Moisson, berceau des ballons dirigeables par M. Robert CAPRY (de Sannois) et M.
Moisson, berceau des ballons dirigeables par M. Robert CAPRY (de Sannois) et M. M. PONCELET (de Mantes-la-Jolie) En aval de Mantes, à quelques kilomètres, la Seine après s’être heurtée à la colline de Rolleboise, amorce une immense boucle, qui enserre la vaste forêt de Moisson. Le village lui- même occupe le sommet de ce méandre, face aux collines crayeuses de Chantemesle et de Haute-Isle. Le plateau descend en pente douce des hauteurs de Rolleboise pour venir mourir au ras de l’eau. Lorsqu’après avoir laissé la route nationale au pied de la célèbre côte de Rolleboise, on longe la Seine, après avoir traversé les villages de Méricourt et de Mousseaux, la route esca- lade le côteau et traverse la forêt. À quelques centaines de mètres de Moisson, la forêt s’éclaircit et l’on découvre une lande de sables. À droite de la route, deux vastes fossés recti- lignes apparaissent encore à faible distance. L’entrée dans le village se fait par la rue de la Ballonnière. Ce sont les seuls souvenirs restant encore d’une période qui rendit le nom de Moisson célèbre en France et à l’étranger, il y a un peu plus d’un demi-siècle. C’est, en effet, en ces lieux qu’évoluèrent les « Lebaudy », ces ballons dirigeables dus à la générosité des frères Lebaudy. Rappelons que l’un d’eux, Paul Lebaudy, était propriétaire du château de Rosny et possédait également une partie de la forêt de Moisson. Un récent article du « Courrier » nous remit ces faits en mémoire et l’idée nous vint de faire revivre ces heures qui furent exaltantes pour les sportifs de l’époque. Rassemblant des documents et des informations dans ce but, nous apprîmes qu’une étude sur ce sujet se trou- vait dans la monographie de Moisson, que M. Capry avait écrite mais jamais publiée. L’auteur a bien voulu nous permettre de vous donner lecture de son travail, et c’est en le remerciant que nous lui laissons la parole… LES DIRIGEABLES « LEBAUDY » Le début de notre XXe siècle vit la naissance du grand événement qui porta le nom de Moisson au-delà des frontières de notre département et lui fit même franchir celles de la France. Nous étions alors à la « Belle Époque », cette période heureuse de la vie de notre Pays. Au début d’août 1901, une équipe d’ouvriers arrive à Moisson. Le 6 août, près de la route qui conduit à Mousseaux, à un endroit appelé « le fer à cheval », ces travailleurs com- mencent les fouilles d’une construction qui paraît devoir être importante. Les habitants du village sont intrigués ; il n’ont rien entendu dire auparavant et ignorent tout de ce bâtiment et de sa destination. On fait ensuite des fondations en béton, puis des charpentiers assemblent et montent la charpente de l’édifice. D’après des notes prises à l’époque, au jour le jour, c’est seulement le 13 octobre 1901 que les charpentiers ont fini de couvrir le hangar qui doit abriter les « ballons dirigeables ». Il s’agit, en effet, d’expérimenter des ballons dirigeables semi-rigides. À cette tentative, M. Paul Lebaudy, propriétaire d’une partie de la forêt de Moisson et son frère, M. Pierre Le- baudy, consacrèrent des sommes importantes. Ces essais ont retenu l’attention des Français de 1902 à 1910 et plusieurs nations étran- gères, notamment l’Angleterre et l’Allemagne, s’y sont également intéressées. Comme on le sait, ils ont échoué puisque le ballon dirigeable a été supplanté par l’avion. Pour notre compte, nous nous bornerons à retracer les grandes lignes de cette expérience et nous tâcherons d’en dégager les conséquences sur le plan local. Le 5 novembre 1901, le hangar est achevé. Le lendemain, on a placé tout à côté une pe- tite maison de bois qui provient de l’Exposition Universelle de Paris (1900) et qui servira d’habitation au gardien. Les portes du hangar ont 14 mètres de hauteur. Le 12 décembre, elles sont abattues par une tempête mais sont remontées quelques jours après. Le 1er février 1902, une nouvelle tem- pête enlève toute la partie nord de la couverture et la transporte à près de 80 mètres. Cette couverture est également réparée sans délai. Enfin, le 16 avril 1902, l’armature en tubes d’acier du ballon dirigeable arrive par ba- teau et est transportée au hangar sous la conduite de M. Julliot, ingénieur. Le ballon, gonflé au gaz, doit en contenir 250 mètres cubes. Il sera actionné par un moteur Daimler à quatre cylin- dres, de quarante chevaux, mettant en mouvement une hélice de trois mètres d’envergure. Les essais du moteur et le gonflement