans la littérature classique d'Aristophane à Shakespeare et de la Satire Ménippée à Beaumarchais. Pour le dessin, les filiations sont plus difficiles à établir du fait des confusions entre humour et caricature. Ainsi l'anthologie Planète fait commencer le dessin d'humour en France à la fondation par Philippon des journaux La Caricature (1830) et le Charivari (1832) et en Angleterre à la création du magazine Punch quelques années plus tard). Mais on peut noter que parmi tous les maîtres du dessin d'humour "nominés" dans cette anthologie, beaucoup ont collaboré à la littérature de jeunesse : Cham, Gavarni, Robida, Bertall, Riou, Doré, Caran d'Ache, Steinlen, Poulbot, Hémard, Avelot, Delaw, Rabier, Hellé, Carlègle, Vogel, Folon, André François, Sempé, Ungerer, Desclozeaux, Copi. La connivence entre humour et littérature de jeunesse persiste aujourd'hui. Jean Claverie, Babette Cole, Claude Lapointe, Pef, ou les productions des éditions du Sourire qui Mord, les bien nommées, avant leur disparition, témoignent à leur manière, légère ou sarcastique, de ce cousinage. Typologies Humour et caricature Si l'on veut pénétrer plus avant cet univers sans frontières, on établira donc une première ligne de partage entre humour et caricature. La caricature simplifie et amplifie. Elle sonne la charge comme l'indique son étymologie (caricare : charger) et comme le démontre une histoire balisée à ses origines par la rencontre entre la tradition italienne de la déformation, de la grimace, et le goût anglo-saxon de l'engagement politique. Elle force le trait et porte sur des personnages déjà célèbres : les vedettes de la politique qu'ont rejoint aujourd'hui celles du sport ou du show- business. Elle image un univers de bruit et de fureurs au service de la contestation des pouvoirs. Au contraire l'humour opère avec douceur et légèreté. L'humoriste ne met pas en pièces des personnages, il met en scène une situation, adopte un parti-pris de distanciation qui se traduit par un décalage dans le texte, dans l'image ou dans les deux, et instaure avec son lecteur une forme de complicité tendre qui explique en partie le succès de l'humour dans la littérature de jeunesse. Avec le caricaturiste, les puissants sont abandonnés à leurs faiblesses. Tant pis pour eux ! Avec l'humoriste, le lecteur-spectateur n'est jamais seul. Tant mieux pour lui ! Les Grandes Gueules de Morchoisne détendent violemment les zygomatiques, les personnages de Jean Effel font doucement sourire. En fait caricature et humour participent d'une vision du monde opposée. La caricature, engagée ou non, aspire à changer l'ordre des choses, réveille ou attise des colères, désigne des boucs émissaires. Elle cherche l'audience, la résonance d'un public et résiste mal à la tentation du commercial. Au contraire l'humour s'accommode du monde tel qu'il va et nous invite simplement à en rire, à relativiser les drames et à faire la nique à ce contre quoi l'on ne peut rien. Il arrive pourtant que ces deux formes d'art se rejoignent comme on a pu le voir dans ces variantes du Muppetshow que sont le Bébête Show ou les Guignols. Le succès auprès des enfants de ces personnages métamorphosés en animaux et marionnettes s'explique par leur présence familière. Ils ont quitté le domaine du combat politique pour devenir des habitants de notre loft audiovisuel, qu'on est heureux de retrouver tous les soirs avec leurs tics et leurs faiblesses. Humour rose et humour noir Pourtant il y a une forme d'humour qu'on rencontre peu dans la littérature de jeunesse, c'est l'humour grinçant et plus précisément l'humour noir. On peut en faire remonter l'origine à Swift et à sa Modeste proposition pour éviter que les enfants d'Irlande soient un fardeau pour leurs parents ou pour leur pays et pour les rendre utiles à la communauté publiée en 1729, trois ans après Gulliver. Sous les apparences d'un traité sérieux et composé selon les règles de l'art, Swift explique que si les Irlandais vendaient leurs enfants comme viande de boucherie, ils résoudraient leurs trois problèmes : le manque de produits alimentaires, la pauvreté et la surpopulation. On peut aussi évoquer la célèbre "Une" Hara-kiri de 1970 "Bal Tragique à Colombey : un mort" tournant en dérision la mort du général uploads/Litterature/ l-x27-humour-dans-la-litterature-de-jeunesse.pdf

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