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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « Le titre comme séduction dans le roman Harlequin : une lecture sociosémiotique » Margo Nobert Études littéraires, vol. 16, n° 3, 1983, p. 379-398. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/500622ar DOI: 10.7202/500622ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 7 juin 2016 07:09 ÉTUDES LITTÉRAIRES, VOL. 16 — N° 3, DÉCEMBRE 1983, pp. 379-398 LE TITRE COMME SÉDUCTION DANS LE ROMAN HARLEQUIN 1 margo nobert Harlequin c'est un «monde merveilleux» à découvrir au dire de la publicité, mais c'est aussi et bien plus l'effort d'une maison pour conquérir son public-cible: la femme. Une fois attirée par le produit publicise, elle se laisse séduire par le titre. L'éditeur promet du rêve, de l'aventure, de l'évasion, de la détente et de l'amour — toutes valeurs universelles ou leurs ersatz — à des millions de femmes dans plus de 90 pays et dans près de vingt langues différentes. Devant le présentoir de la maison Harlequin, l'acheteuse dispose d'une information au moins sommaire sur le type de discours qui lui est offert. Si elle est déjà conquise par le produit Harlequin, qu'est-ce qui est susceptible d'orienter son choix vers un livre plutôt qu'un autre? Mises à part les inconditionnelles, et elles sont nom- breuses, qui achètent toute la production, il y a celles qui font un choix, et ce choix nous formulons l'hypothèse qu'il est en partie influencé par le titre du roman. Certains titres séduisent l'acheteur, d'autres pas; et cela l'éditeur l'a bien compris. Par son surgissement du flot, du flux, ou mieux du flou de la multitude des caractères imprimés, par son évidence même, par son écart avec le texte, le titre peut se définir comme un lieu marqué qui sollicite l'attention. Tout à la fois «discours sur le texte » et « discours sur le monde » — l'expression est de Henri Mitterand2 —, d'entrée de jeu il distribue au lecteur les premiers éléments servant au décodage de ce double discours. 380 ÉTUDES LITTÉRAIRES — DÉCEMBRE 1983 Pour mieux cerner le phénomène Harlequin, par la voie du titre, mais encore et surtout pas sa voix, tentons de répondre à quatre questions : qu'est-ce que le titre ? que fait-il ? comment le fait-il ? et pourquoi le fait-il3 ? Il ne s'agit pas, bien sûr, d'une analyse sémiotique au sens strict, car les composantes syntaxiques et sémantiques ne sont pas étudiées de façon systématique mais seulement dans leurs aspects les plus significatifs. Portant au plan syntaxique sur l'actorialisation, la spatialisation, la temporalisation, et au plan sémantique sur la thématisation et la figurativisation, l'analyse se situe presque essentiellement au niveau du discours proprement dit, niveau de surface par rapport aux structures plus profondes du niveau sémio-narratif dans le parcours géné- ratif du discours; et elle puise dans la théorie g reimassienne les éléments susceptibles d'apporter des réponses aux questions posées. Notre but premier n'est pas de vérifier la pertinence d'une théorie, mais bien d'en apprécier le caractère heuristique pour l'analyse d'un certain type de textes. Et cette lecture, parmi d'autres possibles, se fait dans une perspective socio- logique intéressée tant par les moyens de communication que par leur finalité sociale. Dans cette optique, notre étude devrait contribuer à faire avancer la réflexion sociosémiotique encore à ses balbutiements. 1. Qu'est-ce que le titre? 1.1 « Étymologiquement, écrit Maurice Hélin, le titre est une étiquette (titulus): appendue à l'extrémité du bâton (umbiculus) sur lequel s'enroulait la bande de papyrus qui constituait le volumen, elle dispensait de dérouler celui-ci pour connaître l'auteur de l'œuvre ou la matière de l'ouvrage...»4 Du point de vue lexicologique, écrit-il encore, c'est l'« inscrip- tion en tête d'un livre, destinée à l'identifier, ordinairement par le nom de l'auteur et par une référence plus ou moins adéquate au contenu de l'ouvrage.»5 1.2 Proprement fonctionnel au début, il faudra attendre le XVIe siècle pour voir apparaître le «titre en coup de poing», selon l'expression de Jean-Louis Flandrin6, le titre qui tente d'annoncer le contenu de l'ouvrage. