L'IMAGE DU MEXIQUE DANS LES PUBLICATIONS FRANÇAISES LE PORFIRIAT : 1867-1905 Ja
L'IMAGE DU MEXIQUE DANS LES PUBLICATIONS FRANÇAISES LE PORFIRIAT : 1867-1905 Javier Pérez Siller Couverture de la Troisième partie : « Institutions politiques, Etats et Relations Extérieures », du livre : Le Mexique. Son évolution sociale, Barcelona, J. Ballescá, 1902. 2 L'IMAGE DU MEXIQUE DANS LES PUBLICATIONSFRANÇAISES: LE PORFIRIAT, 1867-1905 * II est toujours difficile à l'historien de se procurer des documents contradictoires, parce que généralement dans toute lutte civile le parti vaincu trouve rarement des chroniqueurs, tandis que le vainqueur trouve toujours des chantres pour célébrer sa gloire; pour le premier, il manque des historiens, pour le second, il n'y a que des courtisans. F. PRIDA Y ARTEAGA, 1891 Contribution à l'imaginaire... Les images offertes par les publications sont transformées et détruites par l'accablante réalité. C'est le cas du Mexique dans l'imagerie française du XIXème siècle. En effet, pendant la première moitié du siècle, malgré l'état de « révolution endémique », les Européens ont conservé du Mexique une idée d'un pays riche, sauvage, jeune, indépendant, très proche des Etats-Unis, mais incapable de se gouverner. Ces images, conjuguées avec la politique de Napoléon III -fondée sur des idéaux impérialistes, imaginaires et ambitieux- ont contribué au drame de Maximilien qui laissa aux Français un souvenir douloureux du Mexique. Douloureux, au regard de ce que l'expédition * Originalement publié aux Actes du colloque « L’Amérique Latine et la “Nouvelle Histoire” », 1er au 3 Mars 1989, Paris, IHEAL-CREDAL Documents de Recherche N° 212, pp. 306-338, cet article fut transcrit par des élèves de français de Mélanie Roche dont nous remercions sa collaboration : Yunuen Zamora Aguilar, Gilberto Abad León Ríos, María Antonieta De la Torre García, Ana María Juárez Reyes et Brenda Lilia Cocoletzi Avila (Maison de la Langue Française de la BUAP). 3 française avait coûté en hommes et en argent, et du sentiment d'échec, sinon d’humiliation, qui s'ensuivit. Ces idées, reproduites dans les manuels scolaires français pendant la Troisième République (comme, par exemple, ceux de Blanchet, Ducoudray, ou encore, les mieux connus, ceux de Lavisse), ont entaché le Mexique d'une mauvaise réputation. Et ce, à un moment où l'opinion publique gardait à l'esprit, à la lecture de la presse, le refus du gouvernement mexicain de reconnaître les engagements financiers de l'Empire. Soit justification, soit rancoeur, les Français ont effacé toute image idyllique du Mexique et développé un sentiment de refus vis-à-vis de « ce pays de sauvages ». Ce sentiment a bien été compris par Lejeune, jeune ingénieur du corps diplomatique français, qui a cru trouver son origine dans les romans et récits de voyages. Celui-ci maudissait les romanciers qui ont accrédité en France la légende du Mexique. En 1892, il écrivait: « Ils (les romanciers) ont réussi à créer un Mexique que tous nos efforts ne parviendront pas à effacer complètement de la géographie imaginaire, de cette géographie que les collégiens apprennent et retiennent beaucoup mieux que l'autre. » 1 Quelques années plus tard, on assiste à un retournement de situation: les Français retrouvèrent la confiance et accueillirent avec enthousiasme les obligations mexicaines sur le marché financier parisien. Après 1905, des milliers de petits épargnants n'hésitèrent pas à souscrire aux nouveaux 1 Louis LEJEUNE, Au Mexique, Paris, Lib. Léopold Cerf, 1892, p. III. 4 emprunts mexicains. Enfin, le gouvernement français se trouva impliqué dans de complexes combinaisons diplomatiques afin de venir en aide à l'Etat mexicain en butte aux pressions financières et au blocus naval des Etats-Unis. En moins de trente ans on assiste à un radical changement d'attitude vis-à-vis du Mexique. Comment et quand ce changement s’est-il produit? Quelles sont les nouvelles images qui ont convaincu le public? De quelle manière les anciennes ont-elles été effacées? Jusqu’à quel point les nouvelles images ont-elles influencé les attitudes des Français? L’analyse des publications françaises sur le Mexique parues de 1867 à 1905 et des images qu'elles transmettent permet de répondre à ces questions. Où l'on pourra encore découvrir les liens entre l'histoire des images et les images dans l'histoire. Histoire des Images en tant que celles-ci s'accumulent dans le temps et projettent différents aspects d'une société, les espoirs du groupe qui les produit, les « intellectuels » et leur analyse de leur temps. Les intellectuels et le Mexique Les intellectuels jouent un rôle Important. Les Mexicains écrivent aux côtés du Prince qu'ils servent; ils sont les véritables porte-parole des aspirations du pouvoir. Leurs propos cherchent à vaincre les résistances, à gagner la confiance et à convaincre les « peuples civilisés » qu'ils sont capables de diriger un pays par la voie de l’« indépendance » 5 et du progrès. Les Français, pour leur part, étendent