1 3 Mémoire sous la direction de Sandrine Israël-Jost Je jure que ce que j’avan
1 3 Mémoire sous la direction de Sandrine Israël-Jost Je jure que ce que j’avance est inexact Remerciements : Luc et Anne Bourgeois, Sandrine, Aline, Nina, Ju, Bernard, Ammar, Élisa, Olivier Deloignon, familli-amor, Neil, Marcus. 5 avant tout C’est la possibilité qui est attrayante, cette zone où rien n’est encore arrêté. Si le lecteur fait le choix d’ouvrir ce livre au hasard, en éliminant les autres possibles, il se crée une lecture unique, propre à lui-même. Si le lecteur poursuit le jeu, qu’il lise le texte suivant ou qu’il relance les dés, rien n’est joué. La seconde page sera différente pour chacun, et le nouveau texte éclairera le premier d’un jour nouveau. Tant qu’il ne sait pas bien où cela s’achève, que le doute persiste, l’imaginaire est convoqué, et l’attention sur le qui-vive. Chacun peut se frayer un chemin à travers ces textes. Par cela-même, le livre est en devenir constant dans l’esprit de celui qui le lit, et ça me fait rêver. Préambule Après un enchainement de rencontres, je suis arrivée en Égypte pour 6 mois. Être une jeune femme blanche qui cherche à briser son statut de touriste est loin d’être évident. Quand tu te retrouves en Égypte la veille d’une révolution, puis au cœur de celle-ci, et que tu décides de rester après l’effervescence aussi ; ça te fait réfléchir. Alors quand tu es assignée à résidence pour ta propre sécurité, tu écris. Quand tu attends (et c’est souvent), tu écris. À ces moments-là ça bouillonne, tu écris vite, aussi vite que tu penses, et tu fixes les évènements, les questions, les idées, les conversations. Puis tu y repenses. Tu apprends à connaître les gens, tu comprends mieux la situation, tu réfléchis. Le raisonnement, à peine esquissé plus-tôt, s’étaye, et, synchronicité aidante, tu découvres exactement les documents ou les personnes qu’il te faut pour avancer. Alors tu choisis un des textes, c’est le moment de le pousser plus loin, tu l’ajustes, le re-écris. C’est avec la même liberté qui m’a permis d’activer ces textes que j’ai décidé de les offrir au lecteur. Ce livre a une forme qui résulte de la manière dont j’ai travaillé. Un ouvrage qu’on ouvre au hasard, qu’on effeuille à l’envie. 7 Ces textes sont majoritairement au présent, car ils sont réactualisés en permanence. Pendant leur maturation 3 grandes familles se sont distinguées : - des textes sur ma manière de travailler, - des réflexions problématiques, - et des histoires qui racontent le contexte. Le lecteur pourra trouver sur la tranche supérieure du livre un signe distinctif pour ces 3 groupes. LA MANIÈRE LES QUESTIONS LES HISTORIETTES Les mots à consonnance arabes qu’on trouvera dans le texte en italique, sont expliqués dans le glossaire (p. 99). Les personnes que j’ai rencontrées, et qui ont une importance dans les textes, sont présentées ci-après afin de faciliter la lecture. Allons-y. 9 rencontres Élisa martin Artiste peintre française, elle est ma précieuse coéquipière lors de ce voyage. ammar abu bakr Artiste peintre et graffeur égyptien, assistant à la Faculty of Fine Art de Louxor. C’est notre ange gardien durant toute notre période égyptienne. C’était la seule personne que nous connaissions lors de notre arrivée à Louxor. Nous l’avons rencontré à Strasbourg un an plus tôt, grâce à Roger Dale (peintre), Otto Teichert (directeur de l’ÉSAD) et Mustafa alZanati (imprimeur helvetico-égytien). assem abd elHamid Poète égyptien aux allures d’hashishin et compagnon de quête soufi d’Ammar. Wafi Anarchiste égyptien, ingénieur en agronomie à Qéna. C’est l’éminence grise qui réfléchit aux actions à mener dans le sud de l’Égypte. Il cherche à mobiliser la foule pour renverser le gouvernement, puis à sensibiliser les égyptiens à la politique. C’est une tâche rude quand l’enseignement actuel de l’islam (à tendance wahhabiste et salafiste) affirme qu’être contre le dirigeant est un pécher. amin aldishnawi Cheikh soufi le plus connu du Sud de L’Égypte et ami d’Ammar, Assem et Hossein. Hossein Un des meilleurs flûtiste ney égyptien. Il réside à Louxor et joue pour Amin lors des Nuits soufis. maîtres à penser d’ammar 11 ahmad & fatima Journaliste égyptien indépendant au Caire. Il est marié à une anglo-irakienne qui étudie l’ethnologie. Ce sont eux qui nous ont accueillies avec nos 5 compagnons dans leur appartement le 11 février 2011. christine Consule honoraire de France. Elle est en charge du sud de l’Égypte. Elle est aussi la directrice de la Maison des Potiers à New Gourna, dans laquelle Barakat travaille. Elle est aussi l’infirmière de tous les habitants qui le souhaitent. Hanifa Monteur en