Jean Darrouzès Trois documents de la controverse gréco-arménienne In: Revue des

Jean Darrouzès Trois documents de la controverse gréco-arménienne In: Revue des études byzantines, tome 48, 1990. pp. 89-153. Résumé REB 48 1990 France p. 89-153 J. Darrouzès, Trois documents de la controverse gréco-arménienne. — Ces textes inédits sont publiés avec une traduction française et une introduction ; ils ne sont pas datables avec précision à cause de leur anonymat. Le premier est une lettre patriarcale au catholicos, qui contient une réfutation des erreurs attribuées aux Arméniens; le second est une profession de foi trinitaire et christologique adressée à l'empereur Jean Comnène par un catholicos, sans doute drégoire III; le troisième donne le catalogue des usages blâmables dont l'Église byzantine exigeait la réforme avant d'accepter la communion avec les Arméniens, vers les années 1172-1180. Citer ce document / Cite this document : Darrouzès Jean. Trois documents de la controverse gréco-arménienne. In: Revue des études byzantines, tome 48, 1990. pp. 89-153. doi : 10.3406/rebyz.1990.1822 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1990_num_48_1_1822 TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRÉCO-ARMÉNIENNE Jean DARROUZÈS Un certain nombre d'opuscules produits par la controverse entre Grecs et Arméniens circulent dans les manuscrits grecs ; ils ont entre eux une grande parenté, de sorte que l'impression du déjà vu provoque une certaine indifférence au texte et voile les particularités susceptibles d'intéresser l'histoire. Tant qu'on ne dispose pas d'un inventaire de ces pièces et des manuscrits témoins, les difficultés de datation, d'interprétation et d'identification ne seront pas levées. Ainsi un extrait d'Euthyme Zigabène, ce compilateur qui reproduit presque toujours des œuvres antérieures, a pu passer pour une œuvre de Michel Cérulaire ; ou bien un discours de Nicétas Stéthatos dirigé contre les Arméniens a été édité comme œuvre anti-latine1. Par suite de ces difficultés, des textes caractéristiques sont restés inexploités ou n'ont pas été reconnus comme actes officiels. A défaut d'une recherche méthodique sur cette tradition complexe, la publication de trois documents, dont deux sont des actes patriarcaux, contribuera à déblayer un peu le terrain et à dégager quelques perspectives. L'essentiel étant ici l'édition et la traduction des textes, l'introduc tion présentera d'abord les manuscrits, puis chacun des documents, et donnera enfin une récapitulation des thèmes de la controverse. I. La tradition manuscrite Bien que ces textes soient enregistrés depuis longtemps dans les dossiers de notre institut, le fait qu'ils sont anonymes empêchait de les introduire dans les regestes patriarcaux ; ils pourront figurer sans 1. Je reviens plus bas sur ces deux exemples, dont j'ai parlé dans HEB 25, 1967, p. 288-291. Revue des Études Byzantines 48, 1990, p. 89-153. 90 J. DARROUZÈS doute dans un petit supplément. Chacun d'eux est attesté par des manuscrits différents. Le premier texte se trouve dans le Mosquensis 443 (Vlad. 232), que le catalogue date du 12e siècle. Le contexte de la lettre à un patriarche, qui couvre les f. 151V-158, est évocateur. Le manuscrit est un recueil général contre les hérésies, à commencer par les formules d'abjuration du rituel; il s'y ajoute des pièces très rares, comme la lettre de Grégoire de Nicée sur le baptême des Juifs ; il y a ensuite des textes contre les Latins (Pierre d'Antioche, Léon de Bulgarie) ; puis la collection remonte un peu vers l'Antiquité (Théodore Abucara, Anastase), pour aboutir enfin aux Arméniens ; après la lettre patriarcale vient un groupe homogène : f. 159M70 f. 17Γ-190 f. 190M99 Invective I contre les Arméniens. quatre discours suivis de Nicétas Stéthatos. tome du pape Léon au concile de Chalcédoine. f. 199v-202v : deux chapitres sur Pierre le Foulon et son disciple Serge. f. 203 (fin mutilée) : formule de réintégration des Arméniens. Le voisinage le plus proche est aussi le plus significatif, celui de Γ Invective et celui des quatre discours. La première a pour auteur Euthyme de la Péribleptos, connu aussi pour sa dissertation sur les Phoundagiagites ; les quatre discours de Nicétas Stéthatos, auxquels, comme nous verrons, il faut en ajouter un cinquième, sont de date indéterminée, mais peuvent approcher sans doute du milieu du 11e siècle, qui est la date de Γ Invective. Le second texte s'intitule exposé de la foi composé par un catholicos arménien pour l'empereur Jean Comnène ; il est connu par un manuscrit unique : Atheniensis B.N . 