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- - - - H Jnal~iJl np iJA!l~iJdSJiJd vI LNZlWZlNDIZlSNZl LZl WflLnI3LLI7 ., 886l SHV'W/H3/H/\}:i SNOLLtlJ/7ddtlEl 3QNOW 31 S3H9tJ3HJ3tJ SNVQ SIV~NtfI:I:I 31 /e!J?ds OJ?wnu . - Denis Bertralld HI:::LC-( "11 ': 1' La transparence d'un texte Exercice de lecture sémiotique O n a beaucoup parlé, en matière de littérature, des «lectures plu rielles», et on en parle encore. Cette expression est source de bien des ambiguïtés. Nous préférerions dire que toute lecture fixr! ou doit fixer son ordre de pertinence particulier. Nul ne conteste la diversité des projets de lecture : ils correspondent à des ordres de pertinence distincts et appellent des formes de comportement, de curiosité, de finalité, de compréhension et de plaisir différents. Ainsi, on peut prévoir par principe qu'à chaque ordre de pertinence corres· ponde une certaine cohérence. Ici, notre projet est de chercher à comprendre et à décrire la cons truction du sens qu'on effectue en lisant ou en écrivant : déployer dans leur texture les mille et une opérations, à la fois locales et générales, qui produisent la signification textuelle. Ce projet est celui, vaste et ambitieux, d'une sémiotique de la lecture. Plus précisément, puisque la sémiotique des textes existe comme discipline et que sa méthodologie continue à surprendre et parfois à indisposer, nous proposons de montrer et d'expérimenter la lecture sémiotique d'un texte. Présentation aussi méthodique que possible de la genèse d'une démarche qu'accompagnent, chemin faisant, des suggestions pédagogiques pour le travail sur la textualité littéraire en français lan gue étrangère. Insistons: cette démarche n'entend pas être exclusive d'une lec ture différente. Dans l'aval de la lecture, on le sait assez, de nouvelles relations entre le texte et ses lecteurs peuvent être toujours et indéfi niment suscitées. Mais notre parcours, plutôt orienté vers l'amont, tente de saisir les formes signifiantes en elles-:mêmes et de décrire ce qui règle en sous-main leur évidence fragile et leur cohérence. En recherchant la proximité absolue avec la signification textuelle, nous voulons circonscrire le lieu où s'établit l'accord de la compréhension. Cet «effort-amont» est d'abord un exercice progressif d'expérimen tation. Mais une hypothèse plus générale le guide : nous aimerions en effet pouvoir dégager les réseaux de référence interne qui forment à nos yeux une caractéristique centrale des textes littéraires, en défi nissent la clôture particulière, en assurent l'autonomie relative et '- dont ln description d(~ vr i.li1. pormettrc-) d(-~ pr 6 ci ~ o l lu;} rO I,/l 1I1I, cI'trno «richesse» intuitivement perçue. C'est ainsi que ceuu t1 Xpl()IIIIIOn du texte en lui-même n'est pas indifférente au plaisir de la locture. Elle en est une des formes possibles et cela suffirait à justifier cette vie si dure qu'a, dans la tradition française, « l'explication de textes». Celle ci, convenablement conduite, est au départ un ressassement eupho rique de relectures. Nous proposons donc de lire un texte, extrait du Chercheur d 'or de J.-M. G. Le Clézio. AGALEGA Il m'a dit : «Connaissez-vous la reine des îles?» Il a demandé cela en anglais, et j'ai répété : (( La reine des îles?» (( Oui Monsieur, Agalega. On l'appelle ainsi parce qu 'elle est la plus salubre et la plus fertile de l'océan Indien.» J'ai cru qUII allait en dire davantage, mais il s 'est tu. Il s'est sim plement carré dans son fauteuil et il a répété d 'un air rêveur: (( La reine des îles ... » Le timonier a haussé les épaules. Il a dit, en français: (( L 'île des rats. C'est plutôt comme cela qUII faudrait l'appeler. » Alors il commence à racon ter comment les Anglais ont déclaré la guerre aux rats, à cause de l'épidé mie qui se répandait d 'île en île. (( Autrefois, il n'y avait pas de rats sur Aga lega. C'était aussi un peu comme un petit paradis, comme Saint Brandon, parce que les rats sont des animaux du diable, il n 'yen avait pas au paradis. Et un jour un bateau est arrivé sur /'île, venant de la Grande Terre, personne ne sait plus son nom, un vieux bateau que personne ne connaissait. Il a fait naufrage devant nie, et on a sauvé les caisses de la cargaison, mais dans les caisses il y avait des rats. Quand on a ouvert les caisses, ils se sont répan dus dans nie, ils ont fait des petits, et ils sont devenus tellement nombreux que tout était à eux. Ils mangeaient toutes les provisions d 'Agalega, le maïs, les œufs, le riz. Ils étaient si nombreux que les gens ne pouvaient plus dor mir. Les rats rongeaient même les noix de coco sur les arbres. ils mangeaient même les œufs