www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Albert COHEN (Grèce – France -
www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Albert COHEN (Grèce – France - Suisse) (1895-1981) Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées (surtout ‘’ Belle du Seigneur’’). Bonne lecture ! 1 Issu d’une dynastie de négociants juifs sépharades installée dans les Îles Ioniennes, appartenant à deux communautés juives (la « pugliese », d'origine italienne - où les dialectes en usage étaient celui des Pouilles et le vénitien ; la grecque qui parlait le grec), il est né à Corfou, le 16 août 1895. Il éprouva un grand amour pour sa mère, qu’il raconta dans ‘’Le livre de ma mère’’ (1968). Alors qu’il avait cinq ans, la famille vint s’établir à Marseille où, pourtant, où elle ne connaissait personne : « Pourquoi Marseille? Le chef de l'expédition [mon père] lui-même n'en savait rien. Il avait entendu dire que Marseille était une grande ville» (‘’Le livre de ma mère’’). Cette émigration à la fois politique (les relations étaient tendues entre les diverses communautés religieuses depuis un pogrom, en 1891) et économique (l'activité de la savonnerie familiale était sur le déclin) constitua une «fracture fondatrice ». De 1907 à 1914, il y fit, au lycée Thiers, des études médiocres, sauf en langues, et se lia d'amitié avec son condisciple, Marcel Pagnol, qui resta, toute leur vie, son meilleur ami. Lui, qui lisait depuis toujours ‘’la Bible’’ et ‘’Les mille et une nuits’’, découvrit Virgile, Dante, Shakespeare, Stendhal, Poe, Dickens, Baudelaire, Dostoïevski. Par une deuxième fracture, il y connut l'antisémitisme, apprenant soudain à quel peuple humilié il appartenait. Il relata cet épisode décisif dans ‘’Ô vous, frères humains’’ (1972). Un jour, alors qu’il rentrait de l’école, un camelot se moqua cruellement de lui en lançant à la cantonnade des plaisanteries sur les juifs, en le traitant de «youpin» : «Quelques minutes auparavant, je m'étais avancé vers la table du camelot avec un sourire d'enfant et je partais maintenant avec un sourire de bossu. Je m'étais avancé en offrant les roses de mon cœur et on m'avait jeté au visage, à mon visage confiant et neuf, un paquet d'immondices. […] Ce fut pour moi un choc inouï. J’ai marché à travers Marseille pendant de longues heures […] Je suis rentré chez moi vers minuit. J’ai tout raconté à mes parents. Ils ont pleuré, coupables d’avoir mis au monde un enfant différent des autres enfants, un enfant voué au malheur.» La blessure n’allait pas se refermer. Il déclara plus tard qu’il n’avait trouvé de salut possible que dans l’amour des femmes et dans sa passion pour l’écriture qui est née de ce qu’il a appelé tout au long de sa vie «le jour du camelot». La conscience de ses origines allait déterminer sa vocation : parler et agir au nom du peuple juif. Cette enfance marseillaise fut entrecoupée, à l'été 1908, d'un retour à Corfou, l'île natale qu’il ne cessa de vénérer, pour un séjour de quinze jours qui furent «les plus importants de [sa] vie» (entretien radiophonique à Radio Lausanne, 1954). Bachelier en 1913, il dut séjourner à Divonne-les-Bains pour une cure, car toute sa vie (troisième fracture) il eut une santé extrêmement fragile, multipliant notamment les crises d’asthme et les allergies. À l’occasion de cette cure, il rencontra une Genevoise qu’il suivit sur les bords du lac Léman, illustant ainsi une constante de sa vie d’homme et d’écrivain, le rôle essentiel qu’y jouèrent les femmes À Genève, tout en participant aux activités du mouvement sioniste, il étudia le droit puis les lettres, de 1914 à 1919, année à la fin de laquelle, un mois après avoir obtenu la nationalité suisse et un mois avant sa prestation de serment d’avocat, il se maria avec la fille d’un pasteur, Élisabeth Brocher, qu’il avait rencontrée en 1918. Déclaré inapte au service militaire pour raisons de santé, en octobre 1920, il gagna l'Égypte, pour un emploi d'avocat stagiaire chez un cousin exerçant lui-même au barreau d'Alexandrie. L'aventure tourna à la mésaventure, le stage n'étant pas rémunéré, mais fut rendue inoubliable par la découverte de Proust, dont il put lire sur place ‘’Du côté de chez Swann’’ et ‘’À l'ombre des jeunes filles en fleurs’’, lecture qui fut un émerveillement. Pour notamment expliquer le judaïsme à sa belle-famille protestante, il publia : __________________________________________________________________________ _______ 2 ‘’Paroles juives’’ (1921) Recueil de poèmes Commentaire On peut déjà percevoir dans ces protestations d'amour d'Albert Cohen pour « son peuple », dans ses appels à la fierté, le mélange de sentiments ambigus qui seront plus tard ceux de Solal : agacement devant des traditions d'un autre temps, culpabilité pour avoir abandonné les siens pour une brillante carrière de fonctionnaire international et un