Hamsa. Journal of Judaic and Islamic Studies 1 (2014): 41-54 41 Douze années d’
Hamsa. Journal of Judaic and Islamic Studies 1 (2014): 41-54 41 Douze années d’études mudéjares (2001-2013) J.-P. Molénat C.N.R.S. – Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (Paris) Resumo: O artigo propõe uma visão global dos estudos desenvolvidos sobre os mudéjares da Península Ibérica da Baixa Idade Média, entre 2001 e 2013. A profusão da produção bibliográfica no período considerado, que congrega especialistas de várias origens, é apresentada em função de uma plêiade de temáticas que têm estruturado esta investigação nos diferentes reinos ibéricos medievais. Palavras-chave: Mudéjares, Muçulmanos, Baixa Idade Média, Península Ibérica Abstract: The paper presents an overview on the mudéjar studies of the Iberian Peninsula in the late Middle Ages, from 2001 to 2013. The bibliographical profusion in the time considered, which brings together experts from different backgrounds, is displayed in a set of subjects that have structured this research in the different medieval Iberian kingdoms. Key words: Mudéjars, Muslims, Late Middle Ages, Iberian Peninsula On prendra ici l’expression « études mudéjares » principalement dans le sens des études consacrées aux mudéjars (espagnol: mudéjares), soit aux musulmans demeurant sur les terres déjà conquises par les chrétiens dans la péninsule Ibérique (actuels État espagnol et Portugal), jusqu’à la fin de cette présence acceptée, et à la conversion forcée ou expulsion à des dates qui s’étagent suivant les royaumes, entre 1497 pour le Portugal et les années 1530 pour l’Aragon proprement dit. Le « mudéjarisme », dans le sens des historiens de l’art, soit l’art marqué par des influences de l’art islamique, mais non nécessairement l’œuvre d’artisans ou d’artistes musulmans, sera à peine abordé, et seulement en référence à la présence effective, vraisemblable, ou possible, de mudéjars dans sa réalisation. Une autre précision préalable nécessaire est, qu’après mûres réflexions, nous n’avons pas estimé bon de préciser: les études mudéjares « dans la péninsule Ibérique (Espagne et Portugal) ». Tout d’abord, parce que, comme il est naturel, la grande majorité de ces études sont élaborées et publiées dans les deux états de la péninsule par des chercheurs en ayant la nationalité, et y résidant. La seconde raison, et la principale, à notre sens, est que séparer la production américaine, anglaise ou française, sur le sujet, aurait quelque chose d’artificiel parce que les chercheurs américains, anglais ou français concernés appartiennent finalement au même monde culturel que les Espagnols et les Portugais, et sont confrontés aux mêmes problèmes que ces derniers, d’un monde issu du christianisme face à la présence de l’Islam sur les terres de la culture européenne. Sans doute vaudrait-il la peine d’étudier séparément les travaux sur le sujet de chercheurs principalement arabes, nourris de langue arabe et de culture Hamsa. Journal of Judaic and Islamic Studies 1 (2014): 41-54 42 islamique, vivant dans des pays officiellement musulmans. Mais ce n’est pas là l’objet de cet article. Le premier trait saillant à signaler est l’abondance de la production bibliographique de ces douze dernières années consacrée aux mudéjars. Ce n’est pas là évidemment le résultat du simple hasard. Le fait que nos sociétés européennes, y compris celles traditionnellement productrices d’émigrants, se trouvent maintenant, du fait de la pression croissante d’une immigration issue du Tiers-Monde, et principalement de pays arabes et musulmanes, face à des minorités partiellement comparables à celles que furent les mudéjars, ne pouvaient manquer de provoquer l’intérêt envers ces derniers. On pourrait même s’étonner, particulièrement dans le cas français, que l’intérêt des jeunes chercheurs « issus de l’immigration », suivant l'expression consacrée, n’ait pas été plus vif envers les musulmans hispaniques des siècles bas-médiévaux. Il y a, à notre avis, deux explications à ce manque d'intérêt. La première est l’absence, dans l’enseignement historique français, y compris universitaire, d’une tradition de ce thème, susceptible d’éveiller l’attention de jeunes chercheurs. La seconde réside dans le problème de la langue : si la « barrière de la langue »1, c’est à dire ici les difficultés de la langue arabe, constitue l’obstacle le plus commun au bon développement des études arabes et musulmanes en France, le problème dans ce cas est plutôt celui de la langue ibérique (castillan, portugais, voire catalan), instrument évidemment préalable aux études mudéjares, non seulement parce que la documentation disponible sera massivement rédigée dans ces langues, mais aussi du fait de tout l’acquis des travaux antérieurs que le chercheur sera bien dans l’obligation de manier. Si certains travaux anglo- saxons ont été traduits en français2, ils sont de toute façon insuffisants, et le recours à l’espagnol, en premier lieu, est une condition indispensable, comme il est logique. On peut penser que la maîtrise