demandèrent plusieurs mois. Enfin, le dirigeable « Le Jaune » (nommé d’après la couleur de son enveloppe) fait sa première sortie le 25 octo- bre 1902. Le 3 novembre, il s’élève dans les airs pour la première fois, mais il est maintenu par un câble. Enfin, le 12 du même mois, c’est la première ascension véritable ; il évolue li- brement et tourne autour de Moisson, à l’altitude de 100 à 120 mètres. Le succès répond aux espérances. Cependant, l’hiver vint interrompre les essais. Le 17 décembre 1902, le ballon dirigea- ble est sorti du hangar, en vue d’une ascension qui devrait le conduire jusqu’à Rosny et Man- tes. Mais, par suite du froid intense, le moteur ne peut fonctionner. Le ballon est donc rentré au hangar pour y être dégonflé. L’année 1903 devait voir la poursuite de l’expérience, la consécration des premiers suc- cès, mais aussi le premier accident grave. Dès la fin de mars, le ballon est gonflé à nouveau. Le 1er avril, il fait une nouvelle ascension, puis évolue en tous sens au-dessus de la plaine de Moisson en donnant toute satisfaction. Le 11 avril, autre ascension, qui fut accompagnée d’un incident sans gravité. Par suite d’un petit accident de moteur, le ballon est obligé d’atterrir dans la plaine ; heureusement, il ne subit pas de dégâts et la tentative est renouvelée le surlen- demain ; elle dure une heure. Le 20 avril, le dirigeable va jusqu’à Freneuse et revient à son point de départ. Enfin, le 8 mai, il fait sa première grande sortie. Parti à 9 heures et piloté par M. Juchmès, aéronaute, et M. Rey, mécanicien, il évolue sur la campagne jusqu’au-dessus de Mantes et Limay. Au re- tour, il passe au-dessus de Buchelay, Rosny et Rolleboise. Il effectue ainsi un parcours de 37 kilomètres sans incident et rentre au hangar à 10 h 30. Le premier voyage aérien avec un en- gin à moteur avait été réalisé. . Le 15 mai, par contre, nouveau désagrément : le ballon est allé évoluer au-dessus de Rosny-sur-Seine, mais au retour, une coquille de son ventilateur s’est désoudée et il est obligé d’atterrir à Sandrancourt, près du cimetière. Une péniche, en déchargement à Mousseaux, permet la traversée du fleuve et le ballon réintègre son hangar, porté à bras d’hommes par une centaine de personnes de Guernes et de Sandrancourt. Entre temps, il était survenu un incident d’un autre caractère. Le 24 avril, un ouvrier dé- couvrait, à l’intérieur du hangar, une cartouche de dynamite garnie d’une longue mèche. Le jour même, plusieurs ouvriers étaient congédiés. C’était là, tout au moins, une preuve de la réussite de l’expérience, puisqu’elle suscitait un essai d’attentat qui, heureusement, n’eut pas les graves suites qu’il aurait pu comporter. L’accident matériel du 15 mai fut vite réparé ; le 22 mai et le 1er juin, le ballon fait deux ascensions au-dessus de Moisson et le 1er juin, il accomplit un second voyage. Monté par trois personnes : M. Juchmès, pilote, MM. Rey et Dey, mécaniciens, il tient l’air pendant 2 heures 45 minutes à une altitude maxima de 200 mètres, et parcourt 98 kilomètres. Nouvelles ascensions le 4 juillet et le lendemain, cette dernière en présence des mem- bres de la Commission scientifique de l’Aéro-Club de France, composée de MM. Lévy, de l’Institut, de Fontvielle, Eiffel, le comte de la Vaux, Bahan, Georges Besançon et Picatte, ce dernier secrétaire. Sorties encore les 11, 14, 19 juillet et 2 août, la dernière à une altitude de près de 500 mètres. Puis le ballon est dégonflé et soumis à une révision nécessitée par l’atterrissage forcé auquel il avait été contraint le 15 mai. Des bandes blanches sont collées sur toutes les coutures de l’enveloppe. Cette révision demande un délai de trois mois et c’est seulement le 8 novem- bre qu’il peut faire une nouvelle ascension, en présence de 20 officiers du parc militaire de Chalais-Meudon. Au cours de celle-ci, pendant cinq heures et quart, il évolue entre Moisson et Freneuse. Cet exploit est renouvelé le surlendemain. Enfin, le jeudi 12 novembre, jour anniversaire de sa première ascension, à 9 h 20 du ma- tin, le « Jaune » quittait le hangar de Moisson pour atterrir à 11 h 1 minute, à Paris, au milieu du Champ de Mars, entre la Tour Eiffel et la Galerie des Machines, à la place exacte qui lui avait été préalablement indiquée. Ce voyage de 62 kilomètres, remarquablement accompli, couronnait une année de re- cherches et d’efforts. uploads/Litterature/ moisson-berceau-des-ballons-dirigeables.pdf
Documents similaires










-
75
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0650MB