mariage dans la bonne bourgeoisie genevoise, colère face à l'anti-sémitisme rampant en ce début du XXe siècle, volonté de réaffirmer sa solidarité avec les siens. En somme, on trouve dans "Paroles juives" bon nombre de thèmes qu'il développa dans ses oeuvres ultérieures, mais sous une forme nettement moins aboutie. Ces poèmes sont en effet terriblement inégaux, et quelques textes magnifiques de lyrisme et de sensualité alternent avec des passages ronflants et pompeux et dont les relents guerriers sont très loin de l'appel à la fraternité humaine qui fut au centre de ses derniers livres. Ce premier livre fut favorablement reçu par la critique, mais il est le moins bon, et il est surtout intéressant pour les lecteurs déjà familiers de son oeuvre qui pourront ainsi mesurer le chemin parcouru au fil des soixante années et des sept livres qui séparent "Paroles juives" des "Carnets 1978". Extraits «Juifs Je sais vos yeux craintifs Et ce stylet sous la paupière Ce vif acier furtif qui injurie. Je sais vos sourires sous les coups Vos faces baissées Vos mains qui crochent et ne lâchent Et les petits rires dans les coins d'ombre. Je sais. Je sais aussi cette flamme en vos poings Hommes Hommes aimés.» «J'ai ouvert cette figue fraîche J'ai souri de sa chair rose De sa chair douce. Pourquoi cette rougeur en ton front Tandis que je mangeais le beau fruit délicat Jeune fille.» __________________________________________________________________________ _______ En 1921, naquit à Marseille la fille d’Albert Cohen, Myriam. Ayant quitté Alexandrie pour Le Caire, il dut regagner l'Europe en raison d'un début de tuberculose. À bord du bateau du retour, il rencontra Chaïm Weizmann, futur premier président de l'État d'Israël, qui avait lu ‘’Paroles juives’’ et avec qui il se lia durablement. 3 En octobre 1922, il fit paraître, à la N.R.F. : __________________________________________________________________________ _______ “La mort de Charlot” (1922) Nouvelle C'est l'heure du déjeuner, Charlot se met à table, mais son patron, Jéroboam, arrive, et le renvoie garder les vaches. Mais où sont-elles? Sur son chemin, il passe chez Mary, mais son patron arrive, et le renvoie à l'auberge. Là, il attrape des mouches. On amène un riche blessé, et Mary, séduite, préfère «l'élégant blessé». Charlot est triste. Quand cessera-t-il de rêver? Passe l'agent de police : il lui fait un croche-pied ! Il trouve un portefeuille. Il est enfin riche, part en croisière, va au cinéma et se retire à la campagne. Il est condamné à mort alors qu'il sème du blé. «Le couperet siffle et tranche la tête charmante qui roule dans le panier et cligne affectueusement de l'œil …». Commentaire Dans ce texte de jeunesse, grinçant et amusant, parfois grave et souvent émouvant, Albert Cohen évoqua le délire et le sourire intérieur de Charlot, sublime vagabond, mendiant grand seigneur, génie de l'embrouille et de la débrouille. Il y transposa littérairement le rythme sautillant des premiers films de Charlie Chaplin, donnant la parole à un film muet. En effet, on reconnaît bien son personnage fantasque et, derrière la légèreté, ses thèmes : l'autorité brutale du dictateur, l'absurdité des temps modernes, l'amour évidemment, toujours recherché, rarement atteint, le besoin d'utopie, la démagogie, etc.. __________________________________________________________________________ _______ Ce texte décida Jacques Rivière, directeur de la N.R.F., dès leur première rencontre, à Genève, à proposer à ce jeune prodige, qui désirait intensément la réussite littéraire, un contrat pour un premier roman. En 1923, la jeune épouse d’Albert Cohen, Élisabeth, tomba gravement malade : un an plus tard, elle succombait à un cancer, âgée seulement de vingt-neuf ans, première fracture de la vie d'adulte du jeune avocat. À la demande de son ami Weizmann, il prit la direction de ‘’La revue juive’’ (1925), qu'il avait cofondée et où l'on trouvait les signatures de Freud, Einstein, Spire, Max Jacob (qui devint un ami fervent), Pierre Benoit. Publiée par les éditions de la N.R.F., elle cessa de paraître après six numéros, en novembre 1925. Cette année-là, Cohen, qui s'était installé à Paris jusqu'à l'été, pour les besoins de sa revue, rencontra une Genevoise, Yvonne Imer, ancienne amie de sa première épouse. Par l'intermédiaire de Rivière, en 1926, il trouva, à Genève, un poste au Bureau International du Travail (B.I.T.), inaugurant ainsi une carrière de haut fonctionnaire international, et non de diplomate comme on l'a trop souvent répété. En 1926, à propos de “Visions” (texte qui ne fut jamais publié), Max Jacob déclara son admiration et uploads/Litterature/ 105-cohen-albert.pdf
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- Publié le Apv 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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