d’au moins la plus importante des langues ibériques est le présupposé de tout intérêt scientifique pour quelque partie que ce soit de l’histoire de la péninsule. Or l’espagnol, pour ne pas parler du portugais, est peu, ou mal, enseigné en France, et surtout mal considéré par rapport au sabir international anglo-saxon3. Dans la production historiographique des douze dernières années concernant donc les musulmans soumis (mudéjars) des royaumes ibériques du Bas Moyen Âge, quels que soient donc la nationalité des auteurs et le lieu de publication, on signalera d’abord deux ouvrages dont chacun embrasse la totalité d’un royaume, sous tous les aspects concernant sa minorité 1 Nous empruntons l’expression à l’article du Père R. I. Burns: «The language barrier: the problem of bilingualism and Muslim-Christian interchange in the medieval Kingdom of Valencia», in Contribution to mediterranean studies, éd. Mario Vassalo, Malta, Royal University of Malta, 1977, p. 116-136, reproduit dans Muslims, Christians and Jews in the Cruzader Kingdom of Valencia, Cambridge, Cambridge University Press, 1984, p. 172-92, sous le titre: «The language barrier: bilingualism and interchange», traduit en catalan comme: «La muralla de la llengua: el problema del bilingüisme i de la interacció entre musulmans i cristians», dans Jaume I i els valencians del segle XIII, Valence, Tres i Quatre, 1981, p. 303- 330, reproduit dans Moros, cristians i jueus en el regne croat de València, Valence, Tres i Quatre, 1987, p. 251-277. Mais elle peut évidemment tout aussi bien s’appliquer dans une multitude d’autres contextes. 2 On peut citer ici le livre de David Nirenberg, Communities of violence. Persecution of Minorities in the Middle Ages, princeton, Princeton University Press, 1996, traduit en espagnol comme Comunidades de violencia, Barcelone, Ed. Península, 2001, et en français sous le titre: Violence et minorités au Moyen Âge, Paris, PUF, 2001, sur lequel nous reviendrons plus loin. 3 Sur les études mudéjares réalisées en dehors de l'espace ibérique, on verra les deux conférences incluses dans les actes du XII Simposio Internacional de Mudejarismo (Teruel, Centro de Estudios Mudéjares, 2013), dues respectivement à Pascal Buresi («El mudejarismo en el hispanismo francés, siglos XX y XXI», p. 353-369), et à Mark Meyerson («Los historiadores norteamericanos y los mudéjares», p. 371-383). Hamsa. Journal of Judaic and Islamic Studies 1 (2014): 41-54 43 musulmane. Il s’agit d’abord du livre de Maria Filomena Lopes de Barros, version de sa thèse de doctorat, et intitulé: Tempos e espaços de mouros. A minoria muçulmana no Reino Português (séculos XII a XV)4. Nous en avons longuement rendu compte ailleurs5, ce qui nous dispensera d’être trop prolixe ici, pour en dire tous les mérites. En même temps qu’un ouvrage de synthèse, c’est un travail pionnier, du fait que les études mudéjares n’avaient guère jusqu’ici retenu l’attention des chercheurs dans l’espace portugais. Il est le résultat d’un patient travail de dépouillement d’archives très dispersées, en même temps que d’un effort de réflexion originale, basé sur l’idée de réintégrer les musulmans « portugais » dans l’histoire de la nation portugaise. L’autre ouvrage de synthèse est celui de José Hinojosa Montalvo : Los mudéjares. La voz del Islam en la España cristiana6, en deux volumes, dont le premier est constitué par une étude, et le second, de loin le plus épais, par la publication de 478 documents, regroupés par thèmes, et dont tous n’étaient pas inédits jusque-là. Malgré de brefs développements consacrés à la Navarre et au royaume de Castille, il s’agit essentiellement d’une étude des mudéjars de la Couronne d’Aragon, et spécifiquement de ceux du royaume de Valence. Si le poids démographique relatif de ces derniers, et l’abondance de la documentation d’archives les concernant, peuvent expliquer cette situation, de même que le développement inégal des études antérieures, il n’en reste pas moins que « la voix de l’Islam » ne se fait que peu entendre dans ces pages à partir de la plus vaste partie du territoire de l’actuel État espagnol. Une autre synthèse, notablement plus brève, est constituée par celle qu’Ana Echevarría a consacrée à la minorité islamique des royaumes chrétiens médiévaux7. Les symposiums d’études mudéjares, réunis régulièrement à Teruel, tous les trois ans depuis le deuxième d’entre eux, tenu en 1981, ont continué de rassembler les chercheurs intéressés par le sujet, aussi bien au niveau de l’histoire, sociale ou religieuse, que de l’histoire de l’art. Les réunions correspondant à la période envisagée ici, et dont les actes ont tous été publiés, sont celles des années 19998, 20029, 200510, 200811 et 201112. Une revue est spécialement consacrée aux études mudéjares et morisques, uploads/Litterature/ molenat-jean-pierre-douze-annees-d-x27-etudes-mudejares-2001-2013.pdf
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- Publié le Dec 13, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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