La fabrique de l’ennemi Georges Lewi Comment réussir son storytelling 5 Sommair

La fabrique de l’ennemi Georges Lewi Comment réussir son storytelling 5 Sommaire Introduction. ........................................................... 9 Première partie Fondamentaux du storytelling Chapitre 1 Qu’est-ce que le storytelling ?. ............................... 17 Chapitre 2 Le storytelling sur Internet : contenu de marque et brand content.................... 35 Chapitre 3 Le storytelling vient des mythes............................. 47 Seconde partie Le storytelling en application : expériences et analyse Chapitre 4 Le storytelling des entreprises. ................................ 71 Chapitre 5 Le storytelling des marques.................................... 85 Chapitre 6 Le storytelling des territoires................................ 107 La fabrique de l’ennemi 6 Chapitre 7 Le storytelling des personnalités publiques............ 121 Chapitre 8 Le storytelling des générations et des individus.... 135 Conclusion. .............................................................. 141 Bibliographie sélective.............................................. 149 Index. ......................................................................... 151 Table des matières..................................................... 155 9 Introduction La vérité, toute la vérité, rien que la vérité ? Pourquoi parle-t-on autant du storytelling ? En 2007, paraît en France le livre de Christian Salmon Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits1. C’est un vrai succès médiatique. L’ouvrage installe le storytelling à la une des médias. Les publicitaires s’emparent du mot. Le Web 2.0 don- nera ses lettres de noblesse au concept par l’interactivité et la pos- sibilité de créer une vraie conversation entre la marque, l’homme politique et leurs publics. L’auteur expose dès les premières phrases sa façon de voir : « Depuis qu’elle existe, l’humanité a su cultiver l’art de raconter des contes et des histoires. Un art au cœur du lien social dans toutes les cultures. Mais qui a commencé à prendre une allure de cauchemar depuis la fin du xxe siècle, quand il a été investi aux États-Unis par les logiques de la communication et du capitalisme triomphant, sous l’appellation anodine de storytelling. » Disons-le tout net : mon ouvrage défend le storytelling même s’il en critique les abus. Le storytelling est la prise de conscience de l’existence d’un ensemble de techniques et d’un art de la conversa- tion au cœur du lien social depuis dix mille ans. Il n’y a pas dans mon esprit de « bon » ou de « mauvais » storytelling. Lors des élections européennes de 2014 en France, seule Marine Le Pen 1. Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte, 2008. La fabrique de l’ennemi 10 utilisa les techniques du storytelling. Seules ses listes ont su « fabri- quer un ennemi » (l’Europe elle-même), règle numéro un d’un storytelling réussi. Les listes « européistes » se sont contentées de faire un bilan des cinquante ans de l’Union européenne sans essayer de définir les défis, les batailles, les fléaux à vaincre dans le futur. Résultat ? Les listes Front national arrivent en tête, devant tous les autres partis, avec près de 25 % des suffrages exprimés. Il est plus intéressant de comprendre les mécanismes du storytelling, de savoir et de pouvoir les démonter pour s’en servir que d’essayer de les nier. Faire un bon storytelling est sans doute la première preuve d’existence et d’affirmation d’un individu ou d’une organi- sation dans son environnement. L’art d’un récit bien construit est d’abord l’art de la clarté et de l’intelligibilité. Or nous savons depuis Boileau, poète et essayiste (1636-1711), que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Selon Roland Barthes, père du storytelling contemporain adapté aux marques, « le récit commence avec l’histoire même de l’humanité. Il n’y a pas, il n’y a jamais eu, nulle part, aucun peuple sans récit1 ». Nier la nécessité du storytelling, même si celui-ci est utilisé pour défendre une cause qui nous déplaît, reviendrait à nier le rôle de la conversation, de la parole elle-même et par conséquent de la vie en société. Le storytelling est une mise en récit dont le déroulement repose sur la structure narrative utilisée dans les contes de fées, les récits fondateurs, les mythes. Raconter une histoire avec efficacité, c’est- à-dire de façon qu’elle soit comprise et surtout mémorisée, repose, en effet, sur ce que les linguistes structuralistes2 ont appelé le « schéma actantiel », à la base du schéma narratif contemporain. Car chaque héros doit « trouver son opposant » pour justifier et pérenniser son rôle, son statut, sa fonction. Umberto Eco, dans 1. Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale du récit », Com- munications, n° 8, 1966. 