BBF 2004 Paris, t. 49, no 1 34 En charge d’un cours préparatoire (CP),l’enseign
BBF 2004 Paris, t. 49, no 1 34 En charge d’un cours préparatoire (CP),l’enseignant se sent particulière- ment responsable de l’apprentissage de la lecture,même si les programmes rappellent l’aspect continu de cet en- seignement,en cycles 2 et 3 (cf.enca- dré). Le professeur cherche légitime- ment comment l’organiser et avec quels outils d’accompagnement, et, en particulier,selon quelle méthode. Choisir une méthode ou un ma- nuel n’est pas facile. C’est la raison pour laquelle il serait heureux que ce choix revienne à l’équipe qui com- pose le cycle 2, voire à toute l’école. On sait qu’aujourd’hui le choix se fait presque toujours par l’enseignant seul, sous la pression éventuelle des parents, d’un(e) collègue, du direc- teur…,d’idées reçues ou d’une repré- sentation poétique de l’apprentis- sage. De plus, les enseignants sont souvent peu assurés et modifient vo- lontiers leur comportement, voire leurs idées,si un regard pertinent les y invite.Un choix collectif de l’équipe pédagogique s’avère donc plus opé- ratoire : l’enseignant de CP saura qu’il est soutenu par ses collègues et que son travail s’inscrit dans une conti- nuité. Mais le choix reste difficile, de même,pour l’équipe. Toutes les méthodes ont le même objectif : permettre l’apprentissage de la lecture et faire de chaque enfant un futur lecteur expert. Néanmoins, elles revendiquent des différences dans le moyen d’y parvenir (grâce à une méthodologie et des objectifs opérationnels déterminés). Nous n’entrerons pas dans la polé- mique des querelles de chapelle et des terminologies, nous nous limite- rons à donner du sens et de la cohé- rence à une vue d’ensemble.Pour ce faire nous allons observer les diffé- rentes méthodes et tenter de cerner les difficultés particulières qu’elles sont susceptibles d’engendrer. Par commodité, nous distingue- rons trois méthodes, telles qu’elles sont définies dans l’ouvrage de l’Ob- Les méthodes de lecture en cours préparatoire Difficultés d’application A pprendre à lire est une priorité de l’enseignement primaire. On doit donc réfléchir aux méthodes et moyens les plus efficaces pour réaliser cet objectif. On considère qu’un apprentissage chaotique de la lecture est susceptible d’aboutir, bien qu’il n’en soit pas la cause exclusive, à l’illettrisme. Les méthodes de lecture pourraient ainsi avoir une part de responsabilité en ce qui concerne l’entrée mal réussie dans l’écrit. La prévention de l’illettrisme consiste, dans cette perspective, à assurer des bases solides pour tous lors de l’apprentissage, par une pédagogie de la lecture adaptée au plus grand nombre, et différenciée lorsque c’est nécessaire auprès des élèves diagnostiqués en difficulté. Bruno Germain Observatoire national de la lecture bruno.germain@education.gouv.fr L I R E À L ’ É C O L E BBF 2004 Paris, t. 49, no 1 35 D O S S I E R L E S M É T H O D E S D E L E C T U R E E N C O U R S P R É PA R AT O I R E servatoire national de la lecture, Le manuel de lecture au CP* : « Par mé- thode, nous entendons l’ensemble des soubassements théoriques qui construisent un modèle méthodo- logique opérationnel de la lecture. Chaque méthode repose ainsi sur un ensemble de caractéristiques identifiables qui la distingue des autres méthodes. Elle peut ensuite être diversement déclinée en dé- marches qui exploitent de manière spécifique et précise ces caractéris- tiques théoriques, grâce à des acti- vités choisies. » La méthode synthétique La méthode synthétique s’appuie sur la découverte des unités constitu- tives de la langue,puis sur la prise de conscience par l’élève des correspon- dances qui rapprochent les consti- tuants formels de la langue orale (les phonèmes et leur réalisation en sons),qu’il utilise spontanément mais sans les connaître de manière expli- cite, et les unités de la langue écrite (les graphèmes et leurs graphies en lettres et groupes de lettres), qui lui sont encore étrangères. En premier lieu, l’apprentissage engage l’enfant à segmenter (c’est-à- dire à fragmenter la chaîne parlée en mots, en syllabes et en sons) et dis- criminer (c’est-à-dire être capable de reconnaître la présence et la place d’un son dans un mot) les unités mi- nimales de la langue orale,démarche intellectuelle réflexive qui n’est pas naturelle, afin d’atteindre un degré suffisant de conscience phonolo- gique.L’enfant doit pouvoir explicite- ment décomposer la chaîne parlée en sons identifiés, savoir les reconnaître et les produire séparément. Une première difficulté peut naître de la mauvaise connaissance de la langue orale française et donc de la gêne à pouvoir analyser cette langue de manière volontaire. On observe mal ce que l’on connaît mal.D’autres enfants peuvent avoir une difficulté de