375, f. 234V-237V. Le catalo gue de Sakkélion le date du 13e siècle, mais M. Richard2 l'estime du 14e ou du 15e siècle ; même si la seconde date est plus proche de la vérité, le manuscrit lui-même n'apporte pas grand-chose à la connaissance de cette pièce. Le texte est suivi d'une note assez longue (dont le début est reproduit ici, p. 145), qui contient une critique de l'exposé arménien et met en doute sa sincérité. Cette note paraît ancienne et fait écho à la note finale du sommaire et à son doute sur l'authenticité de la profession de foi arménienne. Il est évident que ces notes ont pu être ajoutées par un lecteur tardif, assez éloigné de la date de composition que suggère le nom de l'empereur. Cela n'enlève rien à la valeur de la mention de Jean Comnène, qui devient le seul critère positif de datation. Il n'y a aucune raison de penser que ce nom est venu là par hasard, ou par fraude. 2. Article sur les Florilèges : Dictionnaire de Spiritualité 5, 1962, p. 485. TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRÉCO-ARMÉNIENNE 91 Le troisième texte se trouve au moins dans trois manuscrits. Deux sont apparentés entre eux : Athos Iviron 381, f. 169-171V; Milan Ambrosianus 682, f. 343v-345. Le troisième est le manuscrit de Bâle, Universitas A III G, f. 285-286; il se peut que le Laurentianus V 40 contienne le même texte que le manuscrit de Bâle, car les deux recueils sont très proches l'un de l'autre3. Je n'ai pas pu faire la vérification, et celle-ci ne me semble pas indispensable pour l'établissement du texte. Le titre donné seulement par Iviron et Ambrosianus paraît composé simplement d'après le début de l'exorde où est cité comme destinataire le catholicos (d'Arménie). Encore plus que pour les deux documents précédents la datation de celui-ci dépend essentiellement du contenu. II. Une lettre patriarcale au catholicos De même que l'appartenance au manuscrit Mosquensis constitue un préjugé favorable à l'ancienneté et à l'authenticité de la lettre, le titre et l'exorde portent une marque de son origine. Une lettre officielle ne recevait pas évidemment, comme une copie manuscrite, un sommaire développé indiquant très précisément la suite du développement. Mais la phrase finale de ce sommaire évoque clairement l'adresse qui se mettait à l'extérieur du pli, l'épigraphe (inscriptio)4. Ensuite l'exorde du texte désigne un patriarche et sans doute un patriarche nouvellement ordonné5 qui s'adresse au catholicos. Ce n'est peut-être pas une coïncidence insignifiante que la lettre donne aussi au début la même référence à Ézéchiel qu'une lettre de Photius aux Arméniens, quoique cette lettre ne soit pas citée ensuite dans le corps du texte. Un autre document de cette période, comme on verra, inspire bien davantage tout le développement. Dès le début le patriarche indique aussi l'occasion de sa lettre. Il 3. Cela se vérifie par exemple pour les opuscules de Jean de Kitros et de Constantin Kabasilas : REB 31, 1973, p. 321 ; les deux manuscrits ont aussi même contenu : le commentaire de Balsamon avec suppléments. 4. On peut se reporter à la copie d'une lettre de Manuel Comnène au catholicos avec cette mention : ή επιγραφή · βασιλικόν, εις τον ... καθολικόν των 'Αρμενίων (Ρ(ϊ 133, 121 Λ). La chancellerie patriarcale avait un modèle semblable : REB 27, 1969, p. 63-64, 106; à l'extérieur le pli portait alors la mention πατριαρχικόν. 5. L'allusion à l'ordination patriarcale peut signifier que le patriarche s'adresse pour la première fois à ce confrère ; c'est le genre de déclaration que l'on trouve fréquemment au début d'une lettre : O. Mazal, Die Prooimien der byzantinischen Patriarchenurkund en, Wien 1974, p. 67-75. Ici cependant il faut remarquer aussi la dépendance de la rédaction par rapport à la lettre de Nicétas de Byzance : voir note 12 et apparat des citations. 92 J. DARROUZÈS s'agit de répondre à une propagande des hérétiques qui sèment la zizanie ; des gens sont arrivés dans la capitale et font courir le bruit que là d'où ils viennent se répand une doctrine contraire à celle de l'Église byzantine6. D'où la nécessité de répondre à ces attaques contre l'orthodoxie. Mais la ville ou la contrée d'où viennent ces nouvelles restent tout à fait dans l'ombre. Les deux textes les plus proches de cette lettre dans le manuscrit suggèrent la date du 1Γ siècle. En effet Γ Invective contre les Arméniens est attribuée maintenant au moine Euthyme de la Péribleptos7, qui a écrit contre d'autres hérétiques, les Phoundagiagi- tes, et cela en 1050. L'écrit contre les Arméniens ne doit pas être de date très éloignée. Les discours de Nicétas Stéthatos contre les Arméniens, qui ne sont pas encore édités et que les historiens de la littérature ignorent, sont de la même période. Le manuscrit de Moscou n'a que les quatre premiers; aucun doute cependant que Nicétas en ait écrit un uploads/Litterature/jean-darrouzes-trois-documents-de-la-controverse-greco-armenienne-revue-des-etudes-byzantines-tome-48-1990-pp-89-153.pdf

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