ce rôle à l'impulsion économique, inaugurant ainsi une nouvelle politique impérialiste. Ils sont solidaires des entrepreneurs, découvrent, valorisent de nouveaux débouchés et mettent en garde contre les obstacles et les dangers que peuvent rencontrer les intérêts français. Quelques-uns se placent sur le seul plan de la culture et conservent un style aventureux. Les moins nombreux -très rares- demeurent des observateurs curieux et compréhensifs. Livres, brochures -où l'on trouve les récits de voyage qui font appel à l'expérience vécue-, presse ou manuels scolaires appris par coeur, toutes ces productions seront à replacer dans le temps, aux moments précis, choisis par les auteurs en fonction de l'actualité et dans une intention ponctuelle. Il nous faudra découvrir les ressorts de tels mécanismes; recherche qu'il conviendra d'élargir à une étude d'impact des images. Ce qui reviendra à s'intéresser aux effets de celles-ci sur les attitudes des contemporains, à leur influence sur une opinion qui peut devenir publique, à leur capacité d'orienter les actions des hommes, enfin aux rapports entre image, imaginaire et opinion publique. Pour notre part, nous tenterons d'aborder, avec un large corpus de publications, différents aspects de cette problématique: l'histoire des publications, qui transmettent des images, l'histoire des images, qui nourrissent 1'imaginaire, et leurs effets dans l'histoire. 6 Les publications Plus de cent vingt publications françaises sur le Mexique, parues pendant la période 1867-1920, ont été recensées dans les principales bibliothèques parisiennes. Comme l'illustre le tableau ci-dessous, i1 s'agit en majeure partie de livres et de brochures -publications fréquemment utilisées au XIXème siècle. On y trouvera encore quelques journaux publiés au Mexique et diffusés en France, ainsi que les premières thèses. Publications française parues de 1867 à 1920 Auteurs Français Mexicain Autres Total Livres 49 14 13 76 Brochures 21 13 1 35 Journaux * 9 9 Thèses 4 1 5 Total 83 28 14 125 SOURCES : Bibliothèques Nationale (80%), de Nanterre (5%), de l'Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine (4%), Cujas, Sorbonne, Saint Geneviève, du Centre de Recherche de l'Amérique latine de Paris-1, de la Fondation Nationale de Sciences Politiques et de l'Institut National de la Recherche Pédagogique. * Les journaux ont été publiés en français au Mexique et diffusés en France. Ils n'eurent qu'une existence éphémère. Leurs auteurs étaient, pour la plupart, des Français. 7 Les Français produisent surtout des livres; tandis que les Mexicains publient autant de livres que de brochures. Les étrangers sont belges (8), allemands (4), anglais (1) ou nord- américains (1). Deux remarques : le nombre des publications n'est pas négligeable -plus de deux par an- et les Français - formant deux tiers des auteurs- sont les plus actifs. Si ce tableau offre un aperçu global, il ne nous dit rien des auteurs, des sujets, ni même des images transmises par ces publications. Comment y parvenir? Avec quel regard? Faut-il faire un tri par origine d'auteur, par sujet, par image ou encore par type de publication? Ces procédés nous ont paru insuffisants parce qu'ils négligent le temps et risquent l'enfermement des différents éléments, au détriment des uns et des autres. Afin d'éviter ces écueils, tracer l'histoire des publications est apparue comme une manoeuvre évidente. Ce qui revient à suivre chronologiquement l'apparition de tel ou tel titre, de telle ou telle image, en établissant des moments ou des périodes selon les concentrations de publications. Cette dynamique est illustrée par le graphique ci-dessous. Nombre de publications : 1867-1919 8 Ce graphique montre le rythme des publications françaises sur le Mexique pendant la période 1867-1920 où l'on découvre les années de forte activité et les années lacunaires. Ces dernières s'étendent jusqu'à 1884; année à partir de laquelle les parutions fleurissent. On notera les années exceptionnelles, telles 1889 et 1900 -qui coïncident avec les Expositions Universelles- ainsi que 1907, 1913 et 1919. Plus précisément, on remarquera que les concentrations se répartissent sur deux périodes: 1884-1900 (48%) et 1905- 1913 (28%). Dans cet article, on se consacrera aux trois premières périodes, 1867-1883, 1884-1900 et 1901-1905. C'est en analysant celles-ci que l'on pourra relier entre elles les différentes images que les auteurs proposent au public. Les Français au Mexique et la reprise des relations : 1867- 1883 La chute de Maximilien fut l'événement le plus tragique pour la France avant la perte de l'Alsace et de la Lorraine. Le Mexique est resté dans l'imaginaire des Français comme un pays qui cherchait son Indépendance, mais où les droits de l'homme ont été foulés aux pieds. En uploads/Litterature/ l-x27-image-du-mexique.pdf
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- Publié le Mai 29, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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