Le concept d’espace dans les théories du récit Jaafari Ahmed (Prof) [942 msg en

Le concept d’espace dans les théories du récit Jaafari Ahmed (Prof) [942 msg envoyés ] Publié le:23-05-13 Lu :3604 fois Rubrique :Crmef,ENS,Université  4.0 stars  1  2  3  4  5 5 votes 4/5 Par Abdallah MADRHRI-ALAOUI Nous proposons d’aborder la question du statut de l’espace dans les théories du récit sous deux angles différents mais complémentaires : l’Espace en tant qu’objet des théories du récit et les théories du récit en tant qu’objet de l’espace. I- L’Espace en tant qu’objet des théories du récit : Nous rappelons très brièvement la différence entre théorie du récit et analyse du récit. La théorie du récit consiste à construire un corps de concepts pour l’étude d’un objet ( ici, le récit), à partir d’un objectif défini , et selon des garanties de rigueur sur un double plan : - Sur un plan interne : définition, systématisation et cohérence entre les concepts. - Sur un plan externe : adéquation des concepts à l’objet étudié. L’analyse du récit consiste à décrire tel ou tel objet narratif (par exemple l’espace urbain dans une ou plusieurs œuvres) en se fondant sur l’éclairage plus ou moins explicite , plus ou moins cohérent d’une ou de plusieurs théories du récit. Dans le cas de la théorie du récit, l’espace est un concept métalinguistique qui sert à cerner l’objet narratif topographique (lieux, sites, villes, etc.) et à en saisir la signification. 1- L’espace dans les analyses du récit : Les analyses du récit portant sur l’espace en tant qu’objet narratif ( comme celles sur le temps, deuxième domaine essentiel de l’analyse du récit) sont nombreuses et variées et certaines sont d’un grand intérêt. Le reproche qu’on peut faire à la plupart des travaux sur l’espace est leur caractère méthodologique souvent hétérogène ou empirique : - Le notion d’espace est vue à travers la signification qu’elle a dans des domaines variés comme la peinture (« tableau », « paysage »…) la musique ( le « rythme », la « mélodie », la sociologie ( le paysage comme reflet de l’individu et de la société …) , la psychanalyse : on peut citer comme illustration la synthèse présentée par R. Bourneuf et R. Ouellet sur l’espace (1972 : Chapitre 3) (A. Bourneuf et R. Ouellet , L’univers du roman, Paris, P.U.F., 1972) D’autre part, certains travaux essaient d’analyser l’espace de manière empirique : description et classification minutieuses du topos ( matérialité, figures, valeurs) dans tel ou tel roman avec des critères ad hoc , résultant de l’observation du fait narratif , mais ces travaux pêchent par la non articulation de l’objet spatial avec les autres objets narratifs d’un point de vue théorique clair et cohérent , ou alors ils s’intéressent à l’objet spatial d’un point de vue théorique qui n’a pas été initialement prévu pour ce dernier dans la théorie d’emprunt. Il y a donc deux tendances dominantes : - La babélisation méthodologique et théorique, - L’empirisme analytique sans vision claire et cohérente. Ceci contraste avec les études sur le temps narratif qui partent souvent d’une théorie globale : d’une étude à l’autre, on trouve une démarche soit identique soit au moins proche. Le comportement différent du chercheur selon l’objet d’analyse s’explique par le statut théorique inégal des deux. 2- L’espace dans les théories du récit : Il s’agit de l’espace en tant que concept métalinguistique servant à éclairer la réalité et le fonctionnement du topos en tant qu’objet narratif. Dans cette acception, il a une place marginale, dans les différentes théories du récit : narratologiques et sémiotiques (contrairement au concept de temps). Parmi les arguments avancés, deux dominent : - Le concept est trop lié au référent , d’où risque de dérapage de la fiction au réel. Cette position a été systématisé par Ph. Hamon qui pense que la manipulation du concept d’espace renfermerait « les études littéraires dans une problématique référentielle sans issue » (Ph. Hamon ; 1981 : 13 : Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette , 1971,p.133//Le personnel du roman, Droz, 1983// Texte et idéologie, P.U.F., 1984).Aussi , tente-t-il de construire une approche textuelle de l’espace qui s’appuie sur la lexicologie , la sémiotique et la théorie de l’énonciation et qui permet de concevoir l’espace textuel de façon autonome par rapport à l’espace référentiel : dans le personnel du roman, texte et idéologie et surtout Introduction à l’analyse du descriptif. - Un récit peut se passer de l’espace , mais ne peut se passer du