ACTES, 12 : LE MANUSCRIT DANS TOUS SES ÉTATS Ædilis (http://aedilis.irht.cnrs.f
ACTES, 12 : LE MANUSCRIT DANS TOUS SES ÉTATS Ædilis (http://aedilis.irht.cnrs.fr/) – Actes, 12 : Le manuscrit dans tous ses états Les notes tironiennes http://aedilis.irht.cnrs.fr/manuscrit/notes-tironiennes.htm 2 février 2006 Les notes tironiennes Auteur : Denis MUZERELLE denis.muzerelle[arobase]irht.cnrs.fr http://www.palaeographia.org/muzerelle Mots clés : Tiron, notes tironiennes, paléographie NB : Une version plus développée de ce texte a été publiée, sous le titre « Aperçu sommaire (et perspectives nouvelles) sur les notes tironiennes », dans Écritures abrégées (notes, notules, messages, codes…) : l’abréviation entre pratiques spontanées, codifications, modernité et histoire, N. ANDRIEUX- REY, S. BRANCA-ROSOFF, C. PUECH, dir., Paris – Gap, Ophrys, 2004 (Bibliothèque de ‘Faits de langues’), p. 191-210. Introduction Pour comprendre la démarche qui sous-tend cet exposé, il est nécessaire de rappeler brièvement quel a été le cheminement des études tironiennes. Celles-ci se sont en fait développées comme un champignon à la fin du XIXe siècle — en gros, entre 1870 et la Première Guerre mondiale. Cet essor était principalement dû à trois facteurs : { D’abord, la mise en chantier des catalogues des grands fonds de manuscrits, qui mettaient régulièrement au jour des textes comportant des notes ; { ensuite, l’apparition de la photographie, qui permettait de reproduire ces notes sans les déformer en les transcrivant ; { enfin, l’invention de la sténographie. Ce détail est particulièrement important : il explique qu’une bonne partie du travail accompli à cette époque soit le fait d’amateurs, soucieux de trouver un ancêtre prestigieux à la sténographie, mais largement dépourvus de tout bagage paléographique. Plus de la moitié des articles publiés sur ce sujet ont paru dans une petite revue intitulée Archiv für Stenographie, qui est tout simplement le bulletin de liaison de la Société des sténographes allemands. Il y a évidemment des travaux plus solides, dont certains de très grande envergure (notamment ceux de Wilhelm Schmitz). Mais ils sont dus à des philologues qui se sont essentiellement intéressés aux textes véhiculés par les notes, et fort peu aux problèmes paléographiques qu’elles soulèvent. Page 1 sur 13 L'ecriture. Le manuscrit dans tous ses états, cycle thématique 2005-2006 de l’IRHT Le point d’aboutissement de ce mouvement a été la publication, en 1900, de l’Introduction à la lecture des notes tironiennes d’Emile Chatelain, irremplaçable catéchisme du tironianiste où se font enfin jour des préoccupations paléographiques. Et puis la Guerre est venue mettre un point final à cet élan. Si l’on excepte le déchiffrement de quelques textes supplémentaires, il ne s’est pratiquement rien publié d’important depuis cette date concernant l’histoire des notes — à l’exception, hélas ! d’un gros travail publié en 1942 par Arthur Mentz, qui aurait voulu être la somme définitive sur le sujet, mais qui n’est qu’une compilation assez dépourvue d’esprit critique, et surtout de réelle connaissance du monde des scriptoria et des chancelleries. Mon ambition est donc de reprendre le problème à la base, sur des fondements paléographiques, pour tenter de comprendre ce que représente exactement le système tironien dans l’histoire de l’écriture. Au terme de nombreuses années de fréquentation des notes, plus que de recherche systématique, je suis aujourd’hui arrivé à un certain nombre de conclusions qui diffèrent sensiblement de la doctrine communément admise. Et c’est une simple ébauche de la synthèse que je me promets d’élaborer que je vais esquisser dans les paragraphes qui suivent. I. Bref historique Si l’on s’en tient à la définition communément admise et largement diffusée (même dans les traités de paléographie les plus sérieux), les « Notes tironiennes » sont un système d’écriture sténographique en usage dans la Rome antique, dont l’invention remonterait à Tiron, secrétaire de Cicéron — de qui elles tirent leur nom. Ce système aurait survécu tel quel jusqu’à l’époque carolingienne, pour tomber en désuétude dans le courant du XIe siècle. Mais la réalité documentaire correspond mal à cette vision simpliste. La paternité de Tiron relève probablement de la légende. Néanmoins il est certain que les Latins ont disposé, dès l’époque classique, d’un système permettant de noter les paroles « au vol ». Le fait est attesté par différents passages littéraires (qui, malheureusement, ne vont guère au-delà de la brève allusion). C’est très certainement grâce à ce procédé qu’ont été recueillis les discours prononcés au Sénat (dont ceux de Cicéron, bien entendu) et, à l’époque des Persécutions, les Actes des martyrs (c’est-à-dire les procès-verbaux de leurs interrogatoires). Mais rien n’a survécu de cette époque — excepté peut-être une des tablettes de Vindolanda, qui pose des problèmes assez difficiles. Si on excepte cet unique vestige, on ne saurait