cinéma, c’est le jeune frère d’Ammar. Par le passé, Hanifa, de son vrai nom Ahmed Bakr, était un Frère Musulman intégriste. Puis il s’est aperçu qu’il gâchait sa vie et celle de sa famille, alors il a quitté la confrérie, et a rejoint la voie des soufis. mehdi Psychanaliste iranien résidant à Poitiers, en France. Il a été pendant plusieurs années le compagnon de ma mère. Nous avons vécu avec lui et sa famille. mqr Photographe américain qui parcourt l’orient depuis 10 ans. 13 Antonio Gramsci, (traduit littéralement de l’italien), elle est extraite d’une Lettre à son frère Carlo écrite en prison, le 19 décembre 1929. « Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté » (Cahiers de prison, Gallimard Paris, 1978-92). 15 la place J’aurais pu parler de l’Orient sans y mettre le pied, mais je préfère me laisser déranger sur place. Comme le reporter polonais Ryszard Kapuściński le dit : « Il se peut que la pensée naisse dans le mouvement. Changer d’endroit, changer de visages humains agit beaucoup sur ma pensée et m’incite à la réflexion. » Ryszard Kapuściński, Autoportait d’un reporter, textes choisis par Krystyna Strączek, feux croisés\plon, 2008. Édition originale : Wydawnictwo Znak, Cracovie, 2003. Afin de raconter l’ailleurs, de partager la passion qui me porte, j’ai besoin de me plonger dans la situation. En restant plusieurs mois dans ce quotidien étranger, je commence à percevoir la culture égyptienne, et à m’y immiscer. Avec le déracinement, s’affine la sensibilité. Afin de me laisser surprendre, j’ai refusé de regarder les photos des autres, d’écouter leur ressenti, d’explorer l’Égypte en amont. Je n’ai pris de renseignements que le strict nécessaire. Je souhaitais le choc des cultures, du non identifiable. L’exception est pour la langue arabe, quelques cours avant le départ, une connaissance sommaire de l’alphabet afin de me permettre l’écoute sur place. Des échanges simples mais directs avec les égyptiens ont ainsi été possibles, sans plus de traduction obligatoire. Ainsi, sur place, je reçois tout, je m’imprègne de la situation et je tente de m’y adapter. Et très rapidement je rentre dans l’intimité de l’étrange. Pour m’intégrer je dois bouleverser mon comportement, alors je deviens le caméléon. J’essaie de me calquer sur les gens que je côtoie. * débile dans le sens idiot. Cet état de fait est lié au systême corrompu qui sévit en Égypte. En effet, un homme capable ne dépassera pas le statut d’assistant, alors qu’un idiot sera un émissaire parfait, car au moins il comprend qu’il ne doit sa place pas au mérite mais à son mentor, auquel il devra des services. Mais je me heurte à mon ignorance des règles implicites : la place de l’homme et de la femme, du professeur et de l’étudiant, du riche et du pauvre. Il est souvent difficile de deviner qui détient réellement le pouvoir. (Ah bon ? n’est- ce pas systématiquement l’homme, le professeur, le riche ?) - Non. - Derrière les apparences, la femme despotique se cache à la maison, l’homme à la veste râpée fait affaire avec le gouverneur, celui qui est amical pille l’hôpital avec ses hommes, le professeur souvent incapable est le jouet débile* du gouvernement, ... Chaque instant est une découverte, une remise en question de ce que je croyais acquis. Et chaque pas, que j’effectue au hasard, me permet de comprendre un peu plus en profondeur cette culture, dont je n’effleure pourtant que la surface. Et tout en me formant à ce pays, je pose sans cesse des questions. Pourquoi ne doit-on pas sortir sur le balcon sans voile sur les épaules ? Pourquoi doit-on tenir la chandelle aux amoureux ? Pourquoi est-ce dangereux pour notre ami le potier quand nous restons dormir chez lui ? Pourquoi l’art égyptien est-il aussi lourd qu’une pyramide ? Pourquoi les filles ne veulent pas se risquer à nous accompagner hors des horaires 12h-18h ? Pourquoi cette femme a-t-elle vendu son enfant ? Pourquoi Barakat ne se marie-t-il pas ? Pourquoi ce sont les jeunes qui ont amorcé la révolution ? Pourquoi ce sont des enfants qui ont fait fuir la police ? Pourquoi n’y a-t-il pas de librairie à Louxor ? Pourquoi la police demande-t-elle du bakshish ? Avec mon regard de française, j’épouse la situation et je la laisse se présenter avec tout ce qui me la rend incompréhensible. 17 J’aime donner la parole. Ce qui me rend tributaire de l’autre, de ce qu’il voudra bien partager. Je préfère la place de l’équipier à celle du leader, je suis uploads/Litterature/ noe-mie-kukielczynski.pdf
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- Publié le Mai 20, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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