janvier-février 2007 revue littéraire mensuelle L I T T É R A T U R E L I T T É

janvier-février 2007 revue littéraire mensuelle L I T T É R A T U R E L I T T É R A T U R E & & P E I N T U R E P E I N T U R E Elfriede Jelinek europe Les rapports entre littérature et peinture ne cessent de soulever un foisonnement d’interrogations. Et sans doute n’aura-t-on jamais fini d’éclairer la diversité des liaisons qui s’opèrent à l’horizon de ces deux arts. C’est un fait que l’histoire de la peinture en Occident s’est largement construite en rapport avec la littérature. L’écriture même n’échappe pas à un traitement pictural : des inscriptions placées dans les fonds des tableaux, au Moyen Âge comme à la Renaissance, jusqu’aux graphismes parfois sauvages (Basquiat) ou savamment contrôlés (Pierre Alechinsky) de peintres contemporains, la lettre écrite, inscrite sur le tableau, devient aliment de la création plastique. Non pour confondre littérature et peinture, mais bien plutôt pour aviver leurs différences en faisant valoir leurs séductions réciproques. Du côté de la littérature, la perspective qu’offre la peinture est non seulement pour les écrivains un puissant aliment créateur, mais aussi un stimulant théorique particulièrement fécond. Les textes réunis dans ce dossier d’Europe permettent de nourrir une réflexion aux multiples facettes. On pourra, chemin faisant, mesurer combien les perspectives changent d’une époque à l’autre : de la pratique médiévale de l’enluminure à la fascination picturale des écrivains du XVIIIe siècle, puis du Romantisme à la période contemporaine, l’horizon se déplace, et les liaisons entre littérature et peinture se transforment. On verra aussi à quel point cette réflexion sollicite tous les paramètres de la pratique littéraire : données historiques, questions esthétiques, pratiques d’écriture, enjeux personnels ou collectifs se croisent et se modifient comme en autant d’anamorphoses. Daniel Bergez, Yves Bonnefoy, Jean-Pierre Richard, Michel Stanesco, Gisèle Mathieu-Castellani, Bernard Roukhomovsky, Didier Masseau, Pierre Wat, Judith Labarthe, Luc Fraisse, Serge Linares, Brigitte Ferrato-Combe, Anne-Marie Christin, Marianne Simon-Oikawa, Nadeije Laneyrie-Dagen, Gao Xingjian, Yves Peyré, Claude Esteban, Giorgio Caproni, David Middleton. ELFRIEDE JELINEK Si un parfum de scandale s’attache à l’œuvre d’Elfriede Jelinek (Prix Nobel de Littérature 2004), sa force et son originalité l’ont imposée au premier plan de la littérature contemporaine. Les rapports entre les sexes, le passé de l’Autriche, l’amnésie partielle dont souffre le pays, les formes d’asservissement et les mécanismes d’oppression sont autant de domaines qu’elle explore sans concession. Non sans dévoiler ce qui s’immisce dans le langage, non sans faire entendre les voix qui parlent avec nous lorsque nous parlons. Yasmin Hoffmann, Klaus Zeyringer, Bernard Banoun, Benoît Legemble, Annette Runte, Françoise Rétif, Dieter Hornig, Pia Janke, Bérangère Bonvoisin, Barbara Heigl, Christa Schoofs, Bettina Brandt, Claire de Oliveira, Olivier Le Lay, Elfriede Jelinek. 85e année — N° 933-934 / Janvier-Février 2007 SOMMAIRE LITTÉRATURE ET PEINTURE Daniel BERGEZ Yves BONNEFOY Jean-Pierre RICHARD Michel STANESCO Gisèle MATHIEU-CASTELLANI Bernard ROUKHOMOVSKY Didier MASSEAU Pierre WAT Judith LABARTHE Luc FRAISSE Daniel BERGEZ Serge LINARES Brigitte FERRATO-COMBE Anne-Marie CHRISTIN Marianne SIMON-OIKAWA Nadeije LANEYRIE-DAGEN GAO XINGJIAN Yves PEYRÉ Claude ESTEBAN Giorgio CAPRONI David MIDDLETON Perspectives et lignes de fuite. Un moyen pour être. Arles 1888-1889. D’or, de pourpre et d’azur. Peindre, feindre — Le statut du pictural dans les Essais. Une ombre au tableau. — Les moralistes et le paradigme pictural. Peinture, discours et récit au siècle des Lumières. Littérature et peinture dans le projet romantique. Littérature moderne et peinture byzantine. Proust est-il un écrivain impressionniste ? Claudel et la peinture hollandaise. Revers de l’image chez Jean Cocteau. Les réécritures de Vasari dans les fictions biographiques contemporaines. Écriture et iconicité. Du ciel à la page. Lire la peinture ? Le troisième œil. L’attrait de la différence. Le paysage dans la peinture occidentale. Toulouse-Lautrec. Au calme de Gruchy. 3 * 9 31 * 41 57 75 91 107 122 137 153 167 182 * 196 208 227 * 247 257 * 270 282 290 ELFRIEDE JELINEK Yasmin HOFFMANN Elfriede JELINEK Klaus ZEYRINGER Heureux celui qui oublie ce qui n’a jamais existé. Lire. Théâtre en pièces, nature en p(r)ose, et l’Autriche en ligne de mire. 307 313 315 Écriture et politique 479 Max ALHAU, Marie-Claire BANCQUART, Richard BLIN, Geneviève CAPGRAS, Nelly CARNET, Ludovic DEGROOTE, Charles DOBZYNSKI, Pierre FAVRE, Alain FEUTRY, Michel LAMART, Hervé MARTIN, Gaston MARTY, Jérôme MEIZOZ, MÉNACHÉ, Jean-Baptiste PARA, Thierry ROMAGNÉ, Michel P. SCHMITT, Nelly STÉPHANE, Bertrand TASSOU, Alain VIRMAUX. La machine à écrire Les 4 vents de la poésie Le théâtre Le cinéma La musique Les arts Pierre GAMARRA Picaros et argonautes. 