LETTRE DE RUDOLF BULTMANN À MARTIN HEIDEGGER DU 18 JUIN 1933 Author(s): Ton Rud

LETTRE DE RUDOLF BULTMANN À MARTIN HEIDEGGER DU 18 JUIN 1933 Author(s): Ton Rudolf Bultmann and Eugénie Paultre Source: Les Études philosophiques , Avril 2010, No. 2, Autour de Heidegger, Discours de rectorat (1933): contextes, problèmes, débats (Avril 2010), pp. 187-188 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/20850015 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les Études philosophiques This content downloaded from 102.78.82.61 on Fri, 18 Dec 2020 11:33:56 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LETTRE DE RUDOLF BULTMANNA MARTLN HELDEGGER DU18JULN19331 Marburg, 18 juin 1933 Cher ami, J'aurais certainement du t'adresser mes vceux tout de suite apres ta prise de fonction au poste de recteur. Que celle-ci ni ait intimement ebranle, et encore aujourd'hui, inutile d'en dire mot. Mais c'est bien pourquoi - ne voulant pas t'ecrire un simple mot de circonstance - je n ai pas trouve la tranquillite requise pour t'ecrire. Entre-temps, j'ai pu lire ton discours de rectorat, du moins ce qu'en a publie la Freiburger Tagespost, et ta decision m'est ainsi devenue plus claire. En me rapportant en conscience a ton dis cours - j'espere que tu le publieras dans son integralite - je dois m'avouer, tout en approuvant ton intention de fond, que je ne montre pas a l'egard du moment present ce meme franc courage qui s'exprime dans les dernie res lignes de ton discours. Si je discerne les possibility positives qui s'offrent aujourd'hui et cherche a y apporter mon active contribution, cela chez moi provient d'une inquietude et d'un dechirement. Le courage de risquer le tout pour le tout, je le puise davantage au tournant (Wende) de notre histoire : celui qui se fit jour dans le travail de Nietzsche et de Kierkegaard et qui s'est fait valoir comme force secrete des avant le revirement (Umschwung) politique - comme une force dont j'ai pu m'assurer jusque dans mon propre travail. J'entends par-la que mon courage vient davantage de cette source que de ce revirement politique oil, a ce qu'il me semble, cette force n'est qu un facteur parmi d'autres, qui justement pour se voir valide mene le combat pour la mort ou la vie. ? Nous nous voulons nous-memes ! ?, dis-tu, si le journal le restitue correctement. Comme ce vouloir me parait aveugle ! Ce vouloir n'est-il pas a tout instant grandement expose au danger de manquer a 1. Lettre extraite de R. Bultmann / M. Heidegger, Briefwechsel 1925-1975, ed. A. Grossmann et Ch. Landmesser, Frankfurt/Main, Klostermann, Tubingen, Mohr Siebeck, 2009, p. 193-196. Lettre manuscrite, 2 pages. Lieu et date a droite ; en-tete a gauche : Prof. D. R. Bultmann / Marburg a. d. Lahn / Bismarckstr. 7 (tampon). - Nous remercions les editions Mohr / Siebeck (Tubingen) pour l'aimable autorisation de publier la traduction de cette lettre. Les Etudesphilosophiques, n? 2/2010, p. 187-188 This content downloaded from 102.78.82.61 on Fri, 18 Dec 2020 11:33:56 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 188 Rudolf Bultmann lui-meme ? Et vois combien l'&Ppu; qua generee ce revirement est incapable d'entendre l'exigence ? de conquerir toujours a nouveau le monde spirituel au travers de l'extreme exposition aux puissances de l'etre ?. Que je ne souhaite pas le retour de ce qui a ete englouti avec les evene ments (Umsturz), cela va bien entendu de soi; de meme, je ne refuse pas de voir les resultats positifs du nouveau Reich. Et la raison de mon manque de confiance nest pas a chercher dans le fait que selon moi les erreurs et les echecs peseraient davantage que ces resultats ; il vient bien plutot d'une atmosphere1 d'foPpK; et d'angoisse rentree qui se diffuse de maniere oppressante. Ce qui, neanmoins, me permet encore, dans cette situation, de croire que des pos sibility restent ouvertes, c'est - outre la fidelite a 1'egard de la tradition qui en elle-meme oblige - tout simplement le fait que mon travail, dans le cercle etroit oil je l'exerce ici en tant qu'enseignant, rencontre en retour la confiance des auditeurs qui sont presque tous nationaux-socialistes. Le sens des voeux que je t'adresse, en regard de cette situation qui est la mienne, va t'apparaitre clairement. Tu manifestes certes une plus grande confiance que moi a regard du moment present; neanmoins, que la realite de ce qui m'oppresse te soit dissimulee - quelle que soit l'appreciation que Ton a de cette realite -, cela ne se peut; et, dans une certaine mesure, compte tenu de ta position, cela doit etre pour toi encore plus lourd a porter. Cest en considerant ce que tu as a porter, et soucieux de savoir si tu t'es engage a la bonne place au bon moment, que je t'adresse mes voeux. La signification de ton engagement, je la ressens fortement et je percois justement en lui les possibilites positives. Que ton engagement - et tout ce qui peut en decouler (qui a l'evidence me semble impossible a voir) - puisse se reveler etre la juste consequence du travail que tu as accompli jusqu'a present, voila en somme ce que je te souhaite. Y a-t-il de ton cote une possibilite que nous nous voyions pendant les vacances ? Ci-joint un numero des Theologische Blatter oil se trouve l'expose avec lequel, ce semestre, j'ai debute mes cours l'apres-midi du 2 mai (le matin a eu lieu la fete de TUniversite avec le discours de Mannhardt). Je l'ai publie2, non pas que je le tienne pour particulierement reussi, mais parce qu'il m'est insupportable qu'aucun theologien, dans la situation presente, n'ait pris ouvertement fait et cause pour la tache critique de la theologie. Cordiales salutations, de nous tous, a toi et ta famille, Avec ma fidele amitie, Ton Rudolf Bultmann (traduit de Vallemandpar Eugenie Paultre) 1. Dans le manuscrit original, Bultmann a d'abord ecrit ? sphere ? (raye). 2. Rudolf Bultmann, Die Aufgabe der Theologie in der gegenwartigen Situation, in Theologische Blatter 12 (1933), p. 161-166. This content downloaded from 102.78.82.61 on Fri, 18 Dec 2020 11:33:56 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms uploads/Litterature/ lettre-de-rudolf-bultmann-a-martin-heidegger-du-18-juin-1933.pdf

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