Jean-Maurice Bugat - Denis Clair par Éric Chams Présentation Ces pages ont été

Jean-Maurice Bugat - Denis Clair par Éric Chams Présentation Ces pages ont été écrites en 2010 à la suite d'un article découvert sur Internet (http://romain.vaissermann.free.fr/03/03C/03C03/marcel-article.htm) ayant pour objet la postérité des Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy et intitulé « Jean-Maurice BUGAT : De nouveaux Cahiers de la quinzaine ? » En mars 2010 je suis entré en relation avec l'auteur de cet article, M. Romain Vaissermann, rédacteur en chef du Porche, bulletin de l'Association des Amis de Jeanne d'Arc et Charles Péguy. J'entendais lui faire part d'observations sur la personnalité et l'histoire de ce Jean-Maurice Bugat au sujet duquel j'avais mené une enquête assez précise en août-septembre 1992. M. Vaissermann a cru bon de devoir informer de mes remarques les lecteurs de sa revue spécialisée, même si la question d'une éventuelle escroquerie historico- littéraire de ce J.-M. Bugat et les implications polémiques de ses affabulations n'entraient pas dans la ligne éditoriale du Porche. Il ne m'a pas caché que certains, au sein de son comité de lecture, étaient défavorables à la publication de ces révélations — ce que je conçois fort bien sur le plan éditorial, sinon éthique. C'est ainsi que M. Yves Avril, secrétaire général de la 1 revue, s'est désolidarisé en termes très vifs de mon article et de ma recherche selon lui « digne d'un procureur ou d'un auxiliaire de police ». Soit ; il en faut aussi. Ce travail que j'ai néanmoins la faiblesse de croire scrupuleux et dénué de passion, même s'il remue un passé assez nauséeux, a été, sur l'insistance de M. Vaissermann — et je l'en remercie, publié en septembre 2010 dans le n°33 du Porche (pp. 73-80). On en trouvera ici la version originale (avec en notes quelques variantes, surtout d'ordre bibliographique, apportées lors de la publication). J'ai aussi, dans cette version en ligne, largement complété l'iconographie. Éric CHAMS, 19 août 2014. N. B. Les notes encadrées d'un *astérisque* signalent les variantes apportées par la rédaction du Porche. Les passages [ entre crochets ] signalent des ajouts récents (août 2014) à l'article initial, faisant suite le plus souvent à des recherches ou informations nouvelles. 2 [Publié dans le n°33 dans la revue Le Porche, bulletin de l' Association des Amis de Jeanne d'Arc et de Charles Péguy, Orléans, septembre 2010, p. 73 sqq. (ISSN 1291-8032)] PRÉCISIONS AUX PÉGUISTES SUR JEAN-MAURICE BUGAT par Éric CHAMS Un article consacré à la postérité des Cahiers de la Quinzaine1, m’incite à compléter des informations sur lesquelles j'aurai peut-être quelques éclaircissements à apporter. Je précise d’emblée que je ne suis nullement péguiste, même si, en tant qu'hugolien et stapférien, cet auteur m'est relativement familier. À partir de 1958, on assiste à une reprise des Cahiers de la Quinzaine par un certain Jean-Maurice Bugat (né en 1921, sept ans après la disparition de Péguy…). C'est sur la personnalité de M. Bugat que je souhaite apporter un éclairage, au nom de la vérité de l'histoire littéraire (comme de l'Histoire tout court) que ce monsieur a tendance à bafouer. Et l’on comprendra vite que ce personnage, loin de se situer dans la lignée des idées généreuses de Péguy, cherchait simplement, en usurpant le titre d'une revue encore célèbre à l'époque, à bénéficier de sa gloire. C'eût été là un moindre préjudice (on a vu souvent dans l'histoire littéraire ce type de récupération) s'il ne s'était agi aussi pour lui d'en détourner, voire d’en compromettre et d'en fausser gravement le sens. M. Vaissermann relève à juste titre, dans le premier numéro, une lettre 1 * Romain Vaissermann, « Les reprises non abouties des Cahiers de la quinzaine », BACP 97, janv.-mars 2002, pp. 103-114.* 3 de Jules Romains qui se montre fort circonspect sur la sortie de cette « nouvelle-ancienne » revue. Certes, la présence de Félicien Challaye au sein de ces nouveaux Cahiers est une sorte de garantie d'authenticité de leur orthodoxie éditoriale, si j'ose dire. Mais le Félicien Challaye qui intéresse Bugat n'est pas celui du temps de Péguy mais celui qui, revenu de sa visite de 1938 en Allemagne, va se mettre au service du régime de Vichy et écrire dans des journaux collaborationnistes comme Aujourd'hui ou L'Atelier de Georges Albertini avec Marcel Déat, et qui va faire partie avec Paul Rassinier et Jean Madiran des Amis de Robert Brasillach. Je reviendrai sur ces personnages et sur cette époque dans un moment. Du reste, dès ce premier