2. Ferdinand de Saussure (le « précurseur » en 1916), Roman Jakobson en phonologie, Sergueï Kartsevski, Nicolaï Troubetskoï, Vilem Mathesius, Bohuslav Havranek, Louis Hjelmslev, Vladimir Propp et Algirdas Julien Greimas en sémiotique. 11 Introduction Construire l’ennemi (2014), rapporte ce que Gorbatchev aurait dit aux Américains lors de la chute du Mur en 1989 : « Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi ! » Selon le leader de l’URSS, cette absence d’ennemi risquait de son- ner le glas du storytelling de l’Occident. Resté tout à coup seul face à lui-même, celui-ci serait, pour la première fois depuis un siècle, privé de son récit contradictoire et par conséquent de sa propre narration. Mais, comme on le sait, l’Histoire comme la nature ont horreur du vide et, désormais, les nouveaux ennemis ne manquent pas. Un certain George W. Bush et ses conseillers furent particu- lièrement prompts à le comprendre. L’art de la narration est devenu l’art de la persuasion. Les scéna- ristes d’Hollywood et du monde entier se sont approprié le sto- rytelling parce qu’il porte en germe cette qualité particulière : rendre le public avide de connaître la « suite » de l’histoire. Aujourd’hui, la relation entre l’émetteur et le récepteur accorde une part de plus en plus importante à l’interactivité. Pour les marques et leurs consommateurs, la blogosphère apporte ce lien permanent qui permet au client d’avoir le sentiment de participer à l’« expérience de la marque », à donner son avis, à contester, et le plus souvent… à adhérer. Dans cet ouvrage, nous analyserons le storytelling sous toutes ses formes et dans ses développements numériques les plus actuels comme le « brand content » ; nous verrons comment réussir son storytelling en se servant des mythes. Puis nous passerons aux travaux pratiques, en analysant d’abord le storytelling des entre- prises, des marques commerciales et des territoires érigés en marques. Nous terminerons par le « personal storytelling » (ou « personal branding »), celui des personnalités publiques et de tout un chacun. La conclusion sera consacrée au rôle protecteur du storytelling face à d’éventuelles crises. Ces dernières remarques devraient conduire les plus réticents à s’y intéresser. Rien de tel pour commencer une réflexion sur le storytelling que de raconter une belle histoire, comme l’économie sait quelque- fois nous en fabriquer. Certaines entreprises récentes savent très habilement en utiliser tous les registres. Elles transforment un La fabrique de l’ennemi 12 objectif commercial en une « grande cause » et, à coup sûr, en pleine réussite. Dans un univers aussi gigantesque que l’agroali- mentaire, où se faire une place est particulièrement difficile et surtout onéreux, le storytelling a permis à quelques nouvelles entreprises de prendre une part de marché significative. Leurs fondateurs, parfaits adeptes de la narration maîtrisée, ont réussi le pari difficile d’imposer une marque venue de nulle part. Grâce à cela, ils ont pu valoriser assez rapidement leur intuition, leur créa- tivité. Michel et Augustin comme Innocent font partie de ces « experts » du storytelling dans des univers où il n’y avait pas, a priori, de place pour eux. Focalisons-nous, donc, sur la réussite exemplaire de la marque de smoothies « Innocent, les fruits tout nus ». Elle a pour logo une pomme grossièrement dessinée, pourvue de deux yeux et d’une auréole qui évoque la figure d’un sympathique angelot. La défini- tion du mot « innocent » – « qui ignore le mal, est pur et sans malice » – apporte aussi à la marque cette connotation angélique. Sur son site officiel et sous la rubrique « Notre histoire », un très beau récit qui nous est conté. La vérité, toute la vérité, rien que la vérité Bonjour, Nous sommes Innocent et nous faisons des smoothies. Qu’est-ce qu’un smoothie ? Eh bien, c’est un mélange de fruits mixés et de purs jus de fruits frais. C’est tout. Nous avons beau chercher, nous n’avons rien trouvé d’autre. Pour tout vous dire, nous appelons nos smoothies innocent parce qu’ils sont 100 % purs, 100 % fruits et 100 % naturels. Nous n’utilisons pas de conservateurs, pas de colorants, pas d’additifs bizarres, pas de jus concentrés, pas de sucre et pas d’eau. Nos smoo- thies ne contiennent que des fruits, et ça ne risque pas de changer. Simple, n’est-ce pas ? Maintenant que vous savez ce que nous faisons, laissez-nous ajouter une petite précision. Nous vous promettons que nos smoothies seront toujours beaux, bons et vous feront du bien. Et nous ne tricherons jamais aux Monopoly. Voilà. Vous savez tout. Il était une fois… … trois jeunes hommes entre 20 et 30 ans fraîchement diplômés, Richard, Jon et Adam. Ils ont inventé leurs premières recettes de smoothies pendant l’été 1998 et les uploads/Litterature/ la-fabrique-l-x27-ennemi-comment-reussir-son-storytelling.pdf

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