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le sous-titre souvent explicatif se subordonne au titre. À partir du XIXe siècle, titre et sous-titre ont souvent tendance LE TITRE COMME SÉDUCTION 381 à devenir moins explicites par rapport au texte, à se situer à un niveau d'abstraction logico-sémantique plus profond ; abstrac- tion qui a conduit aujourd'hui à l'apparent hermétisme de certains titres7. Mais non de tous les titres; pas des titres du roman populaire, à tout le moins ; et surtout pas des titres du roman Harlequin. 2. Que fait le titre? 2.1 Le titre remplit d'abord une fonction identificationnelle, ou appellative, ou classificatrice, en ce sens qu'il sert à identifier l'ouvrage. Il renvoie au livre en lui-même et il en définit le «genre» ou le type par rapport à la production de son époque et de toutes les autres à la fois; l'on peut alors parler de sa fonction intertextuelle. Le titre dit: nous sommes en présence d'un livre de fiction, du « genre » roman. D'emblée il marque l'ouvrage d'un trait particulier. 2.2 Le titre remplit aussi une fonction dénominative (ou dénominatrice) en ce sens qu'il nomme un texte particulier ; il lui sert en quelque sorte de nom propre. Il affiche la nature même du texte, il évoque l'esprit de son contenu ; il renseigne donc le lecteur sur le genre de lecture qui lui convient. Il sert à désigner le contenu de l'ouvrage, le texte lui-même. Il s'affiche en l'espèce comme roman d'amour. 2.3 Le titre remplit encore une fonction de communication; il concourt à établir une première relation entre le destinateur et le destinataire. Premier contact, presque phatique, où l'objet s'impose au regard et incite par là même le destinataire à le toucher, à le prendre en main pour en examiner les pages couvertures. D'où la re-connaissance du produit déjà présenté par la publicité, dans ce qui était alors une communication au premier degré. Le titre dit ici: je ne suis pas n'importe quel roman d'amour, je suis un Harlequin. 2.4 Le titre remplit enfin une fonction d'anticipation car il crée une attente. Remplissant sa fonction d'information, mais de façon tellement partielle, il pose en fait une question, question à laquelle seul le texte peut apporter une réponse. Le titre dit, et il occulte en même temps; il dévoile et il voile; il montre et il cache; il affirme et il retient. Il pose l'ignorance, créant en même temps le désir de savoir; et il offre le texte 382 ÉTUDES LITTÉRAIRES - DÉCEMBRE 1983 comme une promesse de satisfaire ce désir: savoir fragmen- taire, il implique le non-savoir et impose ainsi le texte en tant que savoir intégral. Bref, par sa fonction médiatrice entre le texte et le lecteur, le titre vise un certain effet: créer un manque. 3. Comment le fait-il ? Comment le titre remplit-il ses multiples fonctions qui, tout compte fait, peuvent se résumer en une seule: la fonction incitative ? La façon dont il affiche son dire peut être analysée, entre autres, à partir de deux composantes interdépendantes, le sémantique et le syntaxique. D'abord perçu comme signe global, le titre est constitué de signes multiples organisés dans une suite logique et ayant une finalité; il donne donc à lire le texte dans un certain sens, et à lire un certain sens dans le texte. Ce sens proposé sera par la suite amendé à la lecture du texte, ou il sera confirmé, ou bien il sera infirmé ; et cela à cause des rapports dialectiques entre titre et texte. Outre les titres dits objectaux qui désignent le texte lui- même dans son entier, en tant qu'objet, ou type de texte selon la forme de l'expression, tels que les Mémoires, le Journal ou l'Histoire, il existe une seconde catégorie, les titres subjectaux — ceux qui désignent le sujet du texte —, et c'est essentiellement à cette dernière qu'appartiennent les titres de notre corpus. Si l'on définit sommairement le récit « classique» comme un événement impliquant un personnage, survenant à un certain moment, dans un certain lieu et en un certain milieu, l'on constate que le titre subjectal fournit un renseignement sur l'un ou l'autre de ces éléments. Suivant le type d'information donnée — toujours partielle et donc essen- tiellement partiale —, le titre est d'ordre actoriel, spatial, temporel, événementiel, objectai (au sens concret du terme: chose), ou de deux ordres ou plus à la fois. Sur les 289 titres de notre corpus — les numéros 1 à 289 inclusivement uploads/Litterature/ le-titre-comme-seduction-dans-le-roman-harlequin-une-lecture-sociosemiotique.pdf
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- Publié le Aoû 22, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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