vraiment dire à quoi ressemblaient les signes utilisés, s’ils couvraient la totalité du vocabulaire, ni quelles étaient les règles de leur emploi. Or, si on considère l’évolution qu’a subi l’écriture usuelle dans le même temps, il est plus que probable que ces notes antiques n’avaient qu’une ressemblance éloignée avec les exemples tardifs dont nous disposons. Les premiers de ces exemples datent de l’époque barbare. On les trouve quasi exclusivement au bas de diplômes ou contrats émis par les chancelleries où l’on s’est efforcé de perpétuer les usages de l’administration romaine. Dans la plupart des cas, il s’agit de mentions extrêmement brèves attestant que le document a été écrit, souscrit, ou validé par tel ou tel, sur ordre de tel ou tel autre ; plus rarement d’une brève analyse de l’acte. Les noms propres y sont très nombreux, et notés au moyen de signes syllabiques. Les « notes » proprement dites, représentant chaque mot au moyen d’un signe synthétique, présentent de très grosses différences d’une région à l’autre, et surtout avec le système connu à l’époque carolingienne ; mais Page 2 sur 13 L'ecriture. Le manuscrit dans tous ses états, cycle thématique 2005-2006 de l’IRHT elles présentent en elles, et avec le système ultérieur, de nombreux traits communs. Il est clair que l’ensemble remonte à une origine commune. Néanmoins ces divergences rendent ces notes « précarolines » horriblement difficiles à déchiffrer dès que l’on s’écarte des notations syllabiques. Les mentions de cette époque se rencontrent dans tout le domaine de la Romania occidentale : Gaule franque, Italie gothique, Espagne wisigothique ; on n’en a pas signalé d’exemple avéré dans les îles Britanniques. Les prétendues « notes tironiennes » introduites par les copistes irlandais dans leurs manuscrits montrent en réalité que ceux-ci n’ont jamais vraiment eu connaissance du système : il ne s’agit que de cinq ou six mots qui apparaissent sous une forme très déformée. En Italie, en revanche, ces systèmes ont partiellement survécu au raz-de-marée du système carolingien, en évoluant vers un fonctionnement entièrement syllabique. Il faut attendre la fin du VIIIe siècle pour disposer d’un ensemble de notes consistant. Il est avant tout représenté par un énorme glossaire intitulé Commentarii notarum tironianarum — où commentarius a le sens d’ « interprétation », c’est-à-dire de transcription en clair. C’est manifestement à la diffusion de ce recueil qu’on doit le spectaculaire développement des notes qui se produit alors, et surtout leur normalisation. Sa diffusion dans les différentes parties de l’empire est attestée par la douzaine d’exemplaires qui nous en sont parvenus. Ce gigantesque corpus inventorie 12 000 signes environ, regroupés en chapitres plus ou moins thématiques. C’est là un chiffre énorme, en face des quatre à huit mille mots que recense, de nos jours, un dictionnaire bilingue usuel. Mais, dès l’abord, on est frappé par les caractéristiques lexicographiques de son contenu. On y tombe à chaque instant sur des kyrielles de mots étranges, de formes corrompues et même difficilement vraisemblables ; en revanche, beaucoup de mots courants sont absents. Ces bizarreries ont fait les délices des savants du XIXe siècle que je rappelais plus haut, et qui se sont employés à interpréter et à corriger les mots incompréhensibles, ou à les justifier par l’étymologie. L’hétérogénéité du matériau ne leur a pas échappé ; mais ils en ont généralement conclu que le corpus s’était constitué par accrétion graduelle, au fil des temps. Beaucoup d’efforts ont ainsi été consacrés à dater le vocabulaire dans l’espoir de déduire la date d’apparition des notes correspondantes. On a analysé de près la transmission « texte » proprement dit ; mais faute d’une culture et d’une documentation paléographiques suffisantes, on n’en a guère fait autant avec les notes elles-mêmes. On ne s’est surtout guère posé la question de savoir s’il était nécessaire que les notes aient été transmises en même temps que le « texte ». Pourtant de nombreuses singularités amènent à douter qu’on ait affaire à la réunion progressive de listes reflétant l’usage. On trouve, par exemple, tout un chapitre énumérant des termes techniques relatifs aux arts de la scène (qui sont souvent des termes grecs) ; ou bien un autre regroupant le vocabulaire nautique. Or il est évident que ni les machinistes de théâtre, ni les patrons de galère n’ont jamais eu besoin de la tachygraphie dans le cadre de leur métier. Le caractère artificiel de cette compilation apparaît encore dans la façon dont sont composées certaines séries de mots — en particulier de verbes : chaque radical y est systématiquement accouplé à la série complète des préfixes possibles (ab-, ad-, con-, uploads/Litterature/ notes-tironiennes-pdf 1 .pdf
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- Publié le Sep 20, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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