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HAL Id: halshs-00104914 https://shs.hal.science/halshs-00104914 Submitted on 9 Oct 2006 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La structure interne des racines triconsonantiques en berbère tachelhit Mohamed Lahrouchi To cite this version: Mohamed Lahrouchi. La structure interne des racines triconsonantiques en berbère tachelhit. Salem Chaker; Amina Mettouchi; Gérard Philippson. Études de phonétique et linguistique berbères : Hom- mage à Naïma Louali 1961-2005, Peeters, 2009, 978-90-429-2246-4. halshs-00104914 1 La structure interne des racines triconsonantiques en berbère tachelhit Mohamed Lahrouchi Chargé de recherches UMR 7023-CNRS-Univ. Paris 8 L’une des propriétés saillantes des langues afroasiatiques est l’abondance dans leur lexique de racines triconsonantiques1. La majorité de ces racines est issue, selon certains linguistes (cf. Gesenius-Kautzsch 1910, Diakonoff 1970, Weil 1979, Tobin 1990, Zaborski 1991, Elmedlaoui 1994, Bohas 1997), de racines biconsonantiques2. Elles contiennent, en outre, des segments spécifiques qu’Ibn Jinni (-1002) appelle, dans le cas de l’arabe classique, Al moutlaqaat 3. A ce triconsonantisme prédominant s’ajoutent des contraintes sur le type de segments que la racine peut contenir : une racine ne peut pas, par exemple, contenir des consonnes homorganiques (cf. Greenberg 1950). Le berbère et le sémitique, et plus particulièrement l’arabe classique, convergent sur ces points. Ils divergent, en revanche, sur la nature des segments et leur position dans la racine. Tandis qu’en arabe classique une racine triconsonantique peut n’être composée que d’obstruantes sourdes (exemples : kSf « découvrir », kfs « être bancal », ksf « être ou devenir noir »), en berbère une racine bien constituée contient au moins une sonante. De surcroît, la position de cette sonante Je remercie pour leurs commentaires et discussions Jean Lowenstamm, Joaquim Brandão de Carvalho, Cédric Patin et les participants au GDR phonologie 2004. Il est bien évident que je demeure le seul responsable des erreurs que peut contenir ce travail. 1 M. Cohen (1947, p. 58) : « Les racines du sémitique ont été étudiées de près par les linguistes. On sait qu’elles sont en très grande majorité composées de trois consonnes ; on les nomme trilitères. ». Voir aussi D. Cohen (1972, 1988). 2 Pour une approche différente, cf. entre autres M. Cohen (1947). 3 Il s’agit des consonnes suivantes qui sont majoritairement des sonantes : / l r n m b f/. Les obstruantes /b, f/ résulteraient d’un changement phonétique bien connu en sémitique par lequel m > b > p/f (cf. Moscati et al. 1964, p. 24). 2 dans la racine est contrainte : le plus souvent, elle suit une obstruante. Le tableau en [1] résume ces propriétés : [1] Nous nous intéresserons ici à ces contraintes qui distinguent le berbère tachelhit de l’arabe classique. Nous examinerons les restrictions qui pèsent sur les segments dans les racines verbales triconsonantiques. Nous proposerons que ces racines sont fondamentalement binaires en ce que seulement deux de leurs segments obéissent à des contraintes de nature et de position. Dans la section 1, nous discuterons brièvement la notion de « racine » en afroasiatique et en indoeuropéen. Nous évoquerons le débat qu’elle suscite dans le domaine du berbère. En section 2, nous présenterons les données. L’analyse proprement dite figure dans la section 3 : nous proposerons un modèle théorique qui rend compte des contraintes observables sur la composition segmentale des racines triconsonantiques du berbère tachelhit. L’idée est que ces racines ont une structure interne hiérarchisée, dotée d’une tête et d’un complément. Dans la section 4, nous verrons comment cette structure 4 Quelques exceptions, quoique rares, sont à noter : bzg « être gonflé », bzd÷ « uriner », kwSd÷ « avoir l’impression », kwfs « semer ». Elles ne représentent que 5 % des données examinées. Nous reviendrons en détail sur ces cas dans les sections suivantes. Composition segmentale de la racine triconsonantique berbère tachelhit arabe classique Composition contrainte ⇓ Composition libre ⇓ Au moins une sonante dans chaque racine4 Obstruantes sourdes ex. 3kSf « découvrir » Ordre contraint ⇓ Ordre libre ⇓ Dans la racine, au moins une sonante est précédée d’une obstruante 3lms « toucher » 3mrd÷ « être malade » 3mlk « posséder » 3 conditionne le choix de la consonne qui gémine au thème de l’inaccompli. 