1 Théâtre de la Tête Noire / Semaine Text’Avril Journée professionnelle Le secr

1 Théâtre de la Tête Noire / Semaine Text’Avril Journée professionnelle Le secret et l’intime Dramaturgies et confusions contemporaines Mercredi 31 mars de 10h30 à 18h00 Contact Théâtre de la Tête Noire 144, ancienne route de Chartres 45770 SARAN T : 02 38 73 14 14 contact@theatre-tete-noire.com 2 Sommaire Journée animée par Jean-Pierre Ryngaert Le secret et l’intime : dramaturgies et confusions contemporaines. / Jean-Pierre Sarrazac..................................... 1ère table ronde Claudine Galea, auteure............................................................................................................................................ Sébastien Harrisson *, auteur.................................................................................................................................... Claudius Lünstedt, auteur.......................................................................................................................................... Stéphanie Marchais, auteure..................................................................................................................................... William Pellier, auteur................................................................................................................................................ 2e table ronde Damien Bouvet, auteur en scène .............................................................................................................................. Patrice Douchet, metteur en scène ........................................................................................................................... Michèle Guigon, comédienne et metteure en scène.................................................................................................. François Havez.......................................................................................................................................................... Françoise Lebrun, comédienne ................................................................................................................................. Franck Mas, auteur et comédien ............................................................................................................................... Jean - Michel Rivinoff, metteur en scène................................................................................................................... « - Je voulais te dire : ce que je t’ai raconté ; là, cette histoire…C’est mon secret. Tu comprends ? - Oui. Et après… - A toi je ne veux pas dire : « je t’en prie, ne le répète pas… » - Oui. Mais maintenant ton secret est devenu aussi mon secret. Et je me comporterai avec lui comme avec tous mes secrets : j’en disposerai au moment venu. Et il deviendra le secret d’un autre. Il faut que les secrets circulent… » Hérvé Guibert/ L’Image fantôme 3 L’intime dans les dramaturgies contemporaines. Intervention de Jean-Pierre Sarrazac : C’est en 1989 que j’ai abordé la question de l’intime dans Théâtres intimes. Je m’empresse de préciser que l’intime n’est pas une catégorie ou un genre. L’intime est une instance, une valeur en quelque sorte, une certaine intensité, une sorte de pulsion, de dimension du théâtre, qui se combine avec d’autres et tout particulièrement avec la dimension du politique. Théâtres intimes est un ouvrage en trois volets. Le premier concerne Strindberg, Ibsen et O’Neill. Le troisième est plus contemorain : il y est question de Duras, de Beckett, de Bernhard. Le deuxième est un parcours du XXe siècle qui relie le contemporain au moderne. A l’opposé des historiens qui parlent d’un « bref XXe siècle » qui commencerait à la fin de la guerre de 1914 et s’achèverait avec la chute du mur de Berlin en 1989, je parlerais, pour ce qui est de la dramaturgie, d’un « long XXe siècle » qui commencet dans les années 1880 avec des auteurs qui abordent justement l’intime, comme Maeterlinck, Tchekhov, Strindberg ou Ibsen, et qui n’est toujours pas achevé aujourd’hui. Je vous annonce cette nouvelle : du point de vue dramaturgique, nous sommes encore au XXe siècle. Quand j’ai publié ce livre dans la collection dirigée par Georges Banu, il n’a pas eu beaucoup d’échos – contrairement à L’avenir du drame – et a même rencontré une attitude de déni, de la part même d’amis très proches. Il a créé du débat. Ainsi, un des auteurs sur lesquels j’avais écrit et qui est un ami, s’est inscrit en faux contre cette idée d’un théâtre de l’intime ou intime. Voici ce qu’il a écrit : « Le théâtre semble se retirer toujours d’avantage de l’espace public, de la cité, pour se retrancher dans le privé. Pour l’essentiel, le théâtre de la fin des années 80 et du début des années 90 est privé, dans un sens toutefois qui n’est pas seulement économique. Si le théâtre est d’abord privé, c’est qu’il est privé de cité et privé d’art. ». C’est assez polémique. C’est une citation de Michel Deutsch, protestant contre la percée d’un théâtre de l’intime, alors que dans mon acception, il faisait un théâtre largement inscrit dans cette tension entre l’intime et le politique – « politique » étant bien sûr à prendre au sens le plus large du vocable, c’est-à-dire l’affaire de la cité. Je me demande aujourd’hui s’il pourrait