L’héroïsme dans la presse aéronautique française et italienne de la Grande Guer

L’héroïsme dans la presse aéronautique française et italienne de la Grande Guerre : une fabrique de héros ? Zacharie Boubli Mémoire de Master 2 sous la direction de Fabien Théofilakis et Alya Aglan 2017-2018 Université Paris-I Panthéon-Sorbonne 1 Remerciements Je souhaite tout d’abord remercier les enseignantes et enseignants de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne et de l’IEP de Paris pour avoir au fil des années nourri mon amour de l’Histoire et m’avoir donné les clés pour s’y mouvoir, Merci à mes professeurs de cette année pour leur soutien sans faille, leur disponibilité précieuse et leur enseignement passionnant, plus particulièrement à mes directeurs de recherche Alya Aglan et Fabien Théofilakis Merci à Jean Lebrun et à Aladin Larguèche pour m’avoir fait confiance comme historien, Merci à Damien Accoulon et Eric Lehmann pour leurs conseils et leurs réponses de spécialistes, Merci à mes proches, famille et amis, sans qui la lumière serait restée sourde, Merci au premier héros que j’ai connu, qui est parti comme un bateau sur la mer en ramant avec des trous... 2 Sommaire Introduction………………………………………………………..……….p.6 Première partie : L’élaboration de la fabrique des héros……………..p.18 Chapitre 1 : L’habitus de la presse aéronautique et sa militarisation………...p.19 A) Les projets éditoriaux entre héroïsme et patriotisme………………..p.19 B) Des lieux de convergence et de mobilisation des publics de l’aviation…………………………………………………………………...p.26 C) La presse aéronautique en guerre…………………………………..///p.30 Chapitre 2 : Ecrire la guerre aérienne………….………………………………p.35 A) Imaginer la guerre dans les airs..……………………………………..p.35 B) Déceler l’héroïsme aéronautique……………………………………...p.37 C) Etude de cas : le bombardement au chiendent……………………….p.42 Chapitre 3 De l’aviateur au héros : les types de « matériau » héroïque……..p.47 A) Un recrutement de plus en plus varié dans l’aviation……………….p.47 B) L’univers mental de l’héroïsme aéronautique………………………..p.50 Chapitre 4 : Les pratiques discursives de l’héroïsme aéronautique…………..p.60 A) Les ressorts typés de l’héroïsme………………………………………p.60 B) Dire et écrire le passage de l’ordinaire à l’héroïque…………………p.67 3 Seconde partie : L’héroïsme aéronautique dans le temps de guerre…p.73 Chapitre 5 : Fabrique des héros et économie de la reconnaissance……...……p.74 A) Les apories de la récompense de l’héroïsme………………………….p.74 B) Contours et zones d’ombre de l’héroïsation………………………….p.80 C) Etude de cas : les concours aéronautiques de Nel Cielo, ressort de mobilisation………………………………………………………………...p.83 Chapitre 6 : La fabrique des héros en action……………………………p.87 A) Le vol sur Vienne et Gino Allegri : un héros construit par association………………………………………………………………………...p.87 B) Henri de Kérillis, l’héroïsme du chef..………………………………p.93 C) René Dorme, la mort d’un As du quotidien……………………….....p101 Chapitre 7 : Héros, adversaires et ennemis..………………………………….p.112 A) « Ceux qui se battent à nos côtés » : l’héroïsme stéréotypé et providentiel des Alliés.…………………………………………………...p.112 B) Le respect ambigu des As allemands..……………………………….p.118 C) Rabaisser les aviateurs ennemis : le carnet de Fritz Muller, antithèse du héros.………………………………………………………………………p.122 D) Manfred von Richtofen, un faux héros tourné en ridicule.………...p.125 E) Haine et déshumanisation de l’ennemi..……………………………..p.130 Conclusion...……………………………………………………………………p.134 4 Introduction C’est par l’émotion que le goût de l’Histoire m’est venu, via la lecture de publications illustrées de vulgarisation. Sciences et Vie Junior ou L’Histoire de France en bande dessinée m’ont happé très jeune en mettant le savoir au cœur du récit. En grandissant, les ressorts des choses apparaissant plus nettement, je réalisai que cette émotion était l’effet d’une construction littéraire. Ces constructions peuvent sembler anodines dans une époque où elles relèvent essentiellement du divertissement sous la forme de la presse, des séries télévisées ou des grands évènements sportifs. En recouvrant la réalité de représentations, ces choses génèrent des mythes. Or, comme le disait Roland Barthes, « le mythe est un système de communication, c’est un message »1. Pour l’historien, les mythes, y compris contemporains, sont ainsi un objet d’étude plus que légitime. Les questionner sur leur forme (mode de production) et leur fond (signification, types, valeurs…) induit une compréhension fine des subjectivités dont ils sont issus. Ces subjectivités elles-mêmes sont ensuite à déconstruire et à remettre en perspective, mais sans jamais perdre toutefois leur dimension de sujets. Ayant choisi d’étudier de produire une l’histoire sociale de la guerre contemporaine, j’ai été frappé de découvrir que les publications de vulgarisation qui m’avaient tant passionné s’inscrivaient dans une lignée plus ancienne et plus riche que je ne le soupçonnais. Au cours de la Première Guerre mondiale, la guerre en cours a en effet été considérée comme une matière légitime d’actualité, d’analyse et de prospective par