numéro daté du 1er janvier 1958, se glissent habilement, parmi des articles signés de Robert Escarpit, Pierre-Henri Simon ou Edgard Pisani, des propos de Bugat lui-même pour le moins étranges et qui traduisent certaines obsessions : « […] j’ai horreur des épurations de tous ordres que notre hypocrite société s’octroie de temps à autre sous tous les régimes. […] Il fut d’ailleurs un temps où j’étais l’un des rares2 à m’élever contre les épreuves subies par Céline. […] Après que le verdict acquittant Céline m’ait satisfait, je dois reconnaître que les moyens employés par Ferdinand pour y parvenir me plaisent beaucoup moins […]. […] Nous n’aimons guère qu’un homme se parjure ou veuille chercher tardivement des atténuations à ses attitudes passées. […] Si, Ferdinand, tu as dit en d’autres temps que les Juifs étaient la plaie du monde et que le salut ne pouvait venir que du nazisme. Nous n’étions pas toujours de ton avis alors — non plus, du reste, qu’aujourd’hui — mais nous aimions ta façon de le dire. »3 Le propos est assez fort et, pour une fois, peu ambigu ; mais il faut dire qu’il n’est pas nouveau. Bugat se contente de recycler mot pour mot un article paru huit ans plus tôt dans un journal dont il était aussi le directeur et rédacteur en chef, Le Citoyen du Monde4 ; mais à l’époque, son article était prudemment signé « Cartouche ». L’article avait alors suscité une vive réaction d’un lecteur : « Votre article sur Céline est une infamie, une ordure, une monstruosité, un… (ad libitum) ». Bugat, sans sourciller, avait emboîté le pas à ce lecteur ulcéré en faisant expliquer par son ami Jean-Charles Pichon 2 Cette clause de style permet à Bugat, outre de s’ériger en « rare » humaniste, de n’avoir pas à citer des gens comme Maurice Bardèche, Paul Rassinier, Albert Paraz et alii, en compagnie desquels son humanisme prendrait une autre teinte… 3 Cahiers de la Quinzaine, n° 1, p. 10 ; cote BnF : 4° JO 13350. 4 Le Citoyen du Monde, n° 17, du 3 mars 1950 ; cote BnF : Gr. Fol. JO 5666. 4 que l’article incriminé, par suite d’erreurs de mise en page, d’inversions de lignes, etc., disait « à peu près le contraire de ce que nous voulions lui faire dire ». Et Pichon d’ajouter avec morgue : « Nos amis savent bien que l’antisémitisme et le racisme, ce n’est vraiment pas notre spécialité… »5. Étrangement, Bugat resservira pourtant le même article dans ses Cahiers de la Quinzaine, avec les mêmes prétendues erreurs, inversions, etc., qui lui avaient fait dire en 1950 « à peu près le contraire » de la pensée de son auteur ; une manière de ne pas s’avouer vaincu et de contresigner « l’infamie »… Et les futurs numéros des Cahiers verront arriver des personnalités beaucoup moins claires comme Jacques Duboin (1878-1976), éditorialiste de La France au Travail dont le secrétaire de rédaction n’est autre que le très antisémite et ex-collabo Henry Coston. La méthode, là encore, n’est pas vraiment nouvelle chez Bugat. Le Citoyen du Monde6, fondé à l’origine pour défendre la position prise par Garry Davis en 1948, après avoir permis d’obtenir quelques articles de grandes signatures comme celles d’Hervé Bazin, André Breton ou Jean Rousselot, va distiller une pensée nettement moins noble au travers de personnages comme Paul Rassinier (1906-1967), le père historique du négationnisme7. On retrouvera une dernière fois Rassinier cité en 1967 (il est entretemps devenu le protégé d’Henry Coston, a été préfacé par l’antisémite Albert Paraz, a été publié en Allemagne par un nazi non repenti, Karl-Heinz Priester)8 dans un nouveau journal de Bugat. 5 « Nos débats », Le Citoyen du Monde, n° 18, 10 mars 1950. 6 [ Publié à Bordeaux puis à Paris, Le Citoyen du Monde eut 21 numéros, avec une parution bimensuelle puis hebdomadaire du 26 juin 1949 au 24 avril 1950 (dernier numéro repéré), avec un supplément au n°11. ] 7 Le Citoyen du Monde, n° 17, 3 mars 1950 ; n°21, 24 avril 1950. 8 Si, à l’extrême rigueur, on pouvait considérer en 1950 que Le Mensonge d’Ulysse, premier ouvrage révisionniste, n’avait pas touché beaucoup de lecteurs, il en allait tout autrement en 1967, l’année même de la mort de son auteur qui, depuis dix-sept ans, avait suscité une forte polémique alimentée, de plus, par des rééditions et des préfaces qui ne cachaient plus leur caractère antisémite. Rappelons que Rassinier, dès le 3 mars 1950, écrivait dans Le Citoyen du Monde, glosant sur Le Gala des vaches paru en 1947 : « Albert Paraz conte quelque uploads/Litterature/ jean-maurice-bugat-denis-clair-amp-peguy-par-eric-chams.pdf

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