discrimination des sons entre eux, du fait d’un accent, d’une particu- larité régionale, ou d’un problème d’audition. Le développement de la conscience phonologique en mater- nelle et en CP est incontournable, mais il peut s’avérer délicat. La méthode synthétique induit en- suite la découverte et la compréhen- sion du principe alphabétique. De quoi s’agit-il ? En fait, il faut « seu- lement et nécessairement » com- prendre qu’il existe un mécanisme de correspondances arbitraires relative- ment régulier entre les unités de la langue orale et celles de la langue écrite. Pour certains enfants, l’appro- priation de ce lien formel peut prendre un certain temps, dû à son degré d’abstraction et aux irrégulari- tés qui naissent du passage de l’oral vers l’écrit ou l’inverse. Il faut une pratique fréquente et répétitive, ce qui fait dire de cette démarche de dé- codage-encodage qu’elle est « méca- nique ». Lors des activités de fusion et de combinatoire,les élèves sont amenés à lier les unités minimales en unités plus grandes – les syllabes – puis en mots. Pour certains, cela s’apparente à apprendre le nom des atomes et leur structure, puis à s’attacher à for- mer des molécules, sans avoir les moyens de deviner à quels grands en- sembles elles participent et sans voir concrètement les matières qu’elles constituent : cela peut paraître frus- trant dans les premiers temps, du point de vue de l’adulte.Mais n’en va- t-il pas de même lors de l’apprentis- sage de la numération, et pourrait-on en faire l’économie pour autant ? Chargé de mission à l’Observatoire national de la lecture, Bruno Germain enseigne la linguistique à l’université Paris V et est professeur associé à l’IUFM de Paris. Il a exercé auparavant en école primaire. Auteur d’articles sur les méthodes et les manuels de lecture, il a participé à l’ouvrage de l’ONL Le manuel de lecture au CP (CNDP/Savoir Livre, 2003). Présentation des cycles 2 et 3 Depuis la loi d’orientation de 1990, l’enseignement primaire est organisé en trois cycles pédagogiques. La nou- velle structure doit permettre, en parti- culier, la mise en œuvre des pro- grammes par période et non plus par année, de favoriser l’évaluation conti- nue des enfants et d’ouvrir un espace à diverses formes d’enseignement diffé- rencié ou de remédiations adaptées. Le cycle 2 Le cycle 2, appelé cycle des apprentis- sages fondamentaux, se positionne de manière tout à fait intéressante. D’une durée de trois ans, il regroupe la grande section de maternelle, le cours prépa- ratoire et le cours élémentaire 1. Ceci signifie que le CP se trouve inclus au cœur d’un cycle, comme son point pivot. Cela signifie aussi que les apprentis- sages dont il est l’enjeu trouvent un espace nouveau de consolidation : ils commencent en amont et se poursui- vent en aval. La place de la maternelle grande section ne peut pas laisser indif- férent, dans cette configuration. Tou- jours incluse dans la maternelle, avec ses orientations de travail et le dévelop- pement de compétences qui relèvent tout autant des savoir-être et savoir- faire que des contenus, elle préfigure plus précisément son positionnement par rapport à l’enseignement élémen- taire et l’entrée à « la grande école ». La grande section est un lieu où des ap- prentissages seront mis en œuvre dans un esprit de continuité avec le CP. Ceci concerne tout particulièrement l’ex- pression puis la maîtrise de la langue orale et l’entrée dans l’écrit. En mater- nelle, on prépare l’entrée dans la lec- ture. Le cycle 3 Le cycle 3, appelé cycle des approfon- dissements, concerne les trois dernières années du primaire. Trois années pour préparer au collège tout en consolidant les bases. Trois années qui, chacune, comptent : tout élève qui n’aura pas pu dépasser ses difficultés ou qui en aura accumulé de nouvelles au cours de cette période rentre en situation extrê- mement précaire en sixième. Les poten- tiels offerts par l’organisation en cycles doivent être explorés et utilement ex- ploités pour aider autant que possible les enfants les plus fragiles tout en ré- pondant aux attentes de ceux qui sont scolairement plus avancés. L’organisation en cycles peut paraître un artifice inutile dix ans après sa mise en œuvre. Elle représente néanmoins, encore aujourd’hui, une dimension pleine de promesses et de potentiels pour un enseignement audacieux. B.G. * Observatoire national de la lecture, Le manuel de lecture au CP, réflexions, analyses, critères de choix, CNDP/Savoir Livre, Hatier, 2003. BBF 2004 Paris, t. 49, no 1 36 L I R E À L ’ É C O uploads/Litterature/ les-methodes-de-lecture-en-cours-preparatoire.pdf
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- Publié le Nov 29, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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