1. Qu’y a-t-il dans une racine ? L’un des problèmes récurrents dans la linguistique du berbère concerne le statut de la racine et son rôle dans la formation des mots. Les opérations morphophonologiques en usage dans cette langue rendent opaque le rôle de cette entité dans le système grammatical et posent les questions suivantes : que met-on dans une racine ? Quelle place lui accorde-t-on dans le lexique ? Quel usage morphologique en fait-on ? Dans les langues indoeuropéennes, la racine est grosso modo définie comme l’unité lexicale minimale qu’un ensemble de mots partagent. Elle contient indifféremment des consonnes et des voyelles : par exemple, raison, raisonner, raisonnement et raisonnable partagent la racine raison tandis que nautique et nautisme partageraient, dans une certaine mesure, la racine non autonome naut-5. En sémitique, en revanche, on admet que les mots qui sont apparentés sémantiquement et morphologiquement partagent une même racine, constituée entièrement de consonnes discontinues et véhiculant un sens général. Avec l’avènement de la phonologie dite autosegmentale ou multilinéaire, dans les années 1970, la racine acquiert un statut de morphème à part entière, exprimé à travers les représentations multilinéaires où l’on distingue le niveau de la racine des autres niveaux morphémiques (cf. McCarthy 1979, 1981). Ainsi, par exemple, la racine ktb « écrire », associée à la mélodie i-a et au gabarit CVCVVC dérive la forme kitaab « livre », représenté ci-dessous en [2] : [2] k t b | | | C V C V V C | \ / i a 5 Nav- qu’on isole dans navire, naviguer, naval et perm- qu’on trouve dans perméable, imperméable, perméabilité, perméabiliser pourraient aussi être analysés comme des racines non autonomes. 4 La même racine associée à la mélodie inverse a-i et au gabarit CVVCVC dérive, cette fois-ci, la forme kaatib « écrivain ». Ce jeu très productif, consistant à réunir plusieurs ingrédients dans une même représentation pour aboutir à une forme donnée, place la racine au cœur du système morphologique du sémitique et, en particulier, de l’arabe classique. Des arguments provenant de divers domaines linguistiques appuient l’idée de la racine comme morphème à part entière composé uniquement de consonnes. Les jeux de langage fournissent une partie de ces arguments. Les travaux de McCarthy (1981, p. 379 ; 1991, p. 12) démontrent, dans ce domaine, la capacité qu’ont les locuteurs qui pratiquent ce type de langages à extraire et à manipuler les consonnes qui composent la racine. On cite comme exemple le jeu de langage de l’arabe pratiqué par les bédouins du Hijaz. Ce jeu consiste à extraire et à permuter les consonnes radicales. Une forme verbale comme kattab « il a fait écrire » peut être rendue par l’une des formes suivantes : battak, kabbat, tabbak, bakkat, takkab. La racine garde toutes ses consonnes ; seul leur ordre change. Les études menées sur les pathologies du langage tels que l’aphasie fournissent d’autres arguments. Prunet et al. (2000) montrent qu’un sujet bilingue arabe – français, atteint d’une forme de dyslexie, produit plus d’erreurs de métathèse en arabe qu’en français. De plus, les métathèses produites en arabe n’incluent que les consonnes radicales et pas affixales : /i-t-imaal > /i-t-ilaam « probabilité », fuqar-aa/ > furaq-aa/ « pauvres », ma-sba > ma-bas « piscine ». Les auteurs suggèrent par là que le sujet dyslexique a directement accès à la racine du mot. Le contraste que pose la notion de racine entre les langues indoeuropéennes d’un côté, et les langues sémitiques, de l’autre côté, reflète l’opposition classique entre les langues à morphologie concaténative et celles à morphologie non-concaténative. En berbère, en revanche, le débat autour de cette notion est moins tranché. Bon nombre de linguistes (cf. entre autres Cantineau 1950 et Galland 1988, 2002) lui accordent un statut comparable à celui qu’elle a en sémitique. D’autres comme Kossman (1997, p. 130) soulignent l’insuffisance, dans certains cas, de la racine comme entité composée exclusivement de consonnes. Il donne l’exemple de l’aoriste qu’il décrit comme une forme indivisible où voyelles et consonnes coexistent. Le débat est probablement lié à ce que 5 cette langue possède un système morphologique hybride situé à la frontière de la morphologie non-concaténative, de type sémitique, et de la morphologie concaténative, de type indoeuropéen. D’un côté, on s’accorde à analyser, par exemple, dl « couvre ! », idla « il a couvert », amdlu « nuages » et imdl « couvercle » comme étant constitués d’une racine dl à laquelle s’ajoutent des morphèmes consonantiques et vocaliques. D’un autre uploads/Litterature/ lahrouchi-hommage-n-louali-la-structure-interne-des-racines-triconsonantiques.pdf
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- Publié le Dec 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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