temps ( argument plus solide ,bien que pas totalement fondé, puisqu’il est rare de trouver des récits sans ancrage spatial). Pour l’essentiel , c’est-à-dire la pertinence du concept du temps pour l’existence du récit , ce point de vue est juste ; celui , entre autres , de Lukas, J.P Sartre, G. Genette… ; c’est l’un des fondements de la thèse développée par P. Ricœur dans 3 tomes de Temps et récit : « Le monde déployé par toute œuvre narrative est toujours un monde temporel (…) : le temps devient temps humain dans la mesure où il est articulé de manière narrative ; en retour , le récit est significatif dans la mesure où il dessine les traits de l’expérience temporelle »( P. Ricœur , Temps et récit , T. 1, p. 17, Paris , Seuil , 1983). À la lumière des différentes théories du récit, nous constatons que celui-ci est en effet considéré avant tout en tant que procès, et donc directement déterminé par le temps conçu comme fonction (V. Propp), programme (A. Greimas), ensemble d’opérations logique d’une narrative (C. Bremond), diégétique et énonciatif (G . Genette), événement pragmatique (H. Weinrich)… C’est pourquoi dans les modèles proposés , la catégorie temporelle a une place capitale ; par contre , le concept spatial n’est pas retenu comme une catégorie narrative ; ou alors il ne l’est qu’incidemment comme conséquence de la catégorie temporelle ; on le trouve en effet contenu dans la définition du concept de « description » chez Genette dans « Frontières du récit » ( G. Genette, Frontières du récit, in figure II, Paris, Seuil, 1969, pp. 49- 69) : la description est considérée comme l’opération qui dans le récit arrête la « succession…temporelle des événements », en représentant « des objets simultanés et juxtaposés dans l’espace " ; comme on le voit la manifestations de la spatialité n’apparaît que comme un arrêt du récit qui est défini par le critère temporel. Dans « Discours du récit » (G ; Genette, « Discours du récit », in Figure III, Paris, Seuil , 1972, pp. 67- 272), la description ( qui donne relativement une place au concept d’espace dans la théorie narrative) se trouve nettement située dans le champ du temps , plus exactement dans la durée, et elle est définie négativement et nettement par référence au temps. On retrouve la même position dans les approches sémiotiques , types Greimas, qui tout en analysant l’espace ( dans les nouvelles de Maupassant « les deux amis » , ou « la ficelle » , le soumet à la dimension temporelle du récit : ainsi dans « Description et narrativité » (A. Greimas : « Descriptions et narrativité » in Documents de recherche du G.R.S.L., E.H.E.S.S., numéro 13, 1980), l’espace ne fait que reproduire , en mise en abyme , l’ordre des événements du récit et leur temporalité. C’est autour de la question de la description de l’espace que certains travaux, sur le plan théorique et analytique, cherchent à émanciper l’espace de sa dépendance de la catégorie temporelle, et réfléchissent à son fonctionnement dans le récit sur le plan sémiotique et linguistique. Ces travaux sont centrés sur la littérature réaliste (19°s) ou néo-réaliste : - D. Bertrand, L’espace et le sens, (H. Benjamins, 1985), - Ph. Hamon, Introduction à l’Analyse du descriptif (Paris, Hachette, 1971), - H. Mitterand , Le discours du roman (P.U.F., 1980) Sur la littérature néo-réaliste du nouveau roman, on peut citer : - R. Barthes, en particulier son article sur « l’effet du réel » (in littérature et réalité, Seuil), - Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman,(Ed. de Minuit, 1963), - Ricardou, Problème du nouveau roman, (Paris, Seuil, 1967). Tous ces travaux ont accordé de l’importance à l’espace en tant qu’écriture et non en tant que thématique. En conclusion, sur ce premier point, on peut dire que le concept d’ « espace » a reçu un faible intérêt dans les théories du récit sémiotiques et narratologiques ; certaines réflexions ont néanmoins développé d’une manière locale divers aspects du concept (local : parce que non articulé à la réflexion d’une théorie globale du récit, et parce que limité à un champ réduit de la littérature : l’objet descriptif fondamentalement dans le texte réaliste). II- Les théories du récit en tant qu’objet de l’espace : Jusque là le concept de l’espace a été étudié en tant que concept du métalangage théorique servant à éclairer la réalité du récit ; voyons maintenant comment ce concept a servi à construire la théorie elle- même. En somme, nous uploads/Litterature/ le-concept-d.pdf

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