des oiseaux de mer. Alors on a essayé d 'abord avec des chats, mais les rats se mettaient à plusieurs et ils tuaient les chats, et ils les mangeaient, bien sûr. Alors on a essayé avec des pièges, mais les rats sont malins, ils ne se laissaient pas prendre. Alors les Anglais ont eu une idée. Ils ont fait venir par bateau des chiens, des fox-terriers, on les appelle comme ça, et ils ont promis qu 'on donnerait une roupie pour chaque rat. Ce sont les enfants qui grimpaient aux cocotiers, ils secouaient les palmes pour faire tomber les rats, et les fox-terriers les tuaient. On m 'a dit que les gens d'Agalega avaient tué chaque année plus de quarante mille rats, et il en reste encore! C'est surtout au nord de l'île qu'ils sont nombreux. Les rats aiment beaucoup les noix de coco d 'Agalega, ils vivent tout le temps dans les arbres. Voilà tout, c'est pour ça que votre queen of islands ferait mieux d'être appelée /'île des rats. )) Le capitaine Bradmer rit bruyamment. Peut-être que c 'est la première fois que le timonier raconte cette histoire. Puis Bradmer recommence à fumer. dans son fauteuil de greffier, les yeux plissés par le soleil de midi. {1] Le narrateur, Alexis, s'est embarqué à l'île Maurice, sur le Zéta que commande le capitaine Bradmer. Il doit se rendre, au terme d'une longue déambulation dans l'océan Indien, à l'île Rodrigues. Son but: '71" :I,...,nrcy,- , , -, - " , -, ..... D'7t:-.-u ""'" y ( i 6couvrir un 1 ;ll>lllolix Irt;sor Lu scène se situe quelque part au milieu du voya ~le. Le texte est transparent : un monde surgit sous nos yeux, bien ordonné, magnifiquement lisible. Or, pour le regard critique, il y a là un motif d'étonnement: qu'est-ce qui fonde cette impression de limpidité? Quelles sont les raisons de cette efficacité? Pourquoi cela marche-t-il si bien? Pour répondre à ces questions, un premier geste s'impose: se détacher des impressions référentielles que laisse si volontiers la lecture en fixant une histoire d'une évidente simplicité, pour dégager la formation interne du sens qui, dans le tissu de ses relations, produit avec netteté une image du monde. Il s'agit donc de faire retour sur l'écriture ou, plus précisément, de montrer que la «transparence» du texte est corrélée avec l'opacité et la résistance du langage. Aussi notre analyse, à la manière d'une spirale, passera et repassera successivement sur les différents sites du texte, en inté grant au fur et à mesure, selon une progression didactique, les élé ments qui le soudent en une forme unique et achevée. Nous parti rons de la manifestation verbale, linéaire et d'emblée accessible à l'observation; nous isolerons ensuite le récit enchâssé d'Agalega et procéderons à son étude en trois temps: une paraphrase figurative, une description narrative plus abstraite, une analyse conceptualisée enfin. De cette dernière nous attendons qu'elle nous rende la beauté du texte: sa « poéticité». La manifestation verbale Les opérations traditionnelles de segmentation reposent sur des repérages liés à la disposition matérielle des données discursives. On peut en tirer des observations concernant l'organisation et la clôture du texte, mais, comme on va le voir, cette « clôture» ne se limite pas, loin de là, à la reconnaissance empirique d'une segmentation super ficielle. Si l'on cherche donc à faire éclater le premier ensemble textuel en unités plus petites (en sous-paragraphes par exemple), on s'aperçoit aisément qu'une hiérarchie s'installe : tout d'abord deux blocs se détachent, de part et d'autre de : « Autrefois ( ... )) Chacun des deux ensembles se laisse ensuite séparer en sous-unités que distinguent . des seuils faciles à repérer: ceux-ci déterminent l'avènement d'une nouvelle isotopie - ou nappe homogène de signification - régis sant l'unité jusqu'à l'irruption d'un nouveau seuil. Seuils ou ruptures, car chaque fois quelque chose commence à cet endroit et quelque chose finit : on nomme « débrayages» ces menus événements qui [1J J. -M.G. Le Clézio, Le Chercheur d'or, Paris, Gallimard, 1985, p. 130. · ···· scandent la surface linéaire du texle. Ce Lenne, d'"IIuro rn6cani que, désigne en réalité une opération subtile, liée à l'énonciation elle même: elle concerne l'installation des catégories de la personne, du temps et de l'espace. Tout un jeu en découle: si l'on considère par exemple le débrayage personnel, on comprend que l'énonciation consiste en une projection «hors de soi» de la uploads/Litterature/ la-transparence-dun-texte-21988.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 09, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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