encore manifester ce désaccord comme tel. En tous les cas, pour moi, le théâtre de l’intime n’est absolument pas le théâtre du privé ou le théâtre de l’intimisme. La troisième partie de mon livre Théâtres intimes portait sur des auteurs comme Duras ou Thomas Bernhard. L’intime et le politique 4 Prenons par exemple une pièce comme Avant la retraite, qui est sans doute l’une des plus belles de Thomas Bernhard.1 La pièce est une sorte de cérémonie intime qui a une teneur totalement politique, qui raconte que l’Autriche et l’Allemagne sont des pays qui ne sont pas vraiment guéris du nazisme – on retrouve l’hyperbole bernhardienne, le côté satirique et l’exagération volontaire qui consiste à faire comme si le nazisme était toujours là. Voyez que là, l’intime est entièrement connecté au politique et je dirais que le politique passe forcément par l’intime. Au théâtre, il n’y a pas de hiérarchie entre les plus petites choses et les plus grandes, entre ce que dans la vie l’on considère comme majeur (le gouvernement du pays, la politique internationale) et une petite scène de ménage. Finalement, il y a parfois plus à apprendre sur notre vie et sur la dimension politique de notre vie dans une scène de ménage que dans l’évocation « objective » de la politique et des affaires d’Etat. Cette « dé-hiérarchisation » fondamentale du théâtre est peut-être un aspect auquel les gens de gauche dont je suis ne pensent pas assez. Ce n’est pas parce que l’on aborde une grande question que l’on est plus politique et plus percutant. Je me souviens d’une phrase de Roland Barthes que j’avais mise en exergue de Théâtres intimes : « Tant qu’il y aura des scènes de ménage, il y aura des questions à poser au monde. ». L’intime nous entraîne vers tout autre chose que lui-même, il embrasse autre chose que lui-même. D’ailleurs, que signifie intime ? Si l’on prend l’étymologie, « intime » vient de « intimus » qui est un superlatif en latin, c’est-à-dire le plus intérieur, l’intérieur de l’intérieur, le « super – intérieur ».Or, l’intérieur de l’intérieur, c’est la relation la plus forte à ce qui nous est extérieur, à l’altérité ; c’est-à-dire que l’intime, c’est ma relation aux valeurs, au politique, à la lignée, à la descendance, enfin à toute cette trame du symbolique qui est en palimpseste de nos vies. Rilke dit : « Le monde est grand, dit-on, mais en nous, il est profond comme la mer ». C’est cet accueil du monde en soi qui fait l’intime. Ce n’est pas un retranchement par rapport au monde que l’on appellerait le privé en opposition au public. Je parlais d’un long XXe siècle qui commencerait avec des auteurs comme Strindberg - qui pour moi est un auteur capital, plus important encore qu’Ibsen, moins « bourgeois », plus inventeur de formes. Or, tous ces auteurs sont imprégnés de 1 Résumé de la pièce par J.P. Sarrazac : C’est l’histoire d’un ancien sous-chef de camp de concentration devenu président du tribunal de sa ville en Allemagne, entouré de deux sœurs avec lesquelles il vit en vase clos – de l’une il a fait sa maîtresse, tandis que l’autre, qui est handicapée, dans un fauteuil roulant, est son bouc émissaire. Ce président du tribunal, qui vitupère (mais seulement « en privé ») contre cette Allemagne « dénazifiée » qui ne respecte plus les valeurs, fête l’anniversaire de Himmler, comme chaque année – champagne, petite fête incestueuse avec sa sœur Véra, et traitement de sa sœur Clara, l’handicapée, comme une juive. 5 philosophie. La triade extraordinaire des philosophes - Kierkegaard, Schopenhauer et Nietzsche – a une influence considérable et insuffle cette réflexion sur l’intime. Je n’ai pas encore employé le terme de subjectivité qui est essentiel. Ce qui se passe dans les années 1880, c’est le basculement dans ce que l’on peut appeler une « dramaturgie de la subjectivité », c’est-à-dire une dramaturgie qui assume un regard subjectif sur le monde. Le regard subjectif sur le monde peut passer par l’autobiographie. Prenons par exemple Jean-Luc Lagarce, auteur passionnant pour lequel je viens de diriger le dossier qui lui est consacré dans la revue Europe. Ce qui caractérise par exemple une pièce comme Le Pays lointain, c’est qu’elle contient à la fois Juste la fin du monde et le Journal. Mais le théâtre de Jean-Luc Lagarce est le contraire de ce qu’on appelle aujourd’hui autofiction : c’est l’installation au sein de l’œuvre d’un espace autobiographique qui donne un point de vue subjectif. Quelles en sont les manifestations de cette subjectivation, non chez Lagarce, mais un siècle auparavant, entre 1880 et 1910 ? Dans les pièces de Tchekhov, celles d’Ibsen ou de Strindberg, on note qu’il y a multiplication des didascalies où le personnage est isolé avec lui-même, dans une attitude réflexive : indications scéniques où il « se prend la tête » en quelque sorte, se coupe de la relation avec les autres personnages pour être dans un rapport de songerie, de méditation. Chez Strindberg, il y a même des « syncopes » après lesquelles le personnage se relève comme un « mort debout ». Meyerhold a monté des comédies de Tchekhov en appelant le spectacle Trente-trois évanouissements. Chez Tchekhov, les personnages ont bien tendance à uploads/Litterature/ le-secret-et-l-x27-intime-dramaturgies-et-confusions-contemporaines-j-p-sarrazac.pdf

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