454 Benoît LEGEMBLE Annette RUNTE Françoise RÉTIF Dieter HORNIG Pia JANKE Bérangère BONVOISIN Christa SCHOOFS Bernard BANOUN Bettina BRANDT Claire de OLIVEIRA Olivier LE LAY D’une prison l’autre. Une écriture post-féministe ? Histoire de l’œil. Le théâtre d’Elfriede Jelinek. Un théâtre de « textes ». Ce qui est terriblement humain, c’est bien ce chaos... Plutôt le sommet de l’art que les bas-fonds du sexe. Euterpe en pure perte. Politiques et tropes de la traduction. L’illusion de la facilité. Dust. 329 345 359 369 389 402 406 425 438 449 451 Charles DOBZYNSKI Les poètes ont inventé Paris. 458 Karim HAOUADEG La collision des astres. 465 Raphaël BASSAN Non-réconciliés. 469 Béatrice DIDIER Variations sur des variations 472 Michel DELON La grâce et la grimace. 475 CHRONIQUES NOTES DE LECTURE La traduction et l’adaptation en France Littérature, cinéma et musique Théâtre et mise en pièces L’Ut pictura poesis ? Tout semble déjà dit, et l’on vient trop tard… Aussi bien n’en sera-t-il guère question dans ce dossier. Du moins la célèbre formule d’Horace sera-t-elle resituée dans le foisonnement des interrogations multiples que soulèvent les rapports entre littérature et peinture. Qui songerait aujourd’hui à les envisager sous le seul angle d’une rivalité — le fameux paragone classique — ou dans l’optique d’une simple imitation ? Ce serait porter le même regard aveugle, penser en termes de substitution ou d’adéquation ce qui se joue à travers des perspectives, dans d’innombrables lignes de fuite. Dans un livre récent 1, nous avons tenté d’éclairer la diversité des liaisons qui s’opèrent à l’horizon de ces deux arts. Reprenons par le plus connu : le malentendu auquel a donné lieu la fortune du précepte horacien. Allégué à contresens par les théoriciens classiques de la peinture (pour Horace, c’est la poésie qui devait prendre modèle sur la peinture, et non l’inverse), il servit de caution aux artistes de la Renaissance et du classicisme qui revendiquaient le statut d’un « art libéral » (la peinture étant depuis le Moyen Âge considérée comme un « art mécanique »). La peinture, alors, se rêve poésie, activité de l’esprit, création de mondes, et puise ses sujets dans les textes vénérables, sacrés ou païens 2… Pour trois siècles environ, la peinture se veut « littéraire ». La « modernité » picturale en revanche, celle qui pointe avec Manet bien avant les grandes révolutions esthétiques du XXe siècle, opérera à l’inverse la déliaison de la peinture d’avec la littérature : l’abandon des « grands » sujets permet le retour à la saisie proprement picturale de l’œuvre, conçue d’abord comme surface et matière que l’artiste travaille. PERSPECTIVES ET LIGNES DE FUITE 4 PERSPECTIVES ET LIGNES DE FUITE Faut-il pour autant dénoncer comme une erreur le parallèle maintes fois esquissé entre littérature et peinture, et n’y voir qu’un phénomène historiquement daté ? Que faire alors de Delacroix, de Gustave Moreau, de Chagall, de Picasso même, qui puisent abondamment dans les textes ? Et comment comprendre la fascination de Proust, Éluard, René Char, parmi bien d’autres, pour l’univers de la peinture ? Quelle place accorder, en outre, à ces créateurs (Michel-Ange, Blake, Michaux…) qui furent simultanément écrivains et peintres ? On ne saurait de toute manière oublier que le parallèle entre littérature et peinture a été proposé dès l’Antiquité : on trouve déjà chez Plutarque l’idée — souvent attribuée à Simonide — que la peinture est une poésie muette tandis que la poésie est une peinture parlante. C’est un fait que l’histoire de la peinture en Occident s’est largement construite en rapport avec la littérature. La pensée des théoriciens classiques a bien sûr repris aux écrivains leurs concepts, et les a transposés dans l’esthétique picturale. Mais la fascination pour l’univers du livre (et surtout du Livre par excellence qu’est la Bible) est bien antérieure ; elle se marque autant dans les retables médiévaux que dans les tableaux de Rembrandt, où se découpe bien des fois en premier plan la tranche obscure ou lumineuse des pages. Et combien de portraits d’écrivains pourrait-on dénombrer dans nos musées ? L’écriture même n’échappe pas à un traitement pictural : des inscriptions placées dans les fonds des tableaux, au Moyen Âge comme à la Renaissance, jusqu’aux graphismes parfois sauvages (Basquiat) ou savamment contrôlés (Pierre Alechinsky) de peintres contemporains, la lettre écrite, inscrite sur le tableau, devient aliment de la création plastique. Non pour confondre littérature et peinture, mais bien plutôt pour aviver leurs différences en faisant valoir leurs séductions réciproques : les collages cubistes, avec leurs lettres majuscules imprimées sur papier journal, rejoignent les Calligrammes d’Apollinaire dans un même rêve — totalement uploads/Litterature/ litt-peinture-r 1 .pdf

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