la presse illustrée. Dans les colonnes de La Guerre Aérienne Illustrée ou de Nel Cielo (« Dans le ciel » en italien) se trouvent des discours qui, à cent ans de distance, ressemblent à ceux qu’on peut lire dans L’Equipe à l’occasion d’une coupe du monde de football. Au coeur de ce discours se trouvent des figures de monstration investies de l’économie morale du groupe : les héros. En tant que protagonistes de récit, ces figures sont d’abord des personnages littéraires, qu’il importe de savoir distinguer des individus réels à partir desquels ces personnages sont façonnés. D’une part se trouve le phénomène d’une conduite donnée à un instant « t » qui vaut à son auteur de sortir du rang. D’autre part se trouvent les procédés qui mettent le réel en récit dans le but explicite de « révéler » (au sens photographique) des 1 Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1957 5 héros. Une conduite héroïque se caractérise par son exceptionnalité qui vaut à son auteur une distinction hors du groupe des « ordinaires », ici en l’occurrence dans le cadre de la Première Guerre mondiale. La fabrique des héros, un dispositif culturel né de la guerre Entre 1914 et 1918, un héros se définit comme combattant d’exception, de façon ponctuelle ou récurrente. Les multiples ressorts de cette conduite sont analysés et pris en charge par le dispositif social de reconnaissance, qui de fait détermine l’économie morale 2 de l’héroïsme. Dans cette logique, l’aviation militaire constitue un champ d’étude spécifique de la Première Guerre mondiale en tant que de « guerre dans la guerre » : les caractéristique de la guerre aérienne en font l’antithèse de la guerre des tranchées. Là où les fantassins endurent l’entassement, l’enfermement, l’omniprésence du danger et la suspension d’une partie des conventions sociales par leur simple présence au front, les aviateurs sont capables de distinguer clairement le temps du combat (en vol) et le temps du repos (au sol). Là où les fantassins sont entourés d’un dispositif matériel visant à empêcher le mouvement (tranchées, barbelés, sentinelles…) et à permettre de se terrer, les aviateurs pilotent des machines en mouvement perpétuel, loin de tout obstacle, et peuvent envisager de fuir ou faire fuir. Ainsi, à côté de la guerre terrestre qui semble relever avant tout de l’épreuve de survie, la guerre aérienne de 1914-1918 apparaît comme plus « propre » et plus esthétique. La presse qui la chronique m’est alors apparue comme une authentique « fabrique de héros », dont les « As des As » Georges Guynemer, Manfred von Richtofen ou Francesco Baracca ne sont que les constructions les plus célèbres. L’existence de ces figures en tant qu’objets socio-culturels, au-delà de la personne physique, résulte de l’existence d’un dispositif social (au sens foucaldien) de l’héroïsme mis en œuvre par la presse et l’armée à partir de la réalité de la guerre aérienne qui s’invente. Celui-ci s’insère dans la production d’un récit de guerre peuplé de grandes figures qui personnifient la Nation en guerre. Reposant sur des journalistes issus de la presse sportive, ce dispositif montre aussi par son répertoire et ses adaptations au temps de guerre la façon dont la guerre modifie des 2 Notion introduite en Histoire par E.P. Thompson, « The moral economy of the English crowd in the eighteenth century », in Past & Present, n°50, Oxford, Oxford University Press,1971, p.76-13, définissant un ensemble de valeurs et de pratiques qui définissent, entretiennent et défendent une communauté donnée. 6 conduites culturelles spécifiques. Ainsi, l’existence même d’une presse de la guerre aérienne justifie l’intérêt de notre sujet. Les contenus analysés dans cette étude sont ainsi produits une période allant de novembre 1916 (parution du premier numéro de La Guerre Aérienne Illustrée) à octobre 1919 (parution du dernier numéro de Nel Cielo), et s’inscrivent dans la deuxième moitié de la guerre puis dans le temps de la victoire. Cette périodisation permet d’une part de prendre la mesure des mutations des représentations entourant l’aviation induites par le conflit, et d’autre part d’analyser la façon dont l’héroïsme aéronautique est inscrit dans le présent du temps de guerre. France et Italie, une comparaison asymétrique Si le dispositif de la « fabrique des héros » est ici étudié en majorité dans le cas de la France, nous avons choisi d’intégrer l’Italie en tant qu’élément de contraste et de comparaison à la fois original et pertinent. Les perspectives comparées ou croisées sur la Première Guerre mondiale ont accouché de nombreux travaux stimulants, qui se sont souvent concentrés sur le front Ouest et ses acteurs3. Par conséquent, bon nombre de travaux consacrés à plusieurs belligérants se sont concentrés sur la France et l’Allemagne, en y ajoutant parfois la Grande-Bretagne4. Du fait de leur niveau d’engagement dans le conflit, ces trois pays sont, à bon droit, été considérés comme les mieux uploads/Litterature/ me-moire-z-boubli-fabrique-des